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font fufceptibles de cryftallifation, & que c'étoit l'idée de M. de Réaumur (1).

Il falloit donc chercher un autre moyen pour avoir le foufre cryftallifé régulièrement: il n'étoit point difficile à trouver, puifque je fais voir qu 'il étoit connu, mais perfonne n'y avoit fait attention. Ce procédé confifte à faire diffoudre le foufre dans un menftrue duquel il fe fépare, fans être altéré, & de manière que chaque molécule fe réuniflant tranquillement, il puiffe prendre fa figure propre. L'eau n'ayant point d'action fur lui, n'a pu être employé à cet ufage. L'efprit-de-vin n'en diffout non plus que très-peu; encore a-t-il fallu le moyen ingénieux de M. le Comte de Lauraguais, qui eft de faire réunir le foufre & l'efprit-de-vin tous deux en vapeurs. L'efprit-de-vin diffout alors le foufre; mais par le refroidiffement, celui-ci s'en fépare prefque en entier, en prenant une figure cryftalline. Ces cryftaux font fi petits, qu'on ne peut les déterminer. Les huiles effentielles diffolvent le foufre, & le nouveau compofé fe nomme baume de foufre. M. Rouelle obferve que, fi l'on a mis trop de foufre, l'excédent qui ne peut être tenu en diffolution, crystallife au fond du matras, & que les huiles effentielles font à fon égard l'office de diffolvant, comme l'on voit que l'eau le fait à l'égard des fels qui crystallifent dans ce fluide; & ces cryftaux font, dit-il, autant d'aiguilles groupées en forme d'éventail. J'ai répété cette expérience, & je me fuis fervi de l'huile effentielle de térébenthine, qui eft la plus commune & à plus bas prix. Cette diffolution auffi chargée de foufre qu'elle pouvoit en tenir à chaud, m'a fourni par le refroidiffement, & après l'avoir abandonnéé quelque temps, des criftaux à vingt-deux facettes, qui présentent une des modifications de l'octaedre rhomboïdal: on y compte huit pentagones & huit trapezoïdes en bizeau', quatre pentagones linéaires, & deux rhombes, La plupart de ces cryftaux font groupés de manière à ne préfenter qu'une portion plus ou moins grande de plans rhomboïdaux avec un certain nombre de leurs pentagones & de leurs trapézoïdes en ces pans (2). Je fuis d'autant plus porté à croire que ce moyen eft celui qui eft le plus propre à faire criftallifer le foufre, qu'il nous préfente une des variétés du foufre que nous trouvons cryftallifé par la nature; & fi on faifoit ces expériences en grand, on pourroit peut-être avoir les autres variétés.

J'ai auffi obtenu, par un autre procédé, des cryftaux de foufre bien plus réguliers, & femblables à des cryftaux de foufre naturel. Celui-ci eft plus long & difficile à répéter. Cependant comme je le dois au hafard,

(1) Ceux qui ont les Cahiers de M. Rouelle, peuvent voir ce qu'il dit dans les remarques du 98 procédé du regne minéral, où il parle de la cryftallifation du régule d'antimoine.

(2) J'ai fait voir cette cryftallisation à Me Romé de l'Ifle, & d'eft d'après lui que je la décris.

