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de coquilles! MM. Delius & de Born ont parcouru des chaînes entières de montagnes de cette efpèce. Ces perfonnes n'ont pas bien obfervé, vous répond-on. Eh! qui eft ce qui fait cette réponse? ce font des Naturaliftes qui n'ont jamais voyagé, & qui, malgré cela, prétendent mieux voir les objets de loin que ceux qui font auprès; parce que, difent-ils, ayant examiné au microfcope des terres qui, à l'œil, n'avoient pas moindre indice de coquilles, ils en ont découvert une grande quantité: foible reffource que le microfcope pour obferver des montagnes !

le

Il faut pourtant convenir que lorfqu'on a voulu établir de pareils fyftêmes fur la formation de la terre calcaire, on n'a guère réfléchi à ce qu'on avançoit : car enfin fi les auteurs de ces fyftêmes veulent que la terre calcaire doive fon origine à la deftruction des animaux & des végétaux,il faut qu'ils conviennent que ceux-ci ont exifté avant la terre calcaire au moins qu'ils prouvent que cette terre n'eft pas aufli ancienne que l'origine du monde; ce qui fera, je penfe, difficile à conftater. S'ils le prouvent, la terre calcaire ne fera donc pas une terre fimple ou primitive, comme ils l'ont avancé, ou ils fe trouveront néceffairement en contradiction avec eux-mêmes.

Ceux qui admettent, avec l'illuftre Naturalifte de notre fiècle, une terre primitive, c'est-à-dire, une terre à laquelle toutes les autres doivent leur origine, ne manqueront pas de me dire que c'est la terre quartzeufe; que par conféquent la terre calcaire n'eft qu'une terre fecondaire, de même que les autres terres qui fe trouvent répandues fur la furface du globe. J'avoue que toutes ces idées feroient fublimes, fi elles étoient fufceptibles de la moindre démonstration; mais je ne vois point qu'il foit poffible de prouver ce paffage d'une pierre à une autre, fur-tout le paffage d'une terre compofée à une terre plus fimple: car je regarde la terre calcaire comme la plus fimple de toutes les pierres. Je conçois fort bien que du plus fimple on va au compofé, & toutes les expériences le prou

vent.

Ainfi donc la terre calcaire, comme je l'ai déjà dit, fe trouvant la plus abondamment répandue fur le globe terreftre, faifant partie conftituante des animaux & des végétaux, la feule qui, par fa grande divifion & fa pureté, foit fufceptible de fe combiner avec tous les menftrues, je pense pouvoir conclure qu'elle eft auffi ancienne que l'origine du monde, & qu'elle ne doit point fon exiftence à la deftruction des animaux & des végétaux. Mais on me demandera peut-être : Vous regardez donc la terre calcaire comme terre primitive? J'avoue que fi j'avois à prononcer entre ces deux efpèces de terres que j'admets dans la Nature (la terre calcaire & le quartz, dont toutes les autres ne font que des modifications), je ferois porté à croire que c'eft la terre calcaire, parce qu'elle eft beaucoup plus fimple que le quartz, & qu'il eft plus raifonnable de penfer qu'on va plutôt du fimple au compofé, que du composé au simple.

M. de

M. Romé de l'Ifle croit, avec raifon, que toutes les pierres qui affectent une figure conftante & régulière ne font point des pierres fimples, qu'elles doivent leur cryftallifation à un principe acide; par conféquent le quartz, affectant une figure toujours conftante, ne doit donc pas être regardé comme une terre fimple, &, par la même raison, ne peut pas être confidéré comme terre primitive, non plus que la plupart de pierres cryftallifées, dont on a retiré, par l'analyfe chymique, de la terre calcaire.

