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m'accusoit d'être républicain, pour faire plaisir à la cour et bouleverser la révolution; alors enfin que Bonneville, Condorcet et moi défendions seuls avec vigueur le républicanisme contre les Feuillans, et même contre les Jacobins de Paris, qui trembloient au seul nom de républicain; alors même je me prononçois ouvertement contre la république fédérative; et je vais citer un passage frappant qui le prouvera.

Casaux, qui m'attaqua dans plusieurs lettres insérées, dans les journaux modérés, disoit : « Il faut être bien grand faiseur, pour croire à la solidité, à la permanence d'une confédération de quatre-vingt-trois départemens.

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Et je lui répondois dans le Patriote François du 8 juillet 1791. Quoi, M. Casaux en est là ! si peu avancé! quel insensé a rêvé de faire en France quatre-vingt-trois républiques confédérées ? Les républicains; au moins ceux que je connois, ne veulent que la république cu gouvernement représentatif, dont les quatre-vingt-trois départemens sont les quatre-vingt-trois fractions, co-ordonnées les unes avec les autres, et aboutissant toutes à un point commun, à l'assemblée nationale, etc.

Ce n'est pas tout. Avant l'ouverture de la convention nationale, Danton, essayant de rapprocher ce qu'il appeloit les partis, me sonda, et je ne me refusai pas aux explications, car j'ai toujours eu les divisions en horreur; jen atteste les ménagemens que j'ai eus long-tems pour Robespierre et sa faction, quoique sans cesse harcelé par eux. Il me fit quelques questions sur ma doctrine républicaine; il craignoit, disoit-il avec Robespierre, que je ne voulusse établir la république fédérative, que ce ne fat l'opinion de la Gironde. Je le rassurai. Robespierre en fut instruit, et Robespierre, continua de répandre que je voulois la république fédérative; ses partisans le soutiennent encore, quoique j'aie, à la convention, hautement voté pour la république unique ; et empruntant sa logique, ils le prouvent, parce que j'ai fait l'éloge du Fédéraliste. --

Ignorans ils ne savent pas que le Fédéraliste est préc sément un ouvrage fait contre le fédéralisme, pour ramener à l'unité de gouvernement, à cette unité que je veux, moi, pour la sûreté extérieure de la France, et pour son union interne; qu'ils veulent, eux, parce qu'ils flattent leur peuple de Paris de l'espoir de gouverner, avec cette unité, le reste de la France.

M'arrêterai-je aux autres griefs articulés contre moi par les factieux? M'arrêterai je au reproche d'avoir fait les ministres actuels et de les diriger?

Supposez-le, ce seroit accuser nos succès actuels ; ces succès qui font le tourment, le désespoir de nos agitateurs; ces succès que tous les amis de la liberté ont prédits en provoquant la guerre. Eh! qu'importe à quelles mains la France doit son salut ! Mais d'ailleurs le choix des ministres est le choix de la nation, et rien ne linfence, ne peut l'influencer que le talent ou la vertu. Un cri universel a rappelé les trois premiers au ministère, et il faut, ou calomnier la nation, la convention, l'appel nominal, ou convenir que les talens et les vertus ont été aussi les titres des autres.

Mais les ministres sont mes amis ! Est-ce donc un crime d'être l'ami d'hommes vertueux? Faut-il les fuir, parce que la confiance publique se repose sur eux ? Ceux qui les accusent de se laisser diriger, ne connoissent ni les ministres, ni moi, ni le régime actuel. Ils sont incorruptibles: mon insouciance sur mes intérêts est connue; et, sous le régime actuel, le ministère ne peut admettre long-temps ni fripons, ni sots. Or, il n'y a que ces deux sortes d'hommes qui se laissent influencer. Mon crime n'est pas tant d'influencer, que d'avoir cru que tel homme, pour avoir été et être un mauvais baladin, pouvoit fort bien n'être pas bon ministre de l'intérieur. Voilà ce qui m'a valu tant d'injures de la part de ceux qui avoient spéculé sur cette espèce de ministre; voilà ce qui les fait encore crier au feuillantisme, au modérantisme contre moi.

Les Feuillans, disent-ils, prêchoient l'ordre, force à la loi, respect aux autorités constituées, et je le prêche aussi. --Les modérés eux mêmes me font la même objection, m'accusent de tomber en contradiction, et je n'y suis point.

...

Certes, les Feuillans prêchoient l'ordre, mais c'étoit au profit d'un roi parjure, au profit de la liste civile, de la contre révolution ; et moi, je le prêche pour le profit du peuple et de la liberté. Les désorganisateurs, avant le 10 août, étoient de vrais révolutionnaires; car il falloit désorganiser pour être républicain. Les désorganisateurs d'aujourd'hui sont de vrais contre- révolu tionnaires, des ennemis du peuple; car le peuple est maître maintenant; toute autorité vient de lui; tout agent sera élu par lui; il a donc la liberté au plus haut degré. Que lui reste-t-il à désirer? La tranquillité intérieure, puisque cette tranquillité seule assure au proprié taire sa propriété, à l'ouvrier son travail, au pauvre son, pain de tous les jours, et à tous la jouissance de la liberté. Rappellerai je enfin le dernier grief qu'on a élevé contre moi, qu'on a consigné dans ma sentence de radiation?

