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nisse les religieuses au nombre de quarante dans chaque

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maison (1). M. ROUYER. Quoi qu'en ait dit le préopinant, je crois qu'il est de la justice et de l'humanité d'accorder la liberté, même à ceux qui ne la veulent pas. La liberté est une pierre d'aimant qui attache aussitôt qu'on la touche. Ce serait un reste d'aristocratie que de tenir renfermées, que de victimer plus longtemps d'innocentes créatures, dont la plupart sont retenues par une fausse honte qu'il faut leur éviter. Les principes d'un gouvernement libre sont de ne renfermer que les fous. Je conclus en demandant que vous laissiez ces pauvres filles jouir des droits. de l'homme. (On applaudit.)

M. LE COZ. Je connais beaucoup de religieuses à qui leur patriotisme avait occasionné des désagréments. Elles ont demandé leur liberté. A peine étaient-elles dans le monde qu'elles ont regretté leur retraite. Elles sont dans la plus grande misère. Plusieurs d'entre elles m'ont

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(1) Le Journal logographique donne un compte rendu bien plus développé du discours de Laureau. Nous en extrayons le passage suivant : J'invoque ici les faits à l'aide de la nature. Quel est celui de nous qui ignore l'histoire de ce vieillard qui, familiarisé avec les cachots de la Bastille, ayant depuis quarante ans concentré ses idées dans ces murs, se trouve malheureux à sa sortie ? C'était un vieillard qui venait au monde, le monde était neuf pour lui, et il était vieux pour le monde; ainsi, point de rapport, point de bonheur. C'est ce qui arrivera à ces religieuses, si vous les repoussez de la solitude; vous les jetterez hors de leur élément pour les porter dans un autre, qui ne peut leur convenir. On vous parle ici de prison... mais on veut les mettre en prison; elles regardent le monde comme un lieu de captivité, et elles se croient libres dans leur couvent. Puisqu'elles font consister leur liberté dans ce qui nous paraît si opposé, respectons leur erreur; elle tient aux faiblesses, aux préjugés des hommes, et nous y sommes tous sujets, et jouissons de la liberté chacun dans le genre qui nous est propre. »

chargé de solliciter des secours de l'Assemblée (1). Je demande les renvois des propositions au Comité (2).

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M. HENRYS (3). Les maisons religieuses sont des bastilles monastiques dont les prêtres réfractaires sont les guichetiers. Un des pères de la Révolution, Voltaire, écrivait, en 1763, qu'il était nécessaire d'extirper les moines pour la patrie et pour eux-mêmes. Ce sont des hommes, disait-il, que Circé a changés en pourceaux. Le sage Ulysse doit leur rendre leur forme humaine. (Quelques applaudissements.)

La discussion est fermée.

L'Assemblée renvoie toutes les propositions aux Comités des domaines et de l'extraordinaire des finances.

(1) D'après le Journal logographique, Le Coz aurait ajouté : « Vous donnez à la liberté toutes les livrées de la tyrannie. »>

(2) D'après le même journal, Cambon aurait prononcé, après Le Coz, le discours suivant: « La question qui vous occupe en ce moment est une véritable question de finances. Il est impossible de considérer la question sous le point de vue des monastères, car ils sont supprimės. Il s'agit donc de savoir si nous conservons des maisons pour la réunion de telles ou telles personnes. Ceux qui vous proposent la réunion vous proposent une économie. Ceux qui vous proposent de supprimer toutes ces réunions vous proposent une augmentation de dépense; car il faudrait accorder des pensions aux personnes que vous renverrez de ces maisons. L'on vous dit, pour appuyer la suppression totale: «< Mais << vous arrêtez le fanatisme. » Cela ne peut entrer pour aucune considéraration; car n'est-il pas permis à des personnes de se réunir et d'acheter une maison où elles vivront en commun? » Le Journal logographique relate ensuite, en faveur des religieuses, un discours de Becquey, auquel Mailhe répond : « La réunion des religieuses ne peut être considérée que comme corporation. Or, toute corporation est proscrite par la Constitution. Je demande la suppression. >>

(3) Il n'y avait pas à la Législative de député de ce nom (voir les Députés à l'Assemblée législative, par A. Kuscinski). Il est évidemment question soit de Pierre-Paul Henry (du Cantal), soit de François-Joseph Henry (de la Haute-Marne).