Quel eft ce principe qui, en fe combinant avec les terres, leur fait prendre une figure conftante & régulière? je l'ignore; je fais feulement que les uns l'appellent air fixe, acide crayeux, acide aërien, mephitique; que d'autres le nomment à tour-de-rôle, cauftrium, acidum pingue, acide marin volatil, acide phosphorique; enfin, qu'un Chymifte, à qui on eft redevable de plufieurs belles découvertes en ce genre, doué d'un génie créateur, vient tout récemment de lui donner le nom d'acide ignée, dont tous les autres acides, dit-il, ne font que des dérivés. Quoi qu'il en foit, la diversité d'opinions prouve bien, felon moi, notre ignorance fur la nature de ce principe; néanmoins il eft certain que fi l'on parvient à conftater les expériences de M. Achard, qui prétend former du crystal de roche avec une bafe calcaire & un principe gazeux, ce fera une forte raifon de croire que la bafe du quartz eft la terre calcaire. Il y a plus; c'est que fi, malgré plufieurs tentatives, & toujours infructueufes, de MM. Pott & Darcet, & en général des plus habiles Chymiftes, pour fondre le quartz pur & fans aucune addition; fi, dis-je, M. le Comte de Buffon, pour qui la Nature femble n'avoir rien de caché, eft parvenu à le fondre, je croirai, avec M. Darcet, pouvoir attribuer la vitrification du quartz à la terre calcaire qu'il auroit pour bafe (1). Mais comme, jufqu'à préfent, les expériences de M. le Comte de Buffon & celles de M. Achard (2) n'ont pu réuffir qu'entre leurs mains, je m'interdis toute espèce de réflexion, jufqu'à ce qu'on foit parvenu à donner à ces expériences tous les degrés d'authenticité qu'elles méritent pour fixer les opi

nions.

(1) M. Darcet, le Chymifte, fans contredit, qui, après Pott, a le plus travaillé fur les terres & les pierres, qu'on peut même dire avoir beaucoup ajouté aux travaux de l'illuftre Savant qui l'a précédé dans cette carrière, après avoir varié, multiplié, comparé, & fur-tout bien réfléchi fur les réfultats de fes expériences, eft en état de démontrer que les terres & les pierres qui fe vitrifient au feu ne doivent cette propriété qu'à la terre calcaire qui entre dans leur compofition, & qu'il regarde comme le principe de la vitrification de toutes les terres.

(2) Note de l'Auteur du Journal. J'ai reçu depuis peu une Lettre de M. Magellan, qui m'annonce qu'il vient d'écrire à M. Achard de lui envoyer un morceau de fon phylue de terre poreufe, où foient adhérens encore quelques cryitaux dûs à fon opération. M. Magellan doit me communiquer la réponse du favant Académicien de Berlin, & j'en ferai part au Public.

Tome XIX, Part. 1,1782. JANVIER

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SUITE DU MÉMOIRE

SUR LES VENTS

PLU VIEUX ET SECS ( 1 );

Par M. DuCARLA.

85.PLUS l'air s'élève, plus il doit donner de pluie; dans fon passage par une croupe élevée de dix toifes, il ne fe raréfie ni ne fe refroidit pas autant qu'en paffant fur une croupe élevée de quatre milles : il n'eft donc ni fi humide en montant fur cette petite croupe, ni fi fec en descendant, qu'il doit l'être en montant ou defcendant par la grande croupe. Les vents doivent donc dépofer plus d'eau en graviffant fur la Cordillière qu'en fe promenant fur les côteaux d'où vient la Seine. Examinons ceci.

86. J'ai déjà dit que M. de la Condamine avoit trouvé au - dessus du Pongo, & à 120 lieues de la fource, que le Maragnon a 30 toifes de profondeur, 7 pieds de vîteffe par feconde, & 135 toifes de largeur. Ces mefures ne nous donnant ni la configuration du canal, ni les différentes vîteffes de l'eau aux diverfes diftances des bords & du fond, nous ne pouvons évaluer la quantité abfolue du fluide qui couloit fous les yeux de l'Obfervateur. Mais en fuppofant quelque fimilitude aux lits des courans, nous pourrons comparer ce point de l'Amazone à quelque point connu de la Seine. Entre les deux grands ponts à Paris, cette rivière a environ (o toifes de large, 13 pieds de profondeur dans la moyenne eau, & tout au plus 2 pieds de vîteffe par feconde. Comparant les élémens de la maffe des deux courans, nous appellerons 15 la viteffe du Maragnon, 14 fa profondeur, & fa largeur 9; & 4 la viteffe de la Seine, 4 fa largeur, I fa profondeur: ainfi la maffe du Maragnon, avant fon paffage par le Pongo, eft à la maffe de la Seine, avant fon entrée à Paris, comme 15 × 9 × 14=1890 à 4 × 4 × 1 = 16; ou comme

