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à regarder l'idée qu'en offre M. Briffon, comme fondée fur la nature & fur l'expérience, & comme une des plus ingénieufes explications qui ait été donnée; elle a été généralement adoptée en Phyfique, fur-tout depuis que l'on a reconnu, par des preuves non équivoques, que la foudre eft tantôt afcendante, & tantôt defcendante. Cette vérité eft portée au plus haut degré d'évidence, dans l'excellent Mémoire de M. Bertholon de Saint-Lazare: Voyez le Journ. de Phyf. de Septembre 1777, pag. 179 & fuiv.

Le moyen de nous mettre à l'abri des terribles effets des trombes terreftres, fixera fans doute un jour l'attention des Phyficiens: les efforts qu'ils ont faits pour anéantir la foudre, & rendre fes coups impuiffans, foit qu'elle vienne de la terre, foit qu'elle vienne du nuage; ce qu'ils ont imaginé pour empêcher la formation de la grêle, la formation des volcans, & des tremblemens de terre; tous ces travaux multipliés depuis quelque temps, & couronnés, pour la plupart, du fuccès, font naître les plus hautes efpérances.

Les conducteurs électriques, afcendans & defcendans, de M. Bertholon, nous rendront probablement un jour ce fervice; ces machines ingénieuses, efpacées de diftance en diftance, plus élevées, ou placées en plus grand nombre tant dans les Villes que dans les campagnes, pourront nous garantir des dévaftations occafionnées par les trombes ces conducteurs s'oppoferont à la formation de ce météore; ils foutireront petit à petit, & à chaque inftant, la furabondance de la matière électrique, en la faifant paffer en filence, tantôt du nuage dans la terre, tantôt de la terre dans le nuage. Enfin ces machines établiront en tous temps un accord & un équilibre parfait entre l'électricité de la terre & celle des nuages, & conféquemment de l'atmosphère.

Le moyen le plus sûr, nous dit un favant Météorologifte (1), de parvenir à la connoiffance de la vérité, dans le phyfique comme dans le moral, c'eft de remonter toujours à un principe qui, bien développé, puiffe s'appliquer à tous les cas particuliers, à tous les faits qui n'en font alors que les corollaires & les conféquences; l'unité de principe eft, je penfe, le plan que Dieu s'eft propofé dans tous fes ouvrages.

Quel est donc ce premier principe, ce principe unique dans la nature ? question que je me fuis fouvent faite, & à laquelle j'ai toujours eu une efpèce de honte de répondre.

Que de connoiffances, en effet, n'exige pas la folution de cette question! Quelle fagacité & quelle jufteffe de raifonnement ne faut-il pas pour trouver le lien qui unit à ce premier principe tous les effets naturels connus, tous les phénomènes météorologiques ! Mais eft-il néceffaire, pour entre

(1) Le Pere Cotte, dans fa Lettre touchant le rapport de l'électricité avec tous les phénomènes de la Nature. (Voyez le Journal des Scavans, 1769.) Tome XIX, Part. I, 1782. AV RIL.

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voir ce premier principe, d'avoir une connoiffance parfaite de tous les effets naturels, & de leur liaison avec cet agent univerfel? je ne le crois pas on peut fe contenter alors de juger de l'inconnu par le connu.

Si donc on apperçoit dans les phénomènes de la nature les plus frappans & les plus connus un rapport bien décidé avec les phénomènes électriques, il y a tout lieu de penfer que les effets naturels, inconnus jufqu'à préfent, ou attribués à d'autres causes, ont auffi une liaison intime avec l'électricité, & qu'elle doit être regardée par conféquent comme le premier principe de la nature, comme le principe unique de tous les phénomènes météorologiques.

Ainfi la végétation des arbres, des plantes, &c. la pluie, la neige, la grêle, le tonnerre, les trombes, les volcans, les tremblemens de terre, &c. ont pour caufe première l'électricité. La terre, en circulant dans les airs, reffemble aux globes de nos machines électriques; l'une eft électrifée par les rayons du foleil, l'autre par la main du Phyficien; cette affertion a été publiée, il y a 7 à 8 ans, par M. Dagoty, père, de l'Académie de Dijon. Voy. le Journ. des Scienc. & des Beaux-Arts, du 15 Mars 1776, pag. 533

La terre, nous dit ce favant Botanifte, eft une boule électrique fans ceffe en rotation, que le foleil, par fes rayons, comprime comme la main dans les expériences d'électricité; le mouvement précipité de fa furface (qui parcourt 9000 lieues en 24 heures) infiniment plus vite que celui du plateau & de toutes les boules électriques, forme une vraie électricité qui fait végéter les plantes, élever les vapeurs & les nuages, former le tonnerre, &c. Je ne crois pas que l'on puiffe donner une caufe mieux établie de tous les météores & de tous les phénomènes; les analyses de plufieurs obfervations nous y conduifent.

