Page images
PDF
EPUB

on obtient toujours un folide, qui lui eft cenfé infcrit, & qui dans les uns eft un cube, dans les autres un folide à plans rhombes fous des angles déterminés & conftans, dans quelques-uns un octaëdre, &c., felon la forme primitive particulière à chaque crystal.

De plus, toute la matière excédente de ces cubes, de ces octaëdres, &c., eft compofée de lames femblables à celles dont les cryftaux de forme primitive font eux-mêmes l'affemblage; en forte que le cryftal, quelle que foit la figure, eft formé dans fa totalité de parties fimilaires, qui font feulement combinées entr'elles dans différentes proportions, felon les diverfes variétés du crystal. Il y a cependant une différence entre la structure du noyau & celle des lames qui le recouvrent. Si le noyau eft compofé par exemple de molécules rhomboïdales, les lames dont la matière excédente eft formée, n'ont fouvent le long de leurs bords, que des demirhombes ou des triangles ifocèles, qui font les moitiés des rhombes qui occupent tout le refte de la furface de ces mêmes lames. C'eft ce que j'ai observé entr'autres dans plufieurs variétés de fpath calcaire.

La théorie que je propofe fait voir encore que les formes qui font communes à plufieurs fortes de cryftaux, cachent fouvent des ftructures très-différentes entr'elles. Par exemple, un cube de fel marin fe partage par des coupes nettes en d'autres petits cubes, ou, fi on l'aime mieux, en lames de figure quarrée. Au contraire, un cube de fpath fluor phofphorique ne peut fe divifer en dernière analyfe qu'en lames triangulaires équilatérales, dont les rebords ont une certaine inclinaison, par rapport à leurs grandes faces, comme je l'ai prouvé dans un autre Mémoire, dont je donnerai auffi l'extrait par la fuite.

Enfin, pour ne rien laiffer à defirer, s'il étoit poffible, fur la ftructure des cryftaux, j'ai entrepris de déterminer la valeur des angles plans que forment leurs différentes faces, fur-tout celles des formes primitives. Quelquefois la ftructure elle-même m'a fourni des données pour calculer ces angles en toute rigueur. Au défaut de ce fecours, je les ai mesurés avec toute la précifion qu'il m'a été poffible d'y apporter.

Les cryftaux de grenat dont il s'agit dans l'extrait que je vais donner, fe refusent à toute efpèce de divifion, d'où il réfulte des lames qui aient le poli naturel. Mais les ftries & autres indices extérieurs de ftructure, fuppléent ici au défaut d'une division mécanique.

Le grenat a trois variétés de forme bien reconnues; la première eft le grena: à douze plans rhonibes, que l'on doit regarder comme la forme originaire de ce genre de cryftaux. J'ai remarqué qu'un crystal de grenat pouvoit être conçu comme un affemblage de quatre crystaux rhomboïdaux, femblables & égaux entr'eux, qui auroient une de leurs pyramides obtufes à découvert, & l'autre renfermée dans l'intérieur du grenat, de manière que les fommets de ces dernières pyramides fe réuniroient au centre du cryftal. Ayant calculé, par la méthode des finus, la mefure,

que devoient avoir les angles plans des rhombes qui compofent les faces de ces cryftaux rhomboïdaux, en fuppofant le grenat dodécaëdre régulier, j'ai trouvé que le grand angle du rhombe étoit de 109° 28', & par conféquent le petit angle de 70° 32'; ce qui s'accorde avec l'obfervation, dans les grenats dont la forme eft parfaite. Or, chacun des quatre crystaux rhomboïdaux dont il s'agit, peut être conçu comme étant compofé d'un nombre cubique de très-petits cryftaux femblables entr'eux & au crystal entier d'où il réfulte que confidéré fous ce point de vue, a dû le grenat, commencer par la réunion de quatre petits cryftaux rhomboïdaux, appliqués l'un à l'autre par trois de leurs faces, & fe fera enfuite accru par une fuperpofition de couches fucceffives, compofées de petits crystaux femblables aux premiers.

La feconde variété du grenat, eft celle qui a trente-fix faces, dont douze font des rhombes, & les vingt-quatre autres des exagones alongés, interpofés entre les rhombes. Suppofons que les rhombes ba of, fomp, aomi (fig. 1, pl. II), repréfentent les trois faces d'une des pyramides du grenat caëdre; imaginons que de nouvelles couches rhomboidales, femblables à celles qui ont fait croître le grenat dodecaedre, foient appliquées fur les faces de ce grenat, mais aillent en diminuant, felon une loi uniforme, jufqu'à un certain terme, paffé lequel la matière vienne à manquer toutà-coup. Les côtés de ces nouveaux rhombes formeront, par leur fuper pofition, des trapèzes, tels que anco, comg, &c.; & fi l'on fuppofe que le décroiffement des rhombes fe faffe de manière que les deux trapèzes voifins fe trouvent fur le même plan, ces trapèzes formeront, par leur réunion, des exagones alongés, tels que cohdan. Les côtés des lames de fuperpofition produifent dans ce cas quatre trapèzes pour chaque face du grenat dodécaëdre, ce qui fait quarante-huit trapèzes pour la totalité ; & divifant par deux, pour avoir le nombre des exagones, on trouvera vingt-quatre faces accidentelles, qui, jointes aux douze plans rhombes extrêmes, tels que rdhs, donnent en tout trente-fix faces, conformément à l'obfervation.

les re

La troisième variété du grenat eft celle qui a vingt-quatre faces quadrilatères, dont les côtés pris deux à deux, font égaux, ainfi que préfente la figure 3.

