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poffibilité d'un produit contraire? Les expériences qu'il auroit faites à Pitchincha, au lieu de lui fournir les preuves qu'il cherchoir, fe feroientelles obftinées à lui donner des réfultats oppofés à fon attente? On eft d'autant mieux fondé à le croire, que ni M. Bouguer ni M. de la Condamine ne donnent nulle part le réfultat de ces expériences qu'ils s'étoient même propofé de répéter à la montagne pelée de la Martinique; d'où l'on peut préfumer, avec beaucoup de fondement, que ce furent elles qui firent naître à M. Bouguer des réflexions propres à fauver du difcrédit qu'auroient pu donner au fyftême chéri des expériences analogues aux fiennes.

De pareilles réflexions, peu propres à foutenir l'épreuve de la difcuffion & de l'expérience, ont cependant trouvé des partifans dont l'autorité eft d'un grand poids; & c'est pour les juftifier que M. d'Alembert a avancé qu'il eft poffible que la denfité des matériaux, qui forme le filon qui conduiroit du fommet d'une montagne au centre de la terre, foit telle que l'attraction, en raifon directe des maffes, rendue plus active par un excès de densité, fupplée avec avantage la diminution que doit produire, dans la pelanteur des graves, leur plus grand éloignement du centre, d'après l'attraction agiffante en raifon inverfe du quarré des diftances: ce qui fuppoferoit toujours, felon lui, que le filon qui conduiroit du pied d'une montagne ou du fond d'une vallée au centre de la terre, feroit compofé de matériaux de moindre denfité, & qu'il y auroit dans fa direction de vaftes cavernes, de grands vuides dans l'intérieur du globe. Ce Savant va même jufqu'à dire qu'il eft poffible que la denfité des montagnes foit à la denfité moyenne du globe, comme 8 eft à 5. Mais M. d'Alembert, pour être un homme célèbre, n'en eft pas moins un homme, & par conféquent peut fe tromper. La fupériorité de denfité d'une montagne fur celle de fon pied, qui eft lui-même une portion de cette montagne, peut-elle exifter dans le rapport néceffaire, pour produire, fans infirmer la loi du quarré de Newton, un excès marqué de pefanteur dans les corps plus éloignés du cen

re de la terre ?

Si les graves, qui conftituent notre planète, occupent dans leur arrangement l'ordre des gravirés fpécifiques, comme on peut le fuppofer plus naturellement qu'on ne fait le contraire, le filon de matière, qui conduit de la montagne au centre de la terre, eft compofé de matériaux de plus en plus denses à mesure qu'on s'approche du centre; l'énorme compreffion qu'ils doivent éprouver fémbleroit encore rendre néceffaire cette plus grande denfité. Si l'on fe permet des fuppofitions contraires, par la feule raifon qu'on en a befoin, pourquoi celles-ci, qui tiennent à des vérités de faits connus, ne feroient-elles pas admifes ? Les fubftances qui ont le plus de maffes, telles que le fer, le plomb, le mercure, l'argent, l'or, &c., d'autres fubftances, pour être infiniment plus denfes que toutes celles que nous

du

connoiffons, ne peuvent elles pas être employées à former le noyau globe? On peut le préfumer; & M. de Buffon vient à l'appui de cette préfomption, lorfqu'il dit, dans fa Théorie de la Terre, que c'eft feulement dans les montagnes que l'on trouve de grandes cavernes, de grands vuides, produits & augmentés fans doute par l'écoulement des eaux qui fe précis pitent de leur fommet vers leur pied pour former les fleuves, les rivières & les torrens qui en fortent. Le même Auteur ajoute que de pareils vuides ne fe rencontrent guère dans l'intérieur de la terre.

D'après cela, & l'arrangement probable des fubftances du globe à raifon de leur denfité fpécifique, les montagnes peuvent être confidérées comme des maffes qui ne fauroient furpaffer en denfité le filon des matériaux, qui, du pied de ces maffes, conduisent au centre du globe; d'où l'on voit qu'on feroit mieux fondé à avancer qu'il eft poffible que la denfité moyenne du globe, depuis le pied d'une montagne jufqu'au centre de la terre, foit à la denfité du corps de la montagne comme 8 eft à 5, que M. d'Alembert ne l'a été de nous préfenter la poffibilité de l'inverse, pour fouftraire la loi Newtonienne de la pefanteur, à la contradiction dans laquelle l'a fait tomber l'accélération des pendules au fommet des mon

tagnes.

Mais, m'objectera-t-on, peut-être que cette accélération, mife en avant, éft un fait fuppofé. Je le préfume d'autant moins, que, d'après une théorie (qui n'eft certainement pas celle de M. d'Alembert), j'ofe affurer d'avance que fi l'on place deux pendules bien réglées, l'une à une ftation plus baffe & l'autre à une ftation plus élevée, celle qui occupera la dernière ftation aura toujours une accélération marquée fur l'autre, & que l'accé lération de la pendule fupérieure fera proportionnelle à l'excès d'élévation qu'elle aura fur l'inférieure. J'ajoute même que ce résultat aura lieu partout & dans toutes les circonstances, & que rien n'altèrera cet effet. MM. d'Alembert, de la Lande, & tous les Partifans du célèbre Anglois, pourront oppofer à la première expérience les fuppofitions avec lefquelles ils ont éludé, dans le temps, la conféquence tirée des expériences des Alpes. Mais les oppoferont-ils à une feconde, à une troisième, à une quatrième expériences faites en différens lieux ? Le hafard voudroit-il que le fommet de la montagne préfentât toujours jufqu'au centre de la terre un filon continu de matières très-denfes, pendant que fon pied, qui eft une partie de la même montagne, n'offriroit jamais qu'un filon, dans la continuité duquel fe trouveroient non-feulement des matières moins denfes, mais encore des cavernes, des vuides, &c.? Ils n'abuferont fans doute pas jufqu'à ce point de la permiffion de fuppofer. J'annonce donc, pour les expériences que j'indique, des réfultats, finon abfolument conformes, du moins analogues à ceux énoncés dans les expériences des Alpes, vraies ou fuppofées; & je me crois d'autant mieux fondé à les attendre, ces Tome XIX, Part. I, 1782. MARS.