En effet, les Phyficiens ne peuvent rien créer dans leurs laboratoires; ils ne font que développer & combiner. Il ne leur feroit pas poffible, aidés des meilleures machines, de produire la moindre électricité, fi ce fluide n'étoit pas répandu non-feulement dans l'atmosphère, mais encore dans la terre & les autres corps fublunaires.

Les différens degrés de dilatation & d'humidité, qu'éprouvent conftamment tous les corps (abftraction faite de leurs conftitutions particulières), les rendent plus ou moins propres à recevoir une dofe plus ou moins grande d'électricité; & la variabilité de ces deux caufes phyfiques permanentes, imprime à ce fluide élastique un mouvement continuel, un flux & reflux pour se mettre en équilibre.

Il en eft de l'électricité naturelle comme de l'électricité artificielle; l'une & l'autre dépendent du même fluide: c'eft pourquoi l'électricité naturelle ou atmosphérique eft, comme l'électricité artificielle, tantôt négative & tantôt pofitive.

Ce fut le 12 Avril 1753, que le Docteur Francklin obferva, pour la première fois, que l'électricité des nuages étoit négative; dans huit orages fuivans, il trouva que les nuages électrifoient négativement, & fut tenté de conclure qu'ils étoient toujours électrifés de même mais le 6 Juin fuivant il rencontra un nuage qui étoit électrifé pofitivement, & dans la fuite il en trouva beaucoup d'autres; il a même obfervé que les nuages, dans le cours d'un feul orage, changeoient plufieurs fois, & paffoient de l'électricité pofitive à la négative. M. Kinnerfiey a également éprouvé que les nuages étoient fouvent dans un état négatif, & qu'ils paffoient auffi de l'état négatif à l'état pofitif, & réciproquement; le Père Beccaria a fait des obfervations femblables, & a fouvent remarqué que fon appareil électrifé par le tonnerre, ou feulement par les nuages, fans apparence de tonnerre étoit tantôt dans un état pofitif, & tantôt dans un état négatif.

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Ces obfervations rapportées par M. Bertholon (dans fon Traité de l'Electricité du corps humain, Ouvrage couronné en 1779 par l'Académie de Lyon) ont trop de rapport à notre objet, pour négliger d'en enrichir notre Mémoire, & de les y ajouter; elles atteftent de la manière la plus évidente que les trombes, comme nous l'avons avancé, doivent être tantôt afcendantes & tantôt defcendantes, & que les effets furprenants qu'elles produifent ont pour caufe première l'électricité, qui cherche à fe mettre en équilibre.

SUITE

DES EXTRAITS DU PORTE-FEUILLE

De M. l'Abbé DICQUEMARE, de plufieurs Sociétés & Académies Royales de France, Espagne, Allemagne, & Correfpondant de l'Académie Royale de Marine.

ENTRE

FOSSILES (1).

NTRE les polypiers foffiles & pétrifiés que j'ai trouvés dans les falaifes des environs du Havre, j'en diftingue plufieurs, fur lefquels on ne me pa

(1) Voyez les articles Fofiles, Corne Ammon, Nautiles, Os, Coquilles, &c., que M. Dicquemare a publiés dans ce Journal, depuis fon origine.

3.

roît pas être pleinement inftruit. L'un des plus grands eft affez rare pour n'être pas connu de plufieurs Naturaliftes. J'en ai deux grandes portions différemment pétrifiées: l'une me fut apportée par un homme de peine en 1776; il s'en falloit peu qu'elle ne formât un cylindre creux de huit pouces de longueur, cinq pouces & demi de diamètre moyen, un pouce & demi d'épaiffeur moyenne, & dont la cavité a environ deux pouces & demi. Je l'ai caffée, pour en communiquer des échantillons; elle est trèspefante, un peu moins tranfparente que l'agate, d'un gris tendre, faifant effervefcence avec les acides, & feu avec le briquet.

