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bes. Deux bouillons.

naie. Le trictrac.

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Le pansement refusé.

Le jus d'her

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L'égalité des jours. La fausse monLe maigre de madame Élisabeth. Séparation de madame Élisabeth et de madame Royale. - Le 10 mai 1794. Interrogatoire de madame Élisabeth par FouquierTinville. Chefs d'accusation. Le 10 août, les diamants, correspondance, etc.

Puisque, laissant de côté les événements qui se passaient en dehors du Temple, nous avons suivi les catastrophes royales de Louis XVI à Marie-Antoinette, ne quittons cette sombre prison qu'après en avoir fini avec ses illustres captifs.

La reine conduite du Temple à la Conciergerie, et de la Conciergerie à l'échafaud, il ne restait plus au Temple que madame Élisabeth, madame Royale et le jeune dauphin.

Madame Élisabeth et madame Royale logeaient ensemble; le jeune dauphin habitait, au-dessous de leur appartement, la chambre de Simon.

Les deux princesses ignoraient la catastrophe du 16 octobre. Quelques mots surpris à la dérobée, quelques vagues rumeurs venant de la rue suffirent pour éclairer madame Élisabeth, qui, d'ailleurs, si près d'être martyre à son tour, avait peut-être déjà l'intuition d'une sainte, Le

plus longtemps qu'elle put, elle cacha la vérité à sa nièce. La nouvelle de la mort du duc d'Orléans, que les deux princesses connurent par les cris des colporteurs, fut la seule nouvelle positive qui leur parvint pendant tout le courant de l'hiver.

Cependant la mort du roi et de la reine était loin d'avoir, comme on eût pu le penser, allégé la situation des princesses et du jeune prince. A chaque instant, les visites de municipaux se succédaient, les fouilles devenaient de plus en plus brutales et rigoureuses; ces fouilles furent fixées à trois par jour, et l'une de ces fouilles, faite par des municipaux ivres, dura depuis (quatre heures de l'après-midi jusqu'à huit heures et demie du soir. Pendant ces quatre heures, les deux princesses, l'une belle encore, l'autre belle déjà, furent en butte aux propos les plus grossiers, aux attouchements les plus obscènes. Malgré la sévérité et la longueur de cette opération, elle ne donna pour résultat qu'un jeu de cartes avec des rois et des reines, ce qui était fort criminel, il est vrai, et un volume avec des armoiries imprimées sur sa reliure.

Veut-on voir, par les extraits du registre des délibérations du conseil général, à quel point de persécution puérile on en était arrivé avec les pauvres femmes ? On n'a qu'à lire les extraits suivants :

Séance du 24 pluviose an II.

« Un administrateur de police, de service hier, dépose sur le bureau un dé d'or qui lui a été remis par Élisabeth,

pour en recevoir un autre de telle nature qu'il plaira au conseil, observant que celui qu'elle remet est percé.

>> Le conseil donne acte au citoyen administrateur du dépôt qu'il a fait, et arrête qu'il sera donné un autre dé en cuivre ou en ivoire, et que le dé d'or sera vendu au profit des indigents. >>

Séance du 8 germinal an II.

« Le secrétaire-greffier annonce au conseil qu'en exécution d'un de ses précédents arrêtés, il a acheté deux dés en ivoire pour les prisonnières du Temple; il ajoute que, demain, il portera à la Monnaie le dé d'or, pour le prix en être distribué par les ordres du conseil.

» Le conseil général donne acte au secrétaire-greffier de la déclaration. >>

Madame Élisabeth avait, depuis trois ans, un cautère au bras, et, malgré ses réclamations, malgré les attestations du médecin, constatant que ce cautère était indispensable à sa santé, on lui refusa longtemps ce qui lui était nécessaire pour le soigner. Enfin, un jour, un municipal, indigné de cette inhumanité, en voya chercher, comme pour lui et de son argent, les objets nécessaires à ce pansement, à la pharmacie voisine.

Quant à madame Royale, qui avait l'habitude des jus d'herbe le matin, il fallut qu'elle s'en passât, cette dépense étant regardée comme inutile.

Ce n'est pas le tout; madame Royale prenait deux bouillons par jour; c'était un dernier luxe, que l'on pouvait

bien laisser à l'illustre captive; mais on trouva que c'était de pareilles profusions que venait la ruine de la République; et, dans la séance du 19 pluviôse an 11, intervint cet arrêté de la Commune:

« Le conseil du Temple fait part que le citoyen Langlois a apporté une bouteille, du contenu d'environ un demisetier, scellée d'un cachet formé de plusieurs lettres que nous n'avons pu distinguer, et sur laquelle était une inscription portant ces mots :

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» Bouillons pour Marie-Thérèse.

Ayant interpellé ledit Langlois de dire de quel ordre il apportait ces bouillons, a dit que, depuis environ quatre ou cinq mois, il avait toujours continué d'en apporter sans empêchement.

» Le conseil du Temple, considérant qu'aucun officier de santé n'avait ordonné les bouillons mentionnés ci-dessus, et la fille Çapet et sa tante jouissant d'une santé parfaite, ainsi que s'en est assuré le conseil aujourd'hui ;

» Considérant que ce ne peut être que par une espèce d'habitude, et sans aucun besoin, que l'usage de ces bouillous a été conservé, et qu'il est en même temps de l'intérêt de la République, ainsi que du devoir des magistrats, d'arrêter toute espèce d'abus à l'instant qu'ils viennent à leur connaissance;

» Arrête qu'à compter de ce jour, l'usage de tout remède par qui que ce soit cessera jusqu'à ce qu'il en ait été référé au conseil général de la Commune, pour être statué par lui définitivement ce qu'il appartiendra.

» Le conseil adopte l'arrêté du conseil du Temple dans tout son contenu. »

Une des grandes douleurs des pauvres princesses, c'était de ne pouvoir suivre ponctuellement les commandements de l'Église; ainsi elles s'exposèrent à toute sorte d'injures et de grossièretés pour tâcher de faire maigre pendant les jours de pénitence. Entre autres plaisanteries, on leur répondit que, depuis la proclamation de l'égalité universelle, il n'y avait plus de différence entre les jours.

D'ailleurs, les semaines avaient été supprimées au profit des décades.

Malgré toutes ces bonnes raisons, un vendredi, madame Élisabeth insista pour obtenir des œufs ou du poisson.

- Pourquoi cela, des œufs ou du poisson? demanda le municipal.

- Pour faire maigre, répondit madame Élisabeth.

Et pourquoi veux-tu faire maigre?

Parce que c'est une des prescriptions de notre sainte Église.

Mais, citoyenne, s'écria le municipal avec une profonde pitié pour l'ignorance et la superstition de la prisonnière; mais tu ne sais donc pas ce qui se passe? Il n'y a plus que les sots qui croient à cela!

Madame Élisabeth se résigna, et, à partir de ce moment, cessa de rien demander.

Un jour, on se présenta chez les prisonnières pour procéder à une fouille plus rigoureuse qu'aucune de celles qui avaient encore été opérées.

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