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vernement? les droits de l'homme sont les droits de toutes les générations, ne portons donc pas notre soin de leur bonheur jusqu'à douter de leur capacité (car elles peuvent être plus sages que nous ne sommes) et ne nous aveuglons pas au point d'usurper un pouvoir auquel nous n'avons pas de droit.

C'est une partie très-importante de la constitution qu'un moyen de se corriger elle même. Il est peut être impossible de combiner dans une institution les principes, les opinions et la pratique de manière à ce que le tems et les circonstances n'y apportent aucune altération et n'y fassent sentir aucun inconvénient. La meil leure manière d'empêcher que ces inconvéniens ne s'accumulent au point de décourager des réformes ou de provoquer les révolutions, c'est de pourvoir d'avance aux moyens de les corriger à mesure qu'ils arrivent. Une telle constitution peut être appellée une constitution. perpétuelle, mais aucune autre ne mérite ce nom.

La constitution de Pensylvanie, établie en 1776, par la convention dont Benjamin Franklin étoit président, prit la précaution de statuer qu'à l'expiration de sept années (terme qu'on supposoit devoir conduire au-delà de la guerre) une nouvelle convention seroit élue pour reviser la constitution, la comparer avec l'opinion publique, et proposer les additions ou retranchemens qui seroient jugés nécessaires ou utiles; mais ces améliorations proposées devoient être offertes un tems considérable à l'attention publique avant d'être rejettées ou confirmées. Cet article fut ensuite changé dans une convention subséquente et l'on y substitua le droit du peuple de changer ou perfectionner la constitution toutes les fois qu'il le jugeroit à propos. Quant à moi je crois l'exercice périodique de ce droit préférable à cette déclaration générale, parce qu'en même tems que cette faculté ne détruit pas le droit toujours existant, elle donne des occasions assez fréquentes d'en user et par là sert à main

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tenir le gouvernement dans la pureté des principes de la constitution.

Le gouvernement fédéral ou celui qui comprend la totalité des états unis, établi par la convention que présidoit en 1788 le genéral Washington, aujourd'hui président du congrés, contient aussi un article qui permet toutes les améliorations futures. Mais ce n'est que par le recours à l'autorité originelle du peuple, et aux moyens par lesquels la constitution elle-même a été formée. En établissant un bon gouvernement, il est aussi nécessaire de pourvoir aux moyens de le conserver tel.

Une telle précaution est si nécessaire que sans elle une constitution seroit incomplète ; l'expérience nous a montré combien les réformes étoient difficiles, c'est donc un véritable bienfait pour la postérité que d'organiser d'avance les moyens de les opérer.

Quant une constitution renferme un article qui donne la facilité d'y faire des corrections, elle est à l'abri de toute opposition, car les espérances qui peuvent désirer des perfectionnemens ou ce qu'ils regardent comme tels, employeront pour cela les moyens que fournit la constitution, et par là même elles en soutiendront encore l'autorité. Cette mesure a aussi un autre avantage. Elle détermine avec précision ce qu'est le crime de lèzenation, par rapport à la constitution elle-même. Chercher à en altérer quelque partie par d'autres moyens que ceux qu'elle fournit ( moyens également à la portée de tous les citoyens) est une définition claire de ce terme sert à imprimer non-seulement aux individus, mais encore aux dépositaires du pouvoir, une crainte salutaire de se rendre coupable de haute trahison. L'autorité de former une constitution ne renferme pas nécessairement celle de létablir; elle doit être d'abord proposée, et approuvée avant que le pouvoir de l'établir puisse exister, c'est ainsi qu'on en a jugé en Amérique. Mais quoique la manière d'agir en ce pays et en France ayent été dif

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férentes, elles se rapprochent dans le résultat, la con-
vention américaine ne laissa paroître aucune partie de
son travail jusqu'à ce qu'il fût complet, publia alors le tout
ensemble, et laissa à l'opinion pub.ique le tems de sanc-
tionner son ouvrage,
avant d'en ordonner l'exécution;
au lieu de cela l'assemblée nationale a publié son ou-
vrage à mesure qu'elle l'a fait en commençant par la dé-
claration des droits. Les deux méthodes se réunissent
donc dans le même point, l'approbation publique, et les
deux systêmes peuvent être également bons.

