Page images
PDF
EPUB

nationale, de pourvoir au sort des religieux qui voudront quitter leurs cloîtres. »

Le projet de M. de Montesquiou obtient la priorité. M. DE MIRABEAU l'aîné. J'ai l'honneur de demander à monsieur l'abbé de Montesquiou s'il croit que le for intérieur puisse entrer pour quelque chose dans les décrets de l'Assemblée.

M. l'abbé DE MONTESQUIOU. J'ai dit que la puissance ecclésiastique pouvait seule relever de leurs vœux les religieux disposés à les rompre. C'est ce motif qui m'a déterminé à me servir de cette expression dans l'article que j'ai proposé.

(On fait lecture du premier article.)

M. le comte DE MIRABEAU.

Je demande à M. l'abbé de Montesquiou ce que c'est que les vœux solennels de l'un et l'autre sexe. Je demande si le mariage n'est pas un vœu solennel.

M. l'abbé DE MONTESQUIOU. Les observations de M. le comte de Mirabeau me paraissent très justes, et pour y répondre, je consens à ce que le mot «< monastiques >> soit mis après celui « solennels », à ceux << des personnes » soient mis avant ceux-ci « de l'un et de l'autre sexes >>.

M. Thouret propose d'ajouter à l'article: « Déclare en conséquence que les ordres et congrégations religieuses de l'un et de l'autre sexe sont et demeureront supprimés en France, sans qu'on puisse à l'avenir en établir d'autres ». M. DE CAZALEZ. L'amendement proposé par M. Thouret n'est autre chose que le projet de décret présenté par M. Barnave, et auquel l'Assemblée a refusé la priorité; il ne peut donc pas être admis. Je demande qu'il soit rejeté, ou tout au moins ajourné.

M. THOURET.— Abolira-t-on les ordres religieux? Telle est la question que l'Assemblée a décrété hier devoir être décidée aujourd'hui. Si M. l'abbé de Montesquiou a voulu remplir le vœu de l'Assemblée, je lui demande si l'article qu'il propose répond à cette question. Si, au contraire, M. l'abbé de Montesquiou n'a pas voulu, comme on pourrait le faire entendre, répondre à cette question, il faut bien que l'Assemblée entende que c'est là ce qu'on lui propose de décréter.

M. D'EPRÉMESNIL.

L'Assemblée a refusé la priorité

à la motion de M. Barnave, l'amendement de M. Thouret est exactement la motion de M. Barnave: il doit donc être rejeté. Je demande, ce que tout membre de l'Assemblée a le droit d'exiger, ce que l'Assemblée n'a pas le droit de me refuser, que la motion de M. Barnave et l'amendement de M. Thouret soient lus (des murmures s'élèvent); il vous sera plus possible de défendre et d'appuyer un article contraire aux principes, que de m'empêcher d'en attaquer un contraire à ma conscience. Je persiste dans ma demande.

On fait la lecture demandée par M. d'Eprémesnil.

M. DE DELAY D'AGIER. - J'observe que refuser la priorité à une motion, ce n'est pas décréter qu'elle ne pourra pas être représentée en amendement.

M. l'abbé D'EYMAR.

Je suis chargé d'exprimer le vœu d'une province entière, de l'Alsace, qui demande la conservation de quelques maisons religieuses.

M. LAVIE.

J'observe que je suis député d'Alsace et que cette demande n'est consignée dans aucun article de mes cahiers.

M. d'Estourmel demande, ainsi que plusieurs autres

députés, à présenter des réclamations, et se dispose à les changer en amendements.

L'Assemblée décide qu'elle n'entendra aucune réclamation de provinces.

L'amendement de M. Thouret est mis aux voix et décrété. L'article entier est relu et décrété en ces

termes (1) ...

On fait lecture de l'article second du projet de décret de M. l'abbé de Montesquiou. Plusieurs membres demandent la question préalable. Quelques autres observent que, la question sur laquelle on avait promis de statuer sans désemparer étant décrétée, on peut ajourner les autres et lever la séance.

M. LE CHAPELIER. Nous venons de décréter la suppression des ordres religieux; ce décret se répandra demain dans tout le royaume; il faut prévenir les conséquences qu'il pourrait avoir. Il faut empêcher que toutes les maisons religieuses soient désertées. Les maisons destinées à l'éducation publique et les maisons hospitalières ne doivent pas éprouver cette désertion. Il ne faut pas non plus que les religieux puissent croire qu'ils sont abandonnés par la nation. Je demande qu'il soit pris une détermination sur ces deux objets.

MM. Fréteau et Blin appuient la proposition de M. Le Chapelier, qui la rédige en décret.

Ce nouveau projet est lu à l'Assemblée et décrété par elle; il est conçu en ces termes (2):...

(1) Voir plus haut, p. 97.

(2) Il est inutile de reproduire ici le texte incomplet et tronqué que le Moniteur donne de ce décret. Nous l'avons donné plus haut, p. 100, dans sa forme authentique.

M. l'abbé DE MONTESQUIOU.

J'avais eu l'honneur

de proposer à l'Assemblée un décret particulier aux

religieuses. Je demande qu'il rejeté. J'ai dit tout ce que je

puyer.

soit relu et adopté ou devais dire pour l'ap

Cet article est relu. Quelques membres demandent la question préalable.

M.

***

propose en amendement qu'il soit décrété que les religieuses ne pourront pas être réunies en nombre

inférieur à dix.

Cet amendement est rejeté.

On demande encore la question préalable sur l'article.

[ocr errors]

M. DEMEUNIER. — J'observe à l'Assemblée que la justice et la loyauté française ne permettent pas de traiter ainsi de malheureuses religieuses. On vous a observé d'une part, que les avantages à retirer de la vente de leurs maisons ne seraient pas très considérables, d'autre part que vous ne devez pas vous charger d'un trop grand nombre de pensions.

On applaudit de tous les côtés de la salle aux observations de M. Demeunier.

L'article proposé par M. l'abbé de Montesquiou est mis en délibération et décrété en ces termes :

<< Les religieuses pourront rester dans les maisons où elles sont aujourd'hui, l'Assemblée les exceptant expressément de l'article qui oblige les religieux à réunir plusieurs maisons en une seule. »

La séance est levée à huit heures du soir.

X

Débat sur la pension à accorder aux religieux

Assemblée nationale constituante, séance du 18 février 1789.

PROCÈS-VERBAL

Le rapporteur du Comité ecclésiastique a proposé le projet de décret suivant (1) :

« L'Assemblée nationale décrète que le traitement à faire aux religieux qui sortiront de leur couvent sera le même pour ceux des ordres rentés et ceux des ordres non rentés. >>

Ce projet a été successivement appuyé et combattu par différents membres de l'Assemblée. L'un a proposé d'établir une différence dans le traitement des religieux rentés ou non rentés; un autre, de proportionner ce traitement au revenu des différentes maisons religieuses; enfin, après avoir établi le principe qui repousse comme une injustice l'égalité de traitement, on a demandé de poser les limites de ces différences, et qu'en conséquence il fût fixé, dès à présent, à chaque religieux, de quelque ordre qu'il fût, un traitement égal à celui qui sera fait à un vicaire de campagne à portion congrue, et qu'il fût réservé d'augmenter le traitement des religieux rentés, lorsqu'on aura pris une connaissance exacte des revenus,

(1) Déjà, dans la séance du 17 février, l'Assemblée avait, sur la motion de Treilhard, adopté un plan de discussion sur cette question.

« PreviousContinue »