118 à 1.

87. La furface du Pays qui fournit l'eau d'un courant, eft communément comme la longueur de ce courant, élevée au quarré; or, la Seine a environ 40 lieues, & le Maragnon 120: le berceau du Maragnon contient donc neuf fois celui de la Seine. Il pleut donc treize fois plus fur un point donné du Maragnon que fur le point homologue de la Seine; & cette différence réfulte de mon principe. L'air, pour franchir la montagne où le Maragnon a fes fources, s'élève, se raréfie, se refroidit affez

(1) Voyez le commencement de ce Mémoire en Décembre 1781.

pour dépofer prefque toute l'eau dont il eft imbu; au lieu que pour franchir les petites hauteurs d'où vient la Seine, il s'élève, fe raréfie, fe refroidit & dépofe très-peu.

88. Quoi qu'il en foit de ces évaluations, plus propres à nous montrer la chofe qu'à nous la faire connoître, toutes les relations nous peignent comme deux prodiges, & le volume de l'Amazone, & les pluies qui la nourriffent en forte qu'il fuffit de favoir ce qu'on dit des pluies pour en déduire la grandeur du fleuve, & ce qu'on dit du fleuve pour en déduire la grandeur des pluies. M. de la Condamine ( Mémoires de l'Académie, 1745, pag. 400) dit «que les pluies rendent impraticables, dans la plus belle faifon, le paffage de la Cordillière fur la route de Quito » à Jaen de Bracamoros». Dans la plus belle faifon! Que doit-ce donc être dans la mauvaise M. de la Condamine ajoute, pag. 405, « qu'il pleuc cinq ou fix heures par jour au moins vers le haut du Maragnon pen>> dant onze mois de l'année ». Cinq ou fix heures par jour au moins! M. Bouguer va nous dire ce que font ces pluies (Figure de la Terre pag. 29): « La pluie étoit fi forte en traverfant la Cordillière de Quito à »Gajaquil, que nous ne pûmes allumer du feu pour apprêter le diner ». L'eau fe cribloit fi complètement & fi vîte, qu'elle inondoit tout dans les maisons, dans les caves, par-tout où elle pouvoit circuler.

D. Ulloa va nous donner un autre coup de pinceau Après midi, » à Quito, viennent les nuages; puis les pluies qui changent les rues en » rivières & les places en étangs, malgré leur pente...Quelquefois la pluie dure quatre jours... dans la faifon ». (Voyage d'Amérique, Tom. I, pag. 240). C'est le ton des pluies dans ce Pays-là; cependant elles devroient être moindres qu'ailleurs, à Quito où le vent d'eft ne coule qu'après s'être beaucoup déchargé fur la chaîne qui longe le méridien à fon orient. « Les pluies font continuelles, ajoute-t-il, à Avila, fitué à 50 lieues eft » de Quito, pag. 298. Il eft inconcevable que 20,000 Espagnols voient tout cela depuis deux fiècles, fans donner à son évaluation quelques momens de leur vafte loifir. Enfin, M. de la Condamine, fans le vouloir, nous donne la raison de ces pluies, en nous apprenant, pag. 468, » que »le vent d'eft eft prefque perpétuel au confluent du Maragnon & du Xingu ». Voilà pour les pluies: venons au fleuve lui-même.