Pour ajouter une clause précautionnelle, il n'est pas nécessaire d'examiner si la constitution est assez parfaite pour n'avoir aucun besoin ni même être susceptible d'amélioration. Cette clause s'étend à tout ce que la constitution peut demander par la suite, et que nous ne pouvons pas même prévoir. Je ne crois pas non plus que les hommes existans ayent produit toutes les pensées possibles sur le gouvernement, et l'Abbé Raynal vient de nous prouver que les anciennes erreurs ne sont point encore mortes de vieillesse.

Quand les principes généraux d'une constitution sont bons, les réformes de détail demandées par l'expérience sont si faciles à effectuer, que la nation ne sera jamais. tentée de laisser accumuler les abus.

Je pense qu'il est d'une bonne politique de fixer la première époque de la révision de la constitution à moins de sept ans d'ici, parce qu'avant cet espace de tems ses avantages et ses défauts auront eu le tems de se faire connoître. On doit aussi observer que quelques uns des articles les plus importans de la constitution n'ont point été le produit de la réflexion, mais celui de quelques circonstances, tel est le décret sur le droit de paix et de guerre ; comme d'un autre côté on ne peut pas supposer que l'espace de deux ans (tems que l'assemblée a mis à faire la constitution) ait été suffisant pour avoir parcouru les circonsances possibles, dans la supposition

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d'addition ou correction nécessaires, le premier période de révision ne doit pas être renvoyé à un terme trop éloigné. Il n'est pas impossible, et il est même probable que la totalité du systême de gouvernement en Europe changera, que l'usage féroce de la guerre, cette cause barbare de misère, de pauvreté et de taxes sera remplacé par des moyens pacifiques de terminer les querelles entre les nations. Le gouvernement fait maintenant une révolution de l'ouest à l'est, par un mouvement plus rapide que celui qu'il reçut jadis de l'ouest. Je fais des vœux pour que l'assemblée nationale ait le courage d'énoncer l'idée d'une convention élue par différens peuples de l'Europe, pour le bien général de cette partie du monde. La liberté pour nous mêmes n'est qu'un bonheur ; elle ne devient vertu que quand nous cherchons à en faire® jouir les autres.

Un voyage m'a empêché de terminer plutôt cette lettre commencée il y a plus de cinq semaines. Depuis cette époque les circonstances dans lesquelles se trouvoit la France ont été changées par la fuite et l'arrestation de Louis XVI. Tous les événemens qui se succèdent provoquent l'homme à la raison. Il va d'idées en idées, de réflexions en réflexions, sans s'appercevoir des immenses progrès qu'il fait. Ceux qui croient que la France est arrivée au terme de ses connoissances politiques, se trouveront non-seulement bientôt trompés, mais devancés s'ils ne font eux-mêmes de nouveaux progrès dans cette carrière. Chaque jour amène des changemens. Après avoir combattu les rois comme individus, l'esprit doit naturellement les considérer comme faisant partie d'un systême de gouvernement, et trouver enfin que ce qu'on appelle monarchie n'est qu'une superstition et une fourberie politique, indigne d'une peuple éclairé. Il en est de la monarchie comme de toutes les choses dont l'existence tient à quelque servile habitude de penser.

Si on trace un cercle autour d'un homme et qu'on

lui dise vous n'en pouvez sortir sans trouver au-delà un abyme prêt à vous engloutir, il y reste tant que dure la terreur de cette impression. Mais si par un heureux hasard il met un pied hors de ce cercle ma gique, bientôt l'autre ne peut tarder à suivre.

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De l'élection des commissaires de police adjoints au juge de paix.

Les commissaires de police qui seront établis dans les différentes villes du royaume où ils seront jugés nécessaires, conformément à loi du 29 septembre 1791, seront élus pour deux ans, et pourront être réélus à chaque nouvelle nomination.

Les décrets concernant la forme des élections des municipalités, et qui règlent les qualités nécessaires pour exercer les droits de citoyen actif et pour être éligible, seront suivis pour la nomination des commissaires de police dont les fonctions sont déclarées incompatibles avec l'exercice de celle d'officier municipal, de notaire et d'avoué.

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