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supposeriez donc qu'il existe encore. Le clergé lui-même le croirait; il reprendrait ses forces; et le roi, venant à frapper votre décret de suppression d'un veto, vous ne pourriez plus vous en débarrasser. La Constitution doit être votre point de ralliement. Je demande donc que l'on passe à l'ordre du jour. (On applaudit.)

L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Torné.

M. Cambon propose qu'il n'y ait pas lieu à délibérer sur la suppression des confréries de pénitents. Il s'appuie sur les mêmes motifs que M. Torné (1).

M. Merlet observe que cette suppression a déjà été décrétée dans l'une des précédentes séances; qu'elle est le résultat de la loi générale qui abolit les corporations, et de celle qui supprime les costumes religieux.

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C'est au nom de la

(1) Journal logographique : « M. CAMBON. liberté que je réclame la question préalable sur la suppression des pénitents. Les pénitents sont des citoyens qui forment une société pour prier l'Être suprême, et chacun le prie, d'après la Constitution, suivant son opinion religieuse. Ici, messieurs, ces citoyens, à la vérité, prennent un habit, mais pourquoi vous appesantiriez-vous sur ces citoyens qui sont dans la société comme tous les autres, et il n'y a pas ici de distinction. (Bruit.) Tous les citoyens sont égaux aux yeux de la loi, le prêtre comme le citoyen. Cependant le prêtre prend un habit quand il remplit ses fonctions, et il n'est pas plus citoyen que le citoyen qui se met en pénitent. Supprimez tous les prêtres; qu'il n'y ait pas de culte public, qu'il n'y ait pas de processions: vous serez conséquents; au lieu qu'en supprimant les pénitents seuls, vous faites une loi sur les pénitents seuls. L'évêque avec sa chape est comme un pénitent avec son sac (On rit et on applaudit); vous ne pouvez pas souffrir, comme dit le préopinant, qu'un citoyen se montre avec une mitre, si un autre ne peut se masquer avec un sac. (On rit.) On dira, messieurs, que les pénitents se masquent la figure; mais dans beaucoup de pays ils n'ont pas de voiles (Murmures); dans les pays méridionaux, il y en a

M. Ducos. J'observe à ceux qui ne croient point à des corporations dangereuses, et qui ne pensent pas qu'elles puissent ressusciter un jour les crimes du fanatisme, que la procédure contre l'infortuné Calas a été ourdie par une compagnie de pénitents blancs de Toulouse (1).

La discussion est fermée.

Plusieurs membres présentent diverses rédactions. L'Assemblée accorde la priorité à cette dernière rédaction, qui est adoptée ainsi qu'il suit...

[Ici le Moniteur reproduit par erreur le préambule qu'avait proposé Gaudin et auquel l'Assemblée avait préféré le préambule présenté par Torné. C'est seulement le 2 mai 1792 que fut votée la rédaction définitive de l'article premier, qui supprimait radicalement la congrégation. Les autres articles furent adoptés dans les séances des 1er juin et 13 août, et l'ensemble du décret fut adopté dans la séance du 18 août 1792.]

beaucoup qui ne sont pas en sacs, qui sont en citoyens, qui se rassemblent pour prier Dieu.

« M. ***

Je demande qu'on n'accorde la parole à M. Cambon que pour parler finances.

« M. CAMBON. - J'avoue, monsieur le président, que, lorsqu'on m'a envoyé de mon département, on m'a envoyé pour parler autre chose que finances. Je reviens à l'amendement du mot confrérie, et je demande la question préalable, à moins que l'Assemblée ne veuille prononcer qu'il n'y aura plus de culte public d'aucune religion quelconque. »>

(1) D'après le Journal logographique, il y eut aussi, dans cette séance, des discours de Marant, d'Isnard et d'Aubert Dubayet, qui parlèrent en faveur des pénitents. Isnard assura que la suppression des pénitents faisait croire au peuple qu'il ne pourrait plus se réunir librement pour le culte. Il ajouta : « Il y a, dans ce moment, à Marseille, cinq mille hommes que cette seule erreur a fait armer. »>

VI

Décret du 18 août 1792, portant suppression de toutes les congrégations séculières

Assemblée nationale législative, séance du 18 août 1792 au soir.

