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que les ci-devant Cordeliers de Toul se rendraient sous quinzaine dans les maisons de Vic et de Nancy, pour y mener la vie commune. Les Cordeliers refusèrent d'obéir, adressèrent au Directoire une pétition qu'ils firent signer par leurs partisans. La pétition fut renvoyée par le Directoire à la municipalité de Toul, qui la rejeta. Alors,

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Cordeliers se soumirent et sortirent: les 4 autres, dont le supérieur, restèrent dans le couvent. Leurs amis se rassemblèrent devant la porte pour empêcher leur expulsion. La garde nationale, narguée par eux, s'irrita. On allait en venir aux mains, quand le maire de Toul tenta une suprême démarche pacifique: cette fois, les 4 Cordeliers cédèrent et quittèrent la ville, le 7 mai 1792.

Il y eut aussi, à Toul, l'affaire des sœurs Vathelottes, qui y avaient, entre autres établissements, une école de filles. Le 19 décembre 1791, les quatre sœurs de cette école signifièrent leur refus de prêter le serment civique, d'assister aux offices de la paroisse et de

conduire les enfants au catéchisme du curé constitutionnel. La municipalité de Toul, réunie, décida de supprimer l'institution des sœurs Vathelottes, puisqu'elles <<< refusaient de se soumettre à la loi », et de les remplacer par des institutrices laïques choisies au concours; ce qui fut fait.

A Saumur, il y avait un couvent d'Ursulines. Le Directoire du département de Maine-et-Loire leur imposa pour aumônier un prêtre assermenté (4 avril 1791). Elles décidèrent de ne pas assister à sa messe, de n'y pas conduire leurs pensionnaires; elles continuèrent à recevoir en cachette leur ancien aumônier, prêtre réfractaire. «< Le parloir des bonnes sœurs devint le lieu de réunion de

tous les prêtres insermentés et de tous les mécontents de la ville » (1).

On voit par ces trois exemples, et il serait facile d'en produire d'autres, que, si les hommes de la Révolution en vinrent à traiter les congrégations religieuses en ennemies, c'est pour les mêmes motifs que ceux qui amenèrent leur brouille avec l'église catholique en général, c'est-àdire à cause de la constitution civile du clergé et en particulier à cause du serment imposé aux ecclésiastiques lors de l'application de cette constitution. Les «< patriotes >> avaient commencé la Révolution d'accord avec une grande partie du clergé; ils avaient espéré la continuer, l'achever par l'établissement d'une église vraiment gallicane, vraiment nationalisée. Au contraire, c'est cette entreprise qui, en échouant, amena la rupture définitive entre l'Eglise et la Révolution et forma les circonstances d'où sortirent la guerre civile, la guerre étrangère, les violences, les malheurs, l'avortement partiel de la Révolution.

Ces congrégations, qui semblaient être devenues en majeure partie contre-révolutionnaires, c'est l'Assemblée législative qui les supprima.

D'abord, elle n'avait pas annoncé l'intention de les supprimer, mais seulement de faire pour les religieuses. ce qu'on avait fait pour les religieux, c'est-à-dire de procéder « à la réunion des maisons de religieuses qui persistèraient à mener la vie commune ». Son Comité des domaines lui présenta, dans cette vue, un projet de décret

(1) O. Desmé de Chavigny, Histoire de Saumur pendant la Révolution, pp. 108 et 109.

qui fut lu une première fois le 4 juillet 1792 et une seconde fois le 31 juillet. Dans cette dernière séance un député, nommé Lejosne, demanda la question préalable sur le projet du Comité et proposa de décréter comme principe la suppression de toutes les maisons religieuses d'hommes et de femmes, et de renvoyer au Comité pour les moyens d'exécution. Cette proposition fut appuyée ; on y ajouta celle d'augmenter le traitement des personnes qu'on forcerait à renoncer à la vie commune. Crestin et une partie de la droite parlèrent en faveur des congrégations. Un député (dont le nom est incertain) répliqua : << Les maisons religieuses sont des bastilles monachiques, dont les prêtres réfractaires sont les guichetiers. Un des pères de la Révolution, Voltaire, écrivait en 1763 qu'il était nécessaire d'extirper les moines pour la patrie et pour eux-mêmes. Ce sont des hommes, disait-il, que Circé a changés en pourceaux. Le sage Ulysse doit leur rendre leur forme humaine. » Finalement, l'Assemblée vota le renvoi de la proposition Lejosne au Comité.

