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dront sans doute que l'intrigue en est empruntée au fait que nous venons de raconter; mais ce qu'ils ne peuvent savoir, c'est la douloureuse anecdote que je demande à mes lecteurs la permission de consigner ici.

Le roman du Chevalier de Maison-Rouge portait d'abord et tout naturellement le titre de Chevalier de Rougeville; sous ce titre, il était annoncé à la Démocratie pacifique, qui devait le publier, lorsqu'un matin, je reçus une lettre conçue en ces termes :

<< Monsieur,

» Mon père a marqué dans la révolution française, d'une façon si rapide et en même temps si mystérieuse, que je ne vois pas, je vous l'avoue, sans inquiétude, connaissant vos principes républicains, son nom en tête d'un roman en quatre volumes. De quels incidents avez-vous pu accompagner le fait qui se rattache à son nom? Voilà ce que je vous demanderai avec quelque inquiétude, quoique je cnonaisse, monsieur, tout le respect que vous professez pour les grandes choses tombées, toutes les sympathies que vous avez pour les nobles dévouements.

» Veuillez, monsieur, me rassurer par quelques mots; j'attends une réponse à ma lettre avec impatience.

» Agréez, monsieur, l'assurance de mes sentiments les plus distingués.

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On comprend que je m'empressai de répondre. Voici ma lettre :

a Monsieur,

>> J'ignorais qu'il existât encore, de par notre France, un homme qui eût l'honneur de s'appeler le marquis de Rougeville. Cet homme, vous m'apprenez son existence et les obligations qu'elle m'impose : quoique mon roman, monsieur, soit tout en l'honneur de monsieur votre père, à partir de ce moment il a cessé de s'appeler le Chevalier de Rougeville, pour s'appeler le Chevalier de MaisonRouge.

» Veuillez recevoir, monsieur, l'hommage de mes sentiments les plus distingués. »>

Un mois à peine s'était écoulé, lorsque je reçus cette seconde lettre:

<< Monsieur,

>> Appelez votre roman comme vous voudrez

je suis le dernier de la famille, et je me brûle la cervelle dans une heure.

» DE ROUGEVILLE.

» Petite rue Madame, no 3. »

J'ouvris le tiroir de mon bureau, j'y cherchai la première lettre, je comparai l'écriture de l'une avec l'écriture de l'autre, c'était bien la même.

L'écriture était nette, ferme, correcte, et l'on y eût vainement cherché la trace de la moindre émotion.

J'eus quelque peine à croire à la réalité d'une pareille décision; j'appelai un de mes secrétaires, et je l'envoyai prendre à l'instant même, à l'adresse indiquée dans la lettre, des nouvelles de M. de Rougeville.

Il venait effectivement de se tirer un coup de pistolet dans la tête; mais il n'était pas mort, et, sans répondre de sa vie, les médecins espéraient le sauver.

Vous irez tous les jours prendre des nouvelles de M. de Rougeville, dis-je à mon secrétaire, et vous me tiendrez au courant de sa santé.

Pendant deux jours, il y eut une amélioration progressive.

Le troisième jour, il revint et m'annonça que M. de Rougeville, pendant la nuit précédente, avait arraché l'appareil de sa blessure, et, le matin, était mort du tétanos. Revenons à la reine.

LVI

Richard remplacé par Bault à la Conciergerie.

fruits. Les reliques.

-

Les fleurs et les

Les cheveux de la reine. La couche

de chaux. La couverture de coton. La boucle de cheveux.

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Fouquier-Tinville.

Tronchon-Ducoudray,

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Chauveau-Lagarde et

La reine au tribunal révolutionnaire. Les juges et le président. L'acte d'accusation, l'interrogatoire. Indignation de la reine. Les quatre questions.

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La salle d'attente.
Les trois abbés confesseurs refusés.

Lettre de la reine. Insistance du dernier.

Espérance de la reine. · La robe blanche de la dernière toi

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Courage de la reine. Cris du peuple.- La charrette. L'Assomption. La bénédiction clandestine,

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- Dernières paroles de la reine. On montre sa tête Le 16 octobre 1793.

Richard et sa femme, avons-nous dit, soupçonnés d'être les complices de Rougeville, avaient perdu leur place : il s'agissait de nommer quelqu'un à ce poste important, et l'on songeait à l'infàme Simon, quand deux anciens concierges de la Force, madame Bault et son mari, sollicitèrent avec tant d'instances, qu'ils obtinrent de remplacer les Richard. Autrefois, la princesse les avait protégés, et, au moment où à son tour elle pleurait les pauvres protecteurs qu'elle avait perdus, elle vit tout à coup apparaître, sans pouvoir y croire d'abord, des visages amis.

L'ordre avait été donné par la Commune de mettre la reine à l'ordinaire des prisonniers, c'est-à-dire au pain noir et à l'eau; l'eau de la Seine faisait mal à la reine, et, depuis longtemps, elle sollicitait de boire de l'eau d'Ar

cueil dont elle avait l'habitude; madame Bault fit venir de l'eau d'Arcueil en cachette, et lui prépara elle-même ses aliments; puis, après le nécessaire vint le luxe : les marchandes de fleurs et les marchandes de fruits de la halle, anciens fournisseurs des maisons royales, apportaient des melons, du raisin, des pêches, et même des bouquets, que le concierge. au risque de sa tête, faisait passer à sa prisonnière.

C'était bien audacieux, et, un jour, cette audace faillit avoir sa punition; les administrateurs de la police s'aperçurent que, pour intercepter l'humidité, on avait tendu une vieille tapisserie entre le lit et la muraille, attention, dirent-ils, qui sentait son courtisan d'une lieue.

Bault répondit que c'était pour assourdir les plaintes de la reine, qui pouvaient être entendues des autres prisonniers.

On se contenta de l'excuse.

La reine n'avait que deux robes, l'une blanche, l'autre noire; l'humidité les faisait tomber en lambeaux, trois chemises les seules qu'elle possédât, et ses bas et ses souliers imprégnés d'eau, en étaient venus à être hors de service; la fille de madame Bault fit passer à la reine d'autres bas, d'autres chemises et d'autres souliers, et distribua, comme des reliques, ces hardes que le malheur et la prison avaient sanctifiées; mais ce que la reine ne pouvait remplacer, c'étaient ces beaux cheveux blonds déjà atteints à Varennes, et qui blanchissaient et tombaient, comme, à l'approche de la mort de l'arbre, se fanent et tombent les feuilles qui faisaient sa chevelure.

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