On m'y condamne, parce que j'ai professé des principes contraires à l'ESTIME due à l'assemblée électorale et à la commune de Paris.

Estimer une assemblée électorale (1) qui, la première,

(1) Je veux donner un échantillon de la bonne-foi de Collot. Il m'accuse dans ma sentence, qu'il a redigée, et qui est aussi plate et aussi mensongère que la circulaire, d'avoir imprimé, dans la Patriote François, du 11 septembre, que l'assemblée électorale de Paris N'ÉTOIT COMPOSEE QUE D'INTRIGANS. Voici le passage. - Je recommande Bouueville aux électeurs des 82 departemens; il n'a aucun titre pour les intrigans de Paris ». Cette phrase siguifioit bien que je croyois à des intrigans; mais toute une assemblée d'intrigans je ne suis pas absurde à ce point. Je connois dans celle de Paris des hommes estimables qui out rongi de ses choix.

!

a souillé l'appel nominal, en le prostituant à la plus vile des factions! qui n'a pas rougi de porter au sein de l'assemblée régénératrice de la France, des hommes dignes de l'échafaud ou des petites maisons!

:

Estimer une commune qui n'a cessé de luter contre les. représentans de la nation, de fouler aux pieds leurs décrets, de sanctionner les arrêts de mort d'un comité d'in quisition, de meurtre et de pillage d'un comité dont les membres, sommés vingt fois de rendre leurs comptes, ont été déclarés mauvais citoyens ! Non, non, l'arrêté qui me raye fait mon éloge. Et quand l'amour de l'ordre et le respect pour les loix reparoîtront dans la société des amis de la liberté et de l'égalité à Paris, je veux que chaque grief y soit un éloge honorable pour moi. Je veux être embrassé de mes frères avoir eu le pour courage de comtattre les factieux.

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Car, en me résumant sur tous ces griefs, je suis rayė, parce que j'ai cru à un parti de désorganisateurs, dont tout atteste l'existence;

Parce que j'ai provoquè la guerre, sans laquelle la royauté subsisteroit encore;

Parce que j'ai provoqué le décret du 24 mars, sans lequel nos colonies ne subsisteroient plus ;

Parce que j'ai été vendu à la liste civile, qui m'a sans cesse déchiré, et que j'ai sans cesse combattue;

Parce que j'aime les rois quand ils ne sont plus, après les avoir poursuivis, lorsqu'ils étoient;

Farce que j'ai été le partisan de Lafayette, contre lequel j'ai demandé un décret d'accusation ;.

Parce que je suis chef d'une faction qui n'existe point, et l'ami de députés qui ont le grand tort de ne pas aimer les factieux;

Parce que je suis l'ami des ministres vertueux et éclairés ; Farce que j'ai présidé la commission extraordinaire, qui a préparé les immortels décrets du 10 août, et sauvé la France et Paris des fureurs des anarchistes ;

I

Parce que je ne crois pas à la sainteté des héros du z septembre;

Parce que je crois, au contraire, que ce jour, à jamais exécrable, a souillé la révolution du 10 août;

Parce que j'ai dénoncé le comité de surveillance, qui commandoit le pillage et les assassinats :

Parce que je n'ai pas voulu rendre hommage au choix déshonorant de l'assemblée électorale de Paris;

Parce que j'ai abaissé le pouvoir révolutionnaire de la commune de Paris au-dessous du pouvoir de l'assemblée nationale;

Parce que j'ai le malheur de croire que le peuple a besoin de la paix et de l'ordre, et qu'on ne gouverne pas avec des massacres périodiques ;

Parce que je veux la république fédérative, contre laquelle j'ai écrit il y a plus d'un an, et contre laquelle encore j'ai voté dans la convention ;

Parce qu'enfin, et c'est bien là mon véritable crime, je n'ai pas voulu 'me prosterner devant la dictature de Robespierre et de ses protecteurs ou protégés, qui frémissent de ne pas dominer l'assemblée nationale, comme ils dominent les jacobins de Paris.

Quelle idée maintenant pouvez-vous avoir, citoyens, d'une société subjuguée par des hommes aussi méprisables, aussi cdieux? D'une société où la liberté de parler est proscrite, où une minorité petite, mais bruyante, enchaîne une majorité sage, mais foible; où cette minorité factieuse, à l'aide de tribunes, que la même tactique dirige, étouffe la voix de ceux qui veulent la combatre; où les dénonciations les plus absurdes et les plus fausses, sont accueillies avec transport, loisqu'on en repousse, lorsqu'on en repousse, avec acharnement, les justifications (1)? D'une société où l'on déchire des hommies ver

(1),Je n'en citerai que deux exexemples. Dans la séance du 25 avril 1792, je fus sans cesse, ainsi que Guadet, inter

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