PROCÈS-VERBAI.

M. Vincens remet au bureau le décret sur la suppression des congrégations séculières et des confréries, disposé par ordre, ainsi qu'il en avait été chargé par décret du 13 de ce mois, et dont la rédaction avait été adoptée.

Suit la teneur du décret :

L'Assemblée nationale, après avoir entendu trois lectures du projet de décret sur la suppression des congrégations séculières et des confréries, et décidé qu'elle était en état de délibérer définitivement; considérant qu'un État vraiment libre ne doit souffrir aucune corporation, pas même celles qui, vouées à l'enseignement public, ont bien mérité de la patrie, et que le moment où le corps législatif achève d'anéantir les corporations religieuses, est aussi celui où il doit faire disparaître à jamais tous les costumes qui leur étaient propres, et dont l'effet nécessaire serait d'en rappeler le souvenir, d'en retracer l'image

ou de faire penser qu'elles subsistent encore, décrète ce qui suit:

TITRE Ier

Suppression des congrégations séculières et des confréries.

en

ARTICLE PREMIER. Les corporations connues France sous le nom de congrégations séculières ecclésiastiques, telles que celles des prêtres de l'Oratoire de Jésus, de la Doctrine chrétienne, de la Mission de France ou de Saint-Lazare, des Eudistes, de Saint-Joseph, de Saint-Sulpice, de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, du SaintEsprit, des Missions du clergé, des Mulotins du SaintSacrement, des Bonies, des Trouillardistes, la congrégation de Provence, les Sociétés de Sorbonne et de Navarre, les congrégations laïques telles que celles des Frères de l'École chrétienne, des Ermites du Mont-Valérien, des Ermites de Sénard, des Ermites de Saint-Jean-Baptiste, de tous les autres frères ermites isolés ou réunis en congrégations, des frères tailleurs, des frères cordonniers; les congrégations de filles, telles que celles de la Sagesse, des Écoles chrétiennes, des Vathelottes, (1) de l'Union chrétienne, de la Providence, des filles de la Croix, les sœurs de Saint-Charles, les Millepoises, les filles du Bon-Pasteur, les filles de la Propagation de la Foi, celles de NotreDame-de-la-Garde, les Dames Noires, celles de Fourquevaux, et généralement toutes les corporations religieuses

(1) On lit dans l'original: Vertelottes; mais il s'agit des sœurs dites Vathelottes, dont l'établissement avait été fondé à Toul, en 1757, par le chanoine Vathelot. Voir plus haut, p. 29.

et congrégations séculières d'hommes et de femmes ecclésiastiques ou laïques, même celles uniquement vouées aux services des hôpitaux et au soulagement des malades, sous quelque dénomination qu'elles existent en France, soit qu'elles ne comprennent qu'une seule maison, soit qu'elles en comprennent plusieurs, ensemble les familiarités, confréries, les pénitents de toutes couleurs, les pèlerins et toutes autres associations de piété ou de charité sont éteintes et supprimées, à dater du jour de la publication du présent décret.

2. Néanmoins, dans les hôpitaux et maisons de charité, les mêmes personnes continueront, comme ci-devant, le service des pauvres et le soin des malades à titre individuel, sous la surveillance des corps municipaux et administratifs, jusqu'à l'organisation définitive que le Comité des secours présentera incessamment à l'Assemblée nationale. Celles qui discontinueront leurs services sans des raisons jugées valables par les directoires du département, sur l'avis des districts et les observations des municipalités, n'obtiendront que la moitié du traitement qui leur aurait été accordé.

3. Les directoires de département feront, sans délai, d'après l'avis des districts et les observations des municipalités, tous les remplacements provisoires qui seront nécessaires dans les établissements dont il s'agit à l'article précédent.

4. Aucune partie de l'enseignement public ne continuera d'être confiée aux maisons de charité dont il s'agit à l'article 2, non plus qu'à aucune autre des maisons des ci-devant congrégations d'hommes et de filles, séculières ou régulières.

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