D. Ulloa, fans doute fur le rapport des gens du Pays & des Voyageurs, & fur l'infpection des cartes, ne peut déterminer (pag. 300 de fon Voyage d'Amérique, Tom. I) quel eft, parmi les courans qui fe réuniffent en fortant des Cordillières, celui qu'on doit appeller Maragnon: on croit, à Lima, que c'eft l'Ucayalé; & l'on peut fe fonder fur ce que le confluent des deux rivières eft à trois cents lieues des fources de l'Ucayalé, à cent cinquante des fources du Maragnon. Le Père Chriftoval croit que c'est le Napo ; d'autres penfent que c'eft l'une des vingt rivières, que les cartes ne femblent omettre qu'à défaut de place. Tant de Tome XIX, Part. I, 1782, JANVIER.

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contradictions viennent de la majefté commune à tous ces fleuves, & fur laquelle on eft toujours d'accord. Tout ce qu'il y a de certain, c'est qu'avant d'arriver au Pongo, à 120 lieues feulement de fa fource, le Maragnon eft fupérieur aux plus grands fleuves de l'ancien Continent. Pour aller de ce point à la mer, il a encore 600 lieues à courir, recevant chaque journée de droite & de gauche des courans auxquels M. de la Condamine n'ofe donner que le nom de mers; &, malgré ces accroiffemens, toujours plus multipliés & plus vaftes, il trouve continuellement des rivaux qui lui difputent l'exiftence.

89. Sorti du Pongo, le Maragnon n'eft plus qu'un gouffre, un gouffre qui rampe, qu'on n'atteint point avec une fonde de 80 brasses, ainsi que les profondeurs du grand Océan. Nous venons de lui trouver, au-deffus & près du Pongo, 135 toifes de large; & bien au-deffous du Pongo, c'està-dire, à moins de 10 lieues plus bas, il s'eft affez gonflé pour vaincre le Paftaça, large de 400 toifes.

90. Parvenu bientôt lui-même à 700 toifes, il eft rejeté tout entier vers le nord par le choc de l'Ucayalé, qui le courbe en arc de cercle, comme pour montrer toute fa fupériorité; puis arrive le Napo, dont l'embouchure n'eft, fuivant M. de la Condamine, que de 600 toifes, & que les premiers Navigateurs avoient pris cependant pour le vrai Maragnon: ce qui femble fuppofer que fa profondeur & fa vîteffe compenfent fa petite largeur; je dis petite en comparaifon des courans que nous examinons: car elle contient dix fois celle de la Seine entre nos deux ponts. Au refte, ce Napo, rival du Maragnon & de l'Ucayalé réunis, eft une rivière affez forte pour que le Portugais Texeira l'ait remontée près de 200 lieues fuivant le Père d'Acunha, & en ait forti par le fleuve Coca, qu'il remonta bien haut fur quarante-fept bateaux, dont quelques-uns devoient être chargés d'environ cinquante hommes, avec leur attirail, en 1637. ( Mémoires de l'Académie, 1745, pag. 396.)

91. Voilà les principales acquifitions que fait le Maragnon dans un trajet d'environ 150 lieues. Mais M. de la Condamine, quoiqu'emporté par le torrent, compte plufieurs autres rivières de 2 & de 300 toifes de large, & en omet cent, qu'il paroît ne pouvoir diftinguer dans la foule, & & dont la grandeur nous eft indiquée par celle des intervalles.

92. Après avoir englouti tout cela, le Maragnon reçoit l'Ica, qui, felon la carte, eft double au moins du Napo; puis l'Yutai, que les relations égalent au confluent du Maragnon & de l'Yaveri: plus bas il trouve les huit branches de l'Yufari, qui femble ne s'être ainfi divifé que pour céder généreusement la prééminence au Maragnon. Après plufieurs autres accroiflemens défignés par M. de la Condamine, & tous ceux que ne peut ni évaluer ni voir un homme qui court, le Maragnon reçoit le Purus, que les Indiens lui préférent encore, & leur réunion leur donne

1,100 toifes.

Cependant le Maragnon reçoit encore vingt fleuves fuperbes pour

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