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impose les devoirs les plus pénibles et les plus utiles, en même temps que les privations les plus méritoires; qui, contentes d'une nourriture frugale et d'un vêtement simple et modeste, ont le courage de renoncer, par les motifs respectables de la religion et de la charité, aux droits les plus sacrés de la nature, de surmonter avec joie les dégoûts que leur présente sans cesse l'humanité souffrante, méritaient bien autant que celles qui se sont destinées au cloître la liberté de vivre et de mourir dans l'état auquel elles se sont consacrées; et ils vous proposent en conséquence d'ajourner ce qui concerne les congrégations séculières de femmes, jusqu'au temps où cette législature, ou l'une des suivantes, aura organisé l'établissement général de secours publics pour le soulagement des pauvres infirines et celui de l'éducation nationale; persuadés que ces femmes utiles et respectables trouveront dans le nouvel ordre de choses les mêmes moyens de faire leur bonheur personnel en contribuant à celui de la société. En conséquence, nous vous proposons le projet de décret suivant :

PROJET DE DÉCRET

ARTICLE PREMIER. Les corporations connues entièrement sous le nom de congrégations séculières ecclésiastiques, telles que celles des prêtres de l'Oratoire de Jésus, de la Doctrine chrétienne, de la Mission de France ou de SaintLazare, des Missions étrangères, des Eudistes, de SaintJoseph, de Saint-Sulpice, de Saint-Nicolas du Chardonnet, du Saint-Sacrement, du Saint-Esprit, des prêtres dits Mulolins;

Les congrégations laïques des ermites du Mont-Valérien, de Sénard, de Saint-Jean-Baptiste, et tous autres frères ermites; celles des frères des Écoles chrétiennes, des frères tailleurs et des frères cordonniers ;

Et généralement toutes les congrégations séculières d'hommes, ecclésiastiques ou laïques, sous quelques dénominations qu'elles existent en France, soit qu'elles ne comprennent qu'une seule maison, soit qu'elles en comprennent plusieurs, seront éteintes ou supprimées du jour de la publication du présent décret.

2. Les membres de ces diverses congrégations, actuellement employés dans les maisons d'éducation ou chargés de quelques fonctions publiques, seront tenus de continuer lesdites fonctions jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu.

3. Immédiatement après la publication du présent décret, les directoires de district, sous l'inspection des départements, feront dresser dans leurs ressorts respectifs un état détaillé des maisons d'éducation, des séminaires, des hôpitaux, et de toute autre maison et biens dépendants de chaque congrégation séculière. Cet état distinguera les biens appartenant à une congrégation de ceux appartenant aux villes et municipalités; il distinguera également la portion de biens et de revenus fondés pour l'éducation, pour les secours des malades ou autres objets d'utilité publique, pour le tout être envoyé au Corps législatif.

4. Néanmoins, l'administration temporelle desdites maisons d'éducation, hôpitaux et autres, continuera à être conduite de la même manière et par les mêmes personnes que par le passé, jusqu'à ce qu'il ait été autrement pourvu par le Corps législatif.

5. A dater du jour où l'administration et le régime, soit des maisons d'éducation, soit des hôpitaux, auront été changés en vertu de décrets du Corps législatif, chaque membre d'une congrégation qui y aura été admis selon les réglements et les épreuves requises pour cette admission, recevra une gratification, s'il y a vécu moins de douze ans, depuis le jour de son admission; et il aura droit à une pension viagère, s'il compte dans la congrégation dix années de services effectifs, qui n'aient été interrompus que pour cause de maladie.

6. La gratification accordée à un membre de congrégation ecclésiastique séculière sera de 50 livres pour chaque année de service, à compter du jour de l'admission, si ce membre est prêtre ou s'il a rempli quelque fonction de directeur, prélat, professeur ou supérieur de la congrégation; la gratification sera de 25 livres par année de service pour les frères des congrégations ecclésiastiques et pour les membres des congrégations laïques à compter également du jour de leur admission.

7. Tout prêtre, supérieur, directeur, professeur ou préfet d'une congrégation séculière ecclésiastique, qui, à compter du jour de son admission, aura plus de douze ans de service effectif, obtiendra une pension de 500 livres, s'il atteint cinquante ans, et de 400 livres, s'il n'est point parvenu à cet âge.

Les frères des congrégations ecclésiastiques et tous les membres des congrégations laïques qui réuniront les conditions d'âge et de service exigées dans l'article précédent auront également droit à une pension; mais cette pension sera moitié de celle attribuée à chacune des deux classes distinguées dans le même article.

8. Tout membre de congrégation séculière, actuellement résidant en pays étrangers, à l'exception des missionnaires envoyés hors de l'Europe par leurs supérieurs, ainsi que ceux qui payaient une pension dans leur communauté, n'auront droit à aucune gratification ni pension.

9. Les membres infirmes ou âgés de soixante ans auront la liberté de continuer à vivre en commun dans une maison qui sera réservée et désignée par le Corps législatif, pour chaque congrégation, pourvu que le nombre de ceux qui le demanderont soit de quinze personnes au moins.

IO. L'Assemblée se réserve à statuer incessamment sur le sort des congrégations de filles.

II

Motion de l'abbé Fauchet contre les Congrégations séculières

Assemblée nationale législative, séance du 23 octobre 1791.

PROCÈS-VERBAL

On a introduit à la barre des professeurs du collège de Juilly, qui ont demandé pour eux, et pour les autres professeurs des collèges occupés provisoirement par des congrégations ecclésiastiques, d'être maintenus dans leurs fonctions jusqu'après l'organisation des établissements relatifs à l'instruction publique. Ils ont lu une adresse de la municipalité de Juilly, qui appuie leur demande, et ils

ont été invités d'assister à la séance. Un membre ayant ensuite rédigé leur pétition en motion, elle a été appuyée, combattue et amendée par plusieurs opinants. La discussion fermée et le décret d'urgence demandé et rendu, l'Assemblée a décrété ce qui suit :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la pétition des professeurs du collège de Juilly et l'adresse de la municipalité du même lieu, qui y était jointe, considérant la nécessité de pourvoir promptement et provisoirement au maintien de l'enseignement public dans les différents collèges du royaume, occupés provisoirement par des congrégations ecclésiastiques, et après avoir, en conséquence, rendu préalablement le décret d'urgence, décrète, en interprétation de la loi du 12 octobre 1791 (1), que les professeurs des collèges occupés provisoirement par des congrégations ecclésiastiques seront provisoirement maintenus dans leurs fonctions, s'ils ont prêté le serment civique, et qu'ils ne pourront être destitués, déplacés ni suspendus que par un arrêté du directoire de leur département, sur l'avis du directoire de leur district; décrète, en outre, que les professeurs desdits collèges, déjà destitués, déplacés ou suspendus, pourront adresser leurs réclamations au directoire de leur département, qui fera droit sur leur demande. »

Un membre (2) ayant proposé, au cours de la discus

(1) Le 26 septembre 1791, l'Assemblée constituante avait voté le décret suivant, sanctionné le 12 octobre : « Tous les corps et établissements d'instruction et d'éducation publique existant à présent dans le royaume continueront provisoirement d'exister sous le régime actuel, et suivant les mêmes lois, statuts et règlement qui les gouvernent. » (2) C'était l'abbé Fauchet.

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