&

& qu'il nous préfente des phénomènes particuliers, je vais le faire connoître; il confifte à unir le foufre à l'alkali volatil, ce qui ne peut pas fe faire facilement, en traitant immédiatement le foufre avec l'alkali volatil: il faut une appropriation particulière, & fuivre le procédé indiqué par Boyle; il confifte à faire un mêlange de foufre, de fel ammoniac & de chaux vive, & on diftille. La liqueur qu'on obtient eft une diffolution de foufre par l'alkali volatil, un vrai hépar volatil, qui, lorfqu'il eft concentré, & qu'il a le contact de l'air, fe volatilife fous forme de vapeurs blanches. Boyle, à caufe de cette propriété, l'a nommée fa liqueur fumante. Quand on garde cette liqueur dans un flacon qui bouche exactement, la liqueur fe conferve avec les propriétés; fi au contraire le flacon n'eft pas bien bouché, & qu'il s'y faffe une évaporation infenfible & dans un endroit tranquille, l'alkali volatil quitte le foufre, s'échappe & le foufre alors fe précipite, en prenant une forme crystalline (1). Mais file flacon étoit tout-à-fait ouvert, l'alkali volatil, en s'évaporant, donneroit des aîles à une portion du foufre, & le reste se précipiteroit confufément. On doit obferver que les phénomènes qui arrivent ici ne font pas ceux qui fe paffent dans la décompofition des hépars, où les alkalis fixes entrent. Quand ces derniers viennent à avoir le contact de l'air, ils fe décompofent, & le foufre lui-même eft décompofé; le principe inflammable qui faturoit l'acide vitriolique fe diffipe; alors l'acide s'unit à l'alkali, & forme du tartre vitriolé. Si dans cette décompofition, les mêmes phé nomènes avoient lieu, nous devrions avoir du fel ammoniac vitriolique; mais c'est ce qui n'arrive pas. L'alkali volatil s'évapore, & le foufre ne pouvant plus être tenu en diffolution, reparoît fous fa forme naturelle, en prenant fa figure propre, qui eft l'octaedre rhomboïdal, formé par deux pyramides quadrangulaires obliques & obtufes, jointes bafe à base.

Lorfque le foufre eft uni au mercure, le nouveau compofé eft connu fous le nom d'æthiops minéral, fi on ne fait que les triturer ou les fondre ensemble; mais fi on donne plus de feu à ce mêlange, il fe fublime en entier, en prenant la forme d'une fubftance minérale ftriée, qui eft connue fous le nom de cinabre, lequel étant alors extrêmement divifé, prend une belle couleur rouge. On trouve ce compofé dans le fein de la terre, & même il y en a des mines confidérables. Il fe préfente fouvent fous la forme aiguillée. M. Romé de Lifle, dans fa cryftallogra phie, parle d'une cryftallisation de cinabre, qui étoit deux tétraëdres 1éunis par leur bafe, & tronqués ; & M. de Born affure l'avoir vue en tétraëdres réguliers.

Le cinabre que nous faifons artificiellement dans nos Laboratoires, & qu'on fait fublimer dans des matras ou bouteilles à médecine, est toujours

(1) J'ai eu occafion d'obferver ce phénomène au Laboratoire du Collège Royal, avec la liqueur fumante de Boyle, que je confervois dans un flacon qui ne bouchoit pas bien, & qui n'avoit pas été remué depuis un an.

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en aiguilles. Mais il eft un moyen de l'avoir en cryftaux réguliers; c'est de faire la fublimation dans une cornue dont le col eft très-large: on la place dans un fourneau de réverbère, & on fait fortir le col, autant qu'il eft poffible. En procédant ainfi à la fublimation, j'ai obtenu au col de la cornue le cinabre, où on apperçoit des cryftaux très-diftincts, & qui font des tétraëdres réguliers. Cette expérience vient à l'appui de l'obfervation de M. de Born, & prouve que la vraie cryftallisation du cinabre eft le tétraëdre (1).

DESCRIPTION

D'UNE Machine propre à broyer toutes fortes de couleurs. Par M. P. D. C. Tour le monde connoît les dangers auxquels on eft exposé par le

broiement des couleurs, fur-tout de celles dont la préparation exige des chaux de plomb, &c. Nous ignorons que l'on fe foit occupé, jufqu'à préfent, des moyens de parer à cet inconvénient. Convaincus que, fouftraire l'humanité à la maladie fi cruelle, connue fous le nom de colique de Poitou, colique des Peintres, colique de plomb, &c., ce feroit lui rendre un fervice précieux, nous nous fommes propofé le problême fuivant.