A en juger par tout ceci, par fa manière de fe caffer, &c., c'eft une combinaison affez dure de quartz & de fpath. Il paroît que ces polypiers étoient des cylindres creux. Ont-ils fait partie d'un tout formé comme les coraux, les madrépores? En ce cas, quelqu'accoutumé qu'on foit à voir la nature, on ne peut être que très-furpris de la quantité innombrable des animaux qui élèvent un édifice de cette nature. Il femble, à la première vue compofée de tubulaires menus, quarrés & ftriés tranfverfalement. Mais en regardant avec plus d'attention, on voit que ce font des efpèces de colonnes formées de très-petites cellules empilées l'une fur l'autre, & étayées par des piliers. Ces cellules, dont l'épaiffeur égale à peine le plus léger trait de plume, quoiqu'il s'en trouve de plus épaiffes, forment des couches perpendiculaires à la longueur du cylindre; mais qui ne gardent pas un parallélifme parfait, ni une grande égalité entr'elles. Il y a des bandes de quatre à cinq lignes de largeur, où l'ouvrage paroît plus ferré. Seroit-ce celui d'une colonie naiffante? Ce morceau offre des parties moins pétrifiées que les autres, & dans lefquelles les cellules paroiffent dans toute leur intégrité, & font comme des témoins de l'état antérieur de toute la masse que la trop grande pétrification pourroit faire méconnoître à des yeux peu exercés. Il faut un deffin à la plume, très-foigné, une gravure précieuse & un grand format, pour faire connoître, d'une manière plus particulière, ces deux beaux morceaux. Le fecond, que j'ai trouvé dans les écroulemens des falaifes de la Heve, paroît avoir eu les mêmes dimenfions que le premier; mais il eft plus intéreffant, d'une pétrification différente, moins pefante: il tient plus de la nature de la pierre de taille, mêlée de quartz & de quelques parties de filex; il fait effervefcence avec les acides, feu avec le briquet, eft d'une couleur fauve & d'une âpreté fingulière au toucher, conféquemment bien confervé. Ces deux morceaux font percés de trous de folades.

OBSERVATIONS

SUR la Cryftallifation artificielle du Soufre & du Cinabre, Par M. PELLETIER,

C'EST de nos jours que les Chymiftes fe font occupés de la cryftallifation des métaux, & l'idée de ce nouveau genre de travail eft due aux Chymiftes François. M. Brongniard eft le premier qui ait entrepris avec fuccès la cryftallifation du bifmuth, en fuivant le même procédé que M. Rouelle l'aîné indiquoit dans fes Cours, pour faire cryftallifer le foufre. M. Mongez le jeune, Chanoine de Ste.-Geneviève, a pouffé enfuite cè travail bien plus loin, & il eft parvenu à faire cryftallifer tous les métaux à l'exception du mercure & de la platine; l'un à caufe de fa fluidité continuelle, & l'autre à caufe de fon infufibilité, qui ne permet pas de fuivre à fon égard le procédé qu'on emploie pour les autres métaux. M. Rouelle, comme je viens de le dire, eft le premier qui a décrit le procédé pour faire cryftallifer le foufre. Je vais le rapporter tel qu'on le trouve dans fes Cahiers manufcrits, rédigés depuis 1754, & dont il y a tant d'exemplaires répandus, non-feulement en France, mais encore dans toute l'Europe.

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«Le foufre, dit M. Rouelle, fond à un degré de feu peu confidérable. Lorfqu'il eft fondu, il répand une odeur particulière, différente de celle qu'il a lorfqu'il brûle, & qui eft celle de l'acide fulfureux volatil. Il eft rouge lorfqu'il entre en fufion. Cette couleur change à mesure qu'il re» froidit; il cryftallife en refroidiffant, à la manière des fels neutres. Voici comment fe fait cette cryftallifation. Les parois des vaiffeaux dans lefquels le foufre eft en fufion, venant à fe refroidir les premières, le foufre s'y fige, ainfi qu'à la furface. Lorfqu'il eft refroidi à la moitié, on vuide » le foufre qui étoit encore en fufion dans le centre, & qui fervoit pour >> ainfi dire de diffolvant au foufre, ainfi que l'eau en fert aux fels neutres qu'on met à cryftallifer. On trouve de véritables cryftaux, qui font toujours perpendiculaires aux' furfaces des vaiffeaux dans lefquels ils ont » été formés ».

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On n'a point manqué d'objecter que les cryftaux qu'on obtenoit par ce procédé, n'étoient point la vraie forme du foufre, puifqu'ils étoient toujours en aiguilles, & que la nature nous offre du foufre cryftallifé régulièrement. Mais il eft, vrai de dire que c'est par un procédé semblable qu'on eft parvenu à faire cryftallifer les métaux, d'après le confeil de M. Rouelles qui dit formellement que les métaux & les demi-métaux

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