Imaginez que l'accumulation des rhombes décroiffans, qui a donné la variété précédente, continue jufqu'à ce que ces rhombes foient réduits à un point alors les trapèzes fe changeront en triangles; les douze rhombes extrêmes difparoîtront, & les vingt-quatre exagones deviendront des quadrilatères cfnd, crof, &c. (fig. 2), tous égaux & femblables entr'eux, & dans lefquels on aura cf=fn, & cd=dn. Mais le point e étant plus éloigné de l'angle aigu d, que de l'angle obtus f, on aura auffi cd plus grand que cf, & par la même raifon dn plus grand que fn, qui eft d'accord avec l'obfervation.

En examinant avec foin les facettes du crystal dont il s'agit, j'ai vu

des lames rhomboïdales décroiffantes, empilées les unes fur les autres, ainfi que je l'ai expliqué, & difpofées comme par étages, en forte que les côtés de chaque rhombe dépaffoient un peu ceux du rhombe fupérieur. Ces indications m'ont paru annoncer d'une manière fènfible la pofition des lames intégrantes, & ajouter un nouveau degré de vraifemblance à une explication qui ramène à une fimple accumulation de rhombes femblables, la ftructure d'un cryftal, qu'on jugeroit, au premier afpect, n'avoir aucun rapport avec le grenat dodecaedre dont il dérive.

J'ai auffi calculé la valeur des angles des quadrilatères, tels que cfnd (fig.3), qui compofent la furface du grenat à vingt-quatre faces, & j'ai trouvé que l'angle cfn étoit de 117, l'angle cdn de 78° 28'; d'où il fuit que chacun des angles latéraux def, dnf, eft de 82° 16'.

D'après la valeur de ces angles, il eft facile de tracer le développe ment du grenat à vingt-quatre, faces, & de conftruire un folide artificiel entièrement femblable à ce grenat.

Si l'on vouloit conftruire un folide de la forme du grenat à trente-fix faces, on traceroit d'abord une des faces defn (fig. 3) du grenat à vingtquatre faces on teroit enfuite fur les côtés deux fections eg, hm, paralfèles à df, & également diftantes de cette ligne. On auroit ainfi le confour de gfm h' d'un des vingt-quatre exagones. La ligne eg ou hm feroit le côté d'un des douze rhombes; après quoi il eft facile d'avoir tout le refte, en faifant attention que les rhombes dont il s'agit doivent avoir feurs angles égaux à ceux des faces du grenat dodecaedre.

[blocks in formation]

Sur les Dénominations Chymiques, la néceffité d'en perfectionner le fyftême, & les règles pour y parvenir; par M. DE MORVEAU. :0.

JE fais qu'il n'y a que la convention qui puiffe fixer la valeur des ter

vent,

mes, & je fuis plus éloigné que perfonne de la prétention de les changer par l'autorité de mon opinion; mais il eft permis à tout le monde de propofer ce qu'il juge plus avantageux à la Science, à ceux qui la culti & à ceux qui veulent l'acquérir. Du moment que je me fuis engagé à traiter la Chymie dans toutes fes parties, j'ai eu l'émulation d'aug menter l'utilité de mon travail, en perfectionnant fa langue; & j'ai penlé qu'en expofant les principes & le plan de cette réforme, en follicitant d'avance l'approbation, le jugement, les objections même des Savans, foit fur l'ensemble, foit fur les détails, pour recueillir leurs voix & profiter

ARTS. de leurs critiques, je préviendrois tout reproche fur la hardieffe de l'entreprife, & que j'en préparerois en même temps le fuccès. Tel eft l'objet du Mémoire que je publie aujourd'hui.

Les dénominations des êtres qui forment l'objet d'une Science ou d'un Art, qui font fes matériaux, fes inftrumens, fes produits, constituent ce que l'on appelle fa langue propre. L'état de perfection de la Langue, annonce l'état de perfection de la Science même; fes progrès ne font fûrs, ils ne peuvent êrre rapides, qu'autant que les idées font représentées par des fignes précis & déterminés, juftes dans leur acception, fimples dans leur expreflion, commodes dans l'ufage, faciles à retenir, qui confervent autant qu'il eft poffible, fans erreur, l'analogie qui les rapproche, le fyftême qui les définit, & jufqu'à l'étymologie qui peut fervir à les faire. deviner.