XX

Suppression radicale des congrégations régulières

Assemblée nationale constituante, séance du 4 août 1792.

[Dans la séance du 4 août 1792, on lut une lettre de Lacombe Saint-Michel, Gasparin, Carnot l'aîné, commissaires de l'Assemblée à Soissons, datée du 3 août, et dont le post-scriptum se terminait ainsi : « Une ancienne abbaye de Notre-Dame, qui pourrait servir d'emplacement pour un hôpital ou pour un casernement de 2.000 hommes, est occupé par 49 religieuses qu'il serait très facile de placer ailleurs, et devient le repaire de la plus pestilentielle aristocratie. Les corps administratifs n'osent prendre sous leur responsabilité de resserrer ces religieuses ni de s'emparer des maisons des émigrés pour en faire des logements. Il serait instant, messieurs, que vous voulussiez les éclairer à cet égard et donner à leur zèle toute la latitude que les circonstances exigent. >>]

PROCÈS-VERBAL

Cette lettre donne lieu à plusieurs débats. Un membre fait la motion de décréter que les municipalités soient autorisées à loger les fédérés dans les maisons nationales qui ont appartenu aux émigrés, ainsi que dans les maisons religieuses non habitées, et dont la vente n'a pas été faite, en ordonnant que préalablement, il sera fait, par les municipalités, sous la surveillance des corps administratifs, un inventaire des meubles appartenant aux ci-devant propriétaires.

A cette motion appuyée, succède celle d'un autre

membre qui propose de décider que toutes les maisons encore occupées par des religieuses et des religieux seront évacuées pour le 1er octobre prochain.

Plusieurs membres parlent pour et contre cette proposition. Les uns demandent l'ajournement jusqu'après le rapport que les Comités des domaines et de l'extraordinaire des finances réunis sont chargés de faire sur cet objet; les autres invoquent la question préalable quant à présent. L'ajournement et cette question préalable sont successivement mis aux voix et rejetés.

L'Assemblée, consultée sur le fond de la proposition, rend le décret suivant :

<< L'Assemblée nationale, considérant que les bâtiments et les terrains vastes et précieux occupés par les religieux et religieuses, présentent de grandes ressources à la nation dans un moment où ses grandes dépenses lui font une loi de ne négliger aucune de ces ressources;

« Qu'il importe de faire jouir les religieux et les religieuses de la liberté qui leur est assurée par les lois précédemment faites;

« Qu'il n'importe pas moins de dissiper les restes de fanatisme auquel les ci-devant monastères prêtent une si facile retraite

e;

« Qu'enfin, il est un moyen de concilier par une augmentation de pension le bien-être des religieuses délivrées de la vie commune, et les intérêts de la nation avec l'extinction absolue de la vie monacale, décrète qu'il y a urgence. >>

L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

« 1o Pour le 1er octobre prochain, toutes les maisons

encore actuellement occupées par des religieuses ou par des religieux seront évacuées par lesdits religieux et religieuses, et seront mises en vente à la diligence des corps administratifs.

«< 2o L'Assemblée nationale renvoie à ses Comités des domaines et de l'extraordinaire des finances pour lui présenter un projet de décret sur l'augmentation du traitement qui peut être due auxdites religieuses ainsi versées dans la société.

«< 3o Sont exceptées de l'article premier les religieuses consacrées au service des hôpitaux et autres établissements de charité, à l'égard desquelles il n'est rien innové.

« 4° L'Assemblée nationale déroge à la loi du 14 octobre 1790 en tout ce qui serait contraire au présent décret. »

Un membre fait la motion que le traitement des religieuses soit uniformément réglé, qu'il soit gradué sur l'âge sans accroissement et indépendant de tout calcul des revenus dont jouissaient les maisons auxquelles elles sont attachées.

Cette motion, appuyée, a été mise aux voix et adoptée : et les Comités ont été chargés de présenter leurs vues sur cette base.

Même séance

COMPTE RENDU DU « JOURNAL LOGOGRAPHIQUE »

M. GOUJON. Je propose à l'Assemblée d'autoriser les corps administratifs de Soissons à loger les fédérés dans les maisons des émigrés qui se trouvent vacantes.

L'Assemblée décrète l'urgence, et adopte la proposition.

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