Trouver le moyen de broyer toutes fortes de couleurs, de les repréfenter fans ceffe fous la molette, de les enlever de deffus le porphyre lorsqu'elles font prétes, de répandre à propos l'huile & les couleurs que l'on veut amalgamer, le tout fans le fecours ni la préfence de perfonne.

Le Lecteur va juger fi nous avons rempli la tâche que nous nous fommes impofée. Auparavant d'entrer dans aucun détail, nous croyons devoir prévenir qu'on peut employer comme moteur le vent ou l'eau indifféremment, & même conjointement, le choix dépendant de la position des lieux; il fera libre auffi d'appliquer la puiffance d'un homme ou d'un cheval. Le moteur de la machine énoncée fera cenfé l'eau qui fuivant fa chûte & la force de fon courant,donnera, foit par le haut, foit par le bas, le mouvement à une roue dont l'arbre portera un rouet, lequel engrénera dans une lanterne, dont l'axe coudé, en forme de manivelle, fera jouer tout le refte.

Pour plus de clarté dans notre defcription, nous diviferons tout le travail en trois parties: 1°. le broiement des couleurs & leur représentation fous la molette; 2°. leur enlèvement de deffus le marbre ou porphyre; 3°. le versement de l'huile & des couleurs. Nous allons faire connoître

(1) Note du Rédacteur du Journal. Je puis certifier que ce dernier procédé de M. Pelletier eft excellent, puifque j'ai obtenu de pareils cryftaux de cinabre atificiel, il y a plus de deux ans, dans le Laboratoire de Sainte-Geneviève.

féparément les pièces qui appartiennent à chacun de ces travaux, afin de faciliter l'intelligence de leur jeu, que nous expliquerons enfuite.

PREMIER TRAVAIL. Broiement des couleurs & leur représentation fous la molette. Le premier travail eft compofé 1°. d'un grand bras M (voyez pl. II, fig. 1 & 2 avec leurs détails), dont le mouvement eft déterminé par celui de la manivelle G; il eft percé dans fa longueur d'une mortaife M1‚ double de la manivelle: elle fert à le conduire autour d'une cheville Q, qui lui tient lieu en même temps de fupport intermédiaire entre l'extrémité entraînée par la manivelle, & celle à laquelle eft fixée la molette N', propre à broyer les couleurs.

2°. Au grand bras M eft ajufté un petit bras O, formé fimplement, d'une feule tige, & fe mouvant entre les dents de la fourche Os; l'extré-, mité libre de ce petit bras eft coudée en O'.

3°. D'un plateau de marbre ou porphyre P, enchâffé ou fcellé folidement fur une roue 04, dentée fur toute fa circonférence, portée fur quatre roulettes S, & retenue dans fon milieu par un pivot U, qui repréfente fon centre de rotation.

4°. D'un renvoi 9, fixé folidement fur la plate-forme Pr bras 9'.

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SECOND TRAVAIL. Enlèvement des couleurs préparées. Les pièces qui ̧ concourent au fecond travail font, 1°. une roue ou régulateur V, portant, fur fa circonférence 16 dents X, dont chacune eft pouffée fucceffivement à chaque révolution de la grande roue 04, par une longue dent R; cette roue où le régulateur eft appliqué au cylindre Y, creufée, dans fa partie fupérieure, de deux gorges ou rainures L', L', portant chacune haut & bas des plans &,&1.

2. Des leviers 3 & 4, dont le point de communication eft en 3';, le levier 3 eft engagé par fon coude 34, dans la rainure ou gorge inférieure L du cylindre Y; & celui 4 reçoit dans une fontaine 5', pratiquée à fon extrémité 5, la cheville ou fupport Q du bras M.

3°. D'un levier à couteau 11, dont le point d'appui eft en 11°; fon manche H eft engagé dans la rainure fupérieure L2 du cylindre Y.

TROISIÈME TRAVAIL. Verfement de l'huile & des couleurs. Les pièces qui compofent le troisième travail font; 1°. une fourche 33, dont les branches 32, 32, fe meuvent fur les points 34: vers la queue de cette fourche eft placée une roulette 36, portée fur le plateau fupérieur du cylindre Y; la ligne ponctuée 37 repréfente fon chemin; fur celui-ci se trouve une cavité 38, formée par deux plans inclinés; oppofés par leur pointe, ils reçoivent la roulette 36 lors de fon paffage.

