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LIII

On bat la générale à cinq heures du matin.

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Le testament.

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A ma femme!

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chercher ?.
Le concierge
Mathey. —La voiture et les gendarmes.—Ordre de la Commune.
L'angle des rues. - Cris de grâce sans écho.

Batz, Devaux et leurs amis. Leur vaine tentative. Dispositions de la place de la Révolution. L'échafaud et les piques. La foule im

mense. Louis recommande M. de Firmont aux gendarmes. Derniers outrages. Lutte du roi. Les marches glissantes.

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La tête montrée au peu

Commotion. Lettre à la Conven

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Depuis cinq heures du matin, la générale battait; les pavés de la grande cité tremblaient sous le bondissement des canons et sous le trépignement des chevaux.

A neuf heures, le bruit répandu sur plusieurs quartiers de la ville se concentra vers le Temple. Les portes s'ouvrirent avec fracas; Santerre, accompagné de sept ou huit munipaux, entra dans la cour à la tête de dix gendarmes, qu'il plaça sur deux rangs.

À ce bruit, le roi sortit de son cabinet et se trouva en

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- Je vous demande une minute.

Le roi rentra dans son cabinet, et effectivement, au bout d'une minute, il en sortit.

Son confesseur le suivait. Le roi tenait à la main son testament, et, s'adressant à un municipal, nommé Jacques Roux, ancien prêtre assermenté :

- Monsieur, lui dit-il, je vous prie de remettre ce papier à la reine.

Puis, se reprenant, avec une dignité mêlée de larmes :

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Cela ne me regarde pas, répondit le prêtre. Je suis ici pour une seule chose pour vous conduire à l'échafaud. Alors, le roi, s'adressant à un municipal nommé Gobeau :

Remettez, je vous prie, dit-il, ce papier à ma femme. Vous pouvez en prendre lecture; il y a des dispositions que je désire que la Commune connaisse.

Cléry était derrière le roi, près de la cheminée.

Le roi le chercha des yeux, et, l'ayant trouvé au moment où celui-ci s'avançait pour lui donner sa redingote : Merci, lui dit-il, je n'en ai pas besoin; donnez-moi seulement mon chapeau.

-

Cléry le lui tendit. La main du roi rencontra celle du valet de chambre, l'égalité de la mort joignit ces deux mains dans une dernière, dans une suprême, dans une douloureuse étreinte.

Alors, s'adressant aux municipaux :

-Messieurs, dit le roi, je désirerais que Cléry restât près de mon fils, qui est accoutumé à ses soins, et j'espère que la Commune accueillera cette demande.

Puis, se tournant vers Santerre, et le regardant en face: - Partons! dit-il.

Louis descendit l'escalier avec une dignité qui ne lui était pas habituelle, mais que donne à tout homme l'approche du moment où il connaîtra ce grand mystère qu'on appelle la mort. Santerre et ses municipaux semblaient le suivre et non le conduire.

Au bas de l'escalier, il rencontra le concierge. La veille, le concierge, au moment où le roi s'approchait de la cheminée pour se chauffer, s'était insolemment placé devant lui, et le roi, chose rare chez lui, s'était laissé emporter à un mouvement de violence.

En se trouvant en face de cet homme, Louis se rappela cette scène de la veille.

Alors, il s'approcha de lui, et, avec toute l'humilité d'un chrétien :

Mon ami, dit-il, j'ai eu un peu de vivacité hier envers vous; je vous prie de me pardonner.

Mathey non-seulement ne répondit point, mais encore tourna le dos au roi, qui demandait un pardon, lorsque c'eût été à lui de pardonner.

Le roi était en habit brun, en culotte noire, en bas blancs et en gilet de molleton; il monta dans une voiture; cette voiture était verte et l'attendait à l'entrée de la seconde cour.

Deux gendarmes attendaient à la portière: l'un d'eux monta le premier et s'assit devant, le roi monta ensuite et fit asseoir son confesseur près de lui à gauche; l'autre gendarme monta le dernier, s'assit près de son compagnon et ferma la portière.

Ces deux gendarmes étaient, l'un un lieutenant, et

l'autre un maréchal des logis de gendarmerie; le lieutenant s'appelait Leblanc.

La voiture roula.

Le roi lisait les prières des agonisants et les psaumes de David.

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Paris semblait désert; un ordre de la Commune avait interdit à tout citoyen qui ne faisait point partie de la milice armée, de traverser les rues qui débouchaient sur le boulevard, ou de se montrer aux fenêtres sur le passage du cortége. Aussi, sous ce ciel bas et brumeux, au milieu de cette atmosphère sombre où fourmillaient les piques, n'entendait-on d'autre bruit que les roulements de soixante tambours, le piétinement des chevaux et la marche des fédérés.

De temps en temps, à l'angle d'une rue, on voyait briller comme une étincelle : c'était la lance d'un canonnier qui se tenait mèche allumée près de sa pièce.

Ce bruit qui se faisait autour du roi l'empêchait de recevoir les exhortations de son confesseur; mais le prêtre priait auprès de lui, et priait pour lui.

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Le roi, aussi, priait incessamment pour lui-même; il était calme, sinon héroïque; il marchait à la mort, sinon la tête haute, comme un chevalier, du moins les mains jointes comme un chrétien.

Peu de cris s'élevèrent sur son passage; quelques cris de grâce au sortir du Temple; ces cris moururent sans écho.

Arrivé en cet endroit du boulevard situé entre la rue Saint-Martin et la rue Saint-Donie, en face de la rue Beau

regard, une espèce de tumulte fit faire halte au cortège et lever la tête au roi. Dix ou douze jeunes gens, hélas! voilà tout ce qui se présenta de trois mille qui s'étaient engagés! dix ou douze jeunes gens, conduits par le baron de Batz et par son secrétaire Devaux, venaient de rompre la haie et se précipitaient vers la voiture en criant:

A nous, ceux qui veulent sauver le roi!

Mais ce cri de provocation mourut sans écho, comme était mort le cri de grâce.

Repoussés par la gendarmerie, les conspirateurs se perdirent dans les rues voisines; deux ou trois furent pris et exécutés plus tard.

Le funèbre cortége reprit sa marche, un instant suspendue, sans que rien troùblât davantage le silence et l'immobilité du peuple; à l'endroit où est aujourd'hui la Madeleine, et au moment même où le roi, regardant devant lui, pouvait voir la machine fatale, un rayon de pâle soleil d'hiver glissa à travers les nuages, ou plutôt s'infiltra dans la brume, dorant l'échafaud, les piques, et ces milliers de têtes, pávé mouvant qui s'étendait de tous côtés aussi loin que la vue pouvait atteindre.

Il était dix heures cinq minutes du matin.

Tout était prêt, on n'attendait plus que le patient.

Sous les colonnes de la Marine étaient les commissaires de la Commune, placés là pour dresser procès-verbal de l'exécution; autour de l'échafaud, on avait fait une grande place vide, bordée de canons; au delà do cette place vide,

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