Ces principes pofés, que perfonne ne fera tenté de contredire, il fuit que la langue de la Chymie a befoin d'être réformée pour la plus grande partie; qu'en retenant opiniâtrément les fauffes dénominations qu'elle a fucceffivement adoptées, c'eft arrêter la communication de fes découvertes, & réfifter à fes progrès évidemment liés à la facilité de cette communication. J'attefte ici les plus célèbres Chymiftes qui ont écrit, & qui n'ont ceffé de déplorer la confufion, l'obfcurité, la gêne qu'une foule de noms impropres portoit dans leur langage. En effet, il n'eft point de Science qui exige plus de clarté, plus de précision, & on eft d'accord qu'il n'en eft point dont la langue foit auffi barbare, aussi vague, incohérente (1).

cre,

auffi

Je dis qu'aucune langue n'exige plus de clarté; & pour s'en convain il fuffit de réfléchir dans combien de différens états elle a à confidérer la même fubftance, tantôt unie, tantôt féparée, dans tel ou tel ordre, dans tel ou tel genre de compofition, dans tel ou tel degré de combinaison, quelquefois d'une manière abftraite, quoiqu'elle ne foit pas réellement ifolée. Comment s'entendre, fi l'on n'a des termes confacrés pour indiquer ces différens états?

Cette néceffité devient fenfible à mesure que les objets fe multiplient. Il y a moins de vingt ans qu'on ne connoifloit que fix acides, qu'on ne diftinguoit que deux terres folubles, qu'on ne comptoit que dix ou onze fubftances métalliques, qu'on ignoroit même une partie des combinaisons des bafes connues. Il étoit fans doute encore poffible de loger dans fa mé

(1) Ayant demandé à M. Bergmann, fi, par l'épithète Orientalis, qu'il avoit done née à une émeraude, il avoit voulu défigner le climat ou la qualité; il m'a répondu en ces termes, qui méritent d'être rapportés: C'est la qualité que j'ai entendu. Cette façon de's exprimer eft abfurde; mais je n'ai ofé la corriger, voyant qu'on aime conferver Les noms les plus bizarres, fous prétexte d'éviter la confufion. Par cette indulgence, La fcience la plus fublime fera enfin pour le langage un vrai galimatias.

moire les noms impropres d'une trentaine de fels, de les retenir à force de les relire, & de les entendre: mais aujourd'hui que la Chymie compte dix-huit acides, dont l'action & les produits font différens ; qu'elle a nouvellement acquis deux terres, plufieurs demi-métaux ; qu'on examine avec foin l'action de tant de matières les unes fur les autres, foit fimples, foit dans l'état de compofition, il devient indifpenfable d'adopter un fyftême de, dénominations, pour en indiquer fans confufion les résultats.

Ce ne feroit pas affez de convenir de quelques principes, pour y conformer à l'avenir les dénominations des corps qui restent à découvrir & à combiner, ou même celles qui n'ont pas encore été confacrées par un ufage général & uniforme. Les anciens noms diftribués dans une nomenclature auffi étendue, n'en feroient pas moins effrayans pour la mémoire; ils troubleroient l'harmonie de la méthode, & la néceffité de les allier continuellement dans l'expreffion des nouveaux compofés en feroit perdre tout le fruit.

On ne doit pas être étonné de l'impropriété révoltante de ces mots anciens; ils ont été tirés la plupart des plus groffières apparences, des circonftances les plus accidentelles. Les premiers qui ont vu de l'acide vitriolique, de l'alkali fixe végétal dans un certain degré de concentration, y ont appliqué le figne d'une matière qui n'a de rapport que par la confiftance de-là les noms d'huile de vitriol, d'huile de tartre. Une analogie auffi fauffe a motivé les dénominations de beurre d'antimoine, de beurre d'arfenic, de lune cornée, de plomb corné, &c. Des couleurs peu décidées & très-variables ont produit les noms de foie de foufre, de fafran de Mars, d'éthiops, de kermès minéral, &c. On appelle crême de chaux, crême de tartre des fubftances qui n'ont rien de commun, ni entr'elles, ni avec la crême du lait, que de fe raffembler à la furface de la liqueur qui les contient. La forme de la cryftallifation a décidé les expreffions de nitre cubique, de terre foliée, &c. Mindererus a nommé efprit, un fel que l'on peut même obtenir fous forme concrète. Tantôt les noms ont été empruntés de la matière première, quoique décompofée ou furcomposée, comme nitre fixé, arfenic fixé, fel urineux, &c.; tantôt de la faveur comme fucre de Saturne; tantôt d'une propriété médicinale, fouvent peu avérée, comme fel fedatif, fel febrifuge, antimoine diaphorétique, &c.; tantôt de la manière d'orérer, comme précipité fublimé; quelquefois enfin la même fubftance a retenu différens noms, fuivant les différens procé dés, comme tartre vitriolé, fel de duobus, fel polichrefte de Glafer. Ajoutons les termes d'arcane, de magiftère, &c. que les Alchymiftes ont portés par-tout; ajoutons les fignes des planètes qu'ils ont rendus fynonymes à ceux de quelques métaux; ajoutons tous les produits, qui ne font défignés que par les noms de leurs inventeurs, comme teinture de Stahl, de Ludovic, de Paracelfe, de Mynficht, poudre d' Algaroth, liqueur de Libavius, fel de Glauber, de Seignette, de Takenius, de Segner, &c. &c. &c.; &

demandons

« PreviousContinue »