On voit de quel ton on parlait maintenant des congrégations. La colère causée par le manifeste de Brunswick prépara les esprits à toutes les résolutions extrêmes, et l'on n'eut pas la patience d'attendre le rapport du Comité des domaines. Dans la séance du 4 août 1792, on lut une lettre de Lacombe Saint-Michel, Gasparin et Carnot, commissaires de l'Assemblée à Soissons, où il était dit qu'une ancienne abbaye de Notre-Dame, devenue « le repaire de la plus pestilentielle aristocratie », et occupée par 49 religieuses, était assez vaste pour qu'on y pût faire « un magnifique hôpital » et « un casernement de 2.000 hommes >> Les commissaires priaient l'Assemblée de rendre un décret

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à ce sujet (1). Un débat s'engagea, et Charlier proposa de décréter que toutes les maisons encore occupées par des religieux et des religieuses seraient évacuées pour le 1er octobre prochain. En vain on invoqua la question. préalable; en vain on proposa d'attendre le rapport du Comité des domaines. L'Assemblée décréta l'urgence et vota la proposition de Charlier, «< considérant que les bâtiments et les terrains vastes et précieux occupés par les religieux et les religieuses présentent de grandes ressources à la nation dans un moment où ses grandes dépenses lui font une loi de ne négliger aucune de ses ressources; qu'il importe de faire jouir les religieux et les religieuses de la liberté qui leur est assurée par les lois précédemment faites; qu'il n'importe pas moins de dissiper les restes du fanatisme auquel les ci-devant monastères prêtent une trop facile retraite; qu'enfin, il est un moyen de concilier, par une augmentation de pension, le bien-être des religieuses déliées de la vie commune et les intérêts de la nation avec l'extinction absolue de la vie monacale ».

Ce décret du 4 août 1792 porte que, pour le Ier octobre, toutes les maisons encore actuellement occupées par des religieux ou des religieuses seront évacuées et mises en vente, en exceptant de cette disposition « les religieuses consacrées au service des hôpitaux et autres établissements de charité, à l'égard desquelles il n'est rien innové ». Le principe d'une augmentation de traitement pour les religieuses est admis, mais ce traitement ne sera « gradué » que sur l'âge et non sur les revenus dont jouissaient les maisons auxquelles elles étaient attachées.

(1) Journal logographique.

Le 7 août, sur le rapport du Comité des domaines, il fut décidé que le traitement des religieuses serait de 500 à 700 livres, selon l'âge, à l'exception des religieuses occupées au soin des malades, à qui il serait tenu compte, comme par le passé, de la totalité de leur revenu. Il fut en outre spécifié que les religieux ou religieuses, ainsi que les autres ecclésiastiques, qui se marieraient, conserveraient leurs pensions et traitements.

V

Abolition des Congrégations séculières

C'est ainsi, par les décrets des 4 et 7 août 1792, que la Législative supprima effectivement les congrégations régulières, ne maintenant que les religieuses des hôpitaux, mais, comme on va le voir, à titre individuel et non comme congrégations.

Restaient les congrégations séculières, celles où on ne faisait pas de vœux monastiques solennels, et qui n'étaient que des associations de prêtres ou de laïques pour des œuvres religieuses de charité et d'enseignement.

La Constituante n'avait pas touché à ces congrégations séculières.

Plusieurs étaient fort populaires, comme la célèbre congrégation de l'Oratoire, qui avait été accusée, non seulement de jansénisme, mais de républicanisme. En décadence comme les autres congrégations, elle ne comptait plus que 73 maisons et 236 prêtres, au lieu de

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