2°. D'une trémie 20 (fig. 4), propre à contenir les couleurs, retenue & fufpendue par une ou deux ceintures 22: l'auget 21 eft fufpendu fous la trémie; il a une queue 22', qui communique à la bafcule 23, hauffée & baiffée, fuivant que la roulette 36 eft dans la cavité 38, ou fur le plaTome XIX, Part. I, 1782. AVRIL. Ss2

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teau 37. La bafcule 23 repofe fur la branche 32, par un tenon 31.

3o. D'un vase 24 (fig. 3) propre à contenir l'huile, garni vers fon fond d'une foupape 25, dont la tige 25' communique avec la bafcule 30, réglée comme celle-ci deffus par la fourche 32; fous le vafe 24 eft fufpendue une cuvette 29, pour recevoir l'huile qui fuinte après le jet.

JEU. De la difpofition de ces différentes pièces, il fait que la manivelle G, entraînant dans fa révolution le bras M, celui-ci ne peut l'être, fans faire jouer la molette N', fixée à fon extrémité. Le chemin de celle-ci eft défigné par fa ligne ovale ou elliptique N. Le premier bras entraîne à fon tour celui O', dont le coude O pouffe fucceffivement chaque dent O3, placée fur la circonférence de la roue O, qui porte le plateau ou porphyre P, fur lequel font les couleurs, lefquelles, par cet effet, viennent le repréfenter continuellement fous la molette, pour en fubir Faction. Comme la force centrifuge imprimée au plateau pourroit faire échapper la couleur, avant qu'elle ne foit fuffifamnient broyée, le renvoi 9, placé à-peu-près comme le repréfente la fig. 1, s'y oppofe, en la raffemblant au fortir de deffous la molette, & la force de s'éloigner de plufieurs pouces de fa circonférence. L'espace qu'elle laiffe libre par l'effet du renvoi, eft défigné par le chiffre 10; le mouvement continue jufqu'à ce que la couleur foit fuffifamment broyée & bonne à être enlevée de deffus le marbre. Voici comment s'exécute cette feconde opération.

Suppofons qu'il faille quinze révolutions de la roue 04, fur laquelle eft fcellé le porphyre P, pour que les couleurs foient affez préparées. V, avons-nous dit plus haut, représente un régulateur, dont la circonférence est armée de 16 dents X; à chaque tour de la roue 04 fe préfente une longue dent R, laquelle pouffe une dent X, & fait faire par conféquent au régulateur un feizième de tour. Le cylindre Y (fig. 3), comme il a été dit, porte deux rainures où gorges Z', Z: fur la bordure inférieure & de celle Z', fe trouve un plan &, difpofé de telle manière que lorfque la quinzième dent de la roue V eft pouffée par la dent R, le plan & force le coude & du bras de levier 33, baiffé auparavant, à s'élever; mais le bras du levier 33 ne peut s'élever, fans que celui 34 ne baiffe & ne faffe baiffer à fon tour le bras 43, dont le petit bras 4 est forcé, par cela même, de s'élever; or l'extrémités de ce petit bras 4 porte la cheville de fupport 2, fur laquelle roule le bras M, qui porte la molette N': donc le bras M fera élevé, & par conféquert la molette N' qui, dès ce moment, ne touchera plus le marbre ni les couleurs, puifque fon mouvement fe fera fimplement en l'air.

Mais le cylindre Y porte une feconde gorge Z; fur fa bordure inférieure eft difpofé un plan &, de telle manière que, dès le moment que la quinzième dent du régulateur eft pouffée, le manche 11 du couteau échappe à un plan fupérieur qui le tenoit baillé, & eft forcé par la renconne de celui inférieur & de s'élever : or ce manche ne peut s'élever,

Y

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