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résultats, que je ne crains pas de faire, aux Antagonistes de ces affertions, à tous ceux qui les croiront hafardées ou prématurées, le défi formel de dépofer, comme eux, chez un Notaire à Paris ou ailleurs, la fomme de dix mille livres pour dédommager celui par lequel la vérité fe déclarera, des frais & des dépenfes qu'il auroit pu faire pour la conftater.

INSTRUCTIONS

Sur les moyens de conferver les Vins, particulièrement dans les citernes;

Par M. FOUGEROUX DE BONDAROY.

·Réflexions générales fur le produit qu'on peut attendre de la culture de la Vigne.

LES

LES premières dépenses, lorsqu'on plante un terrein en vignes, quatre, cinq ou fix années qui doivent néceffairement s'écouler avant de tirer du profit d'un nouveau plant; les façons annuelles, les fumiers, échalas frais de vendanges, cuves, futailles, &c.; les années où la vigne, encore trop jeune, ne produit pas; la vigne, qui, dans la plupart des terreins, ne dure que vingt-cinq à trente ans; la régie fatigante & onéreufe, avec les droits multipliés qui accompagnent perpétuellement le commerce des vins, forment pour le Propriétaire-Cultivateur, & fur-tout pour le Vigneron, une culture très-onéreufe.

D'après cet apperçu & l'aveu général que les vignes font un mauvais bien, s'il eft furprenant qu'il refte encore des terres plantées en vignes, il l'eft encore plus qu'elles fe multiplient, fur-tout proche les Villes.

Depuis que le bled eft marchand, comme cette récolte eft moins fautive que celle des vins, toute terre qu'on peut mettre en culture étant augmentée en loyer, les terres à vignes ont auffi fubi de grandes augmentations. Croira-t-on qu'à la vérité, proche une Ville, un arpent qui autrefois étoit loué en corps de ferme 7 à 8 livres, eft donné maintenant à baux de vingt-fept ans pour y planter de la vigne, fur le pied de 40 liv. & plus ? Eft-il poffible qu'un Vigneron, à ce prix, ne s'y ruine pas (1)?

(1) Le Cultivateur des terres en grains eft certain, ainfi que celui qui vit fur fes fonds, en tirant du grain de fon grenier, d'y trouver fa nourriture & celle de sa famille; tandis que le Vigneron, même dans une année abondante, paie difficilement les impofitions royales, & peut manquer de l'aliment le plus néceffaire à la vie.

L'Etat devroit cependant favorifer cette culture, parce que, 1°. ce font affez fouvent les plus mauvaises terres à bled qui produisent le meilleur vin; 2°. ce travail fait vivre beaucoup d'Habitans dans le Royaume, deux ou trois arpens de vignes fuffifant à une famille vigneronne; 3°. enfin, il est de fait qu'on ne perçoit fur aucune autre production de la terre autant d'impofitions que fur celle du vin.

Pour tirer quelqu'avantage du commerce des vins, il faut abfolument les garder jufqu'au moment où cette denrée foit marchande. A la vérité, le Vigneron ne jouit jamais d'une aifance qui lui permette d'attendre un moment favorable pour la vente de fes vins (1). Nous ne parlons que des vins qui fe prêtent à ce qu'on les conferve; car tous ne le permettent pas ; la plupart ne paffent pas deux à trois années fans perdre infiniment de leur qualité ou fans fe gâter.

Le proverbe, qui dit que le vin gagne à vieillir dans les caves, que fon prix augmente à raifon de fon âge, ne peut en général s'appliquer qu'au Propriétaire des vins acquis; mais rarement le Propriétaire - Cultivateur, encore moins le Vigneron, font-ils dans le cas de le garder.

Le Vigneron n'a que quelques celliers peu vaftes; il manque fouvent de caves, & il en faut d'immenfes pour conferver beaucoup de futailles. Il eft de fait que le vin ne peut éprouver 14 degrés de chaleur fans fe gâter. L'hiver, on peut, avec des précautions, empêcher qu'il ne gèle dans les celliers; mais l'été, la chaleur s'y introduit toujours.

Lorfqu'il y a abondance de vin, le Vigneron fe trouve donc obligé de fe défaire de fon vin auffi-tôt qu'il l'a recueilli, & de le donner à un fi bas prix, qu'il n'eft pas payé des journées de l'année où il a cultivé fa vigne.

Tout Propriétaire de vigne doit fe précautionner de bonne heure d'une certaine quantité de futailles fuffifantes, pour, année commune, y pouvoir dépofer la récolte de fon vin: mais lorsque l'année eft généralement abondante, il en faut davantage; & c'eft pour lors qu'il devient difficile, trèscoûteux, quelquefois impoffible, fur-tout pour le Vigneron, de s'en approvifionner.

Les poinçons font pour lors d'un prix fi exceffif, qu'en 1781, on vendoit en Gâtinois un fût vuide 12 1. & 15 liv., & le vin propre à le remplir 3, 4 ou 5 liv.

Perfonne n'ignore que tout Cultivateur de vignes a de grands vaiffeaux de bois nommés cuves, où l'on dépofe les raifins; on les y foule, & on les y laisse cuver, c'est-à-dire, fubir la fermentation vineufe. Ce vaiffeau

(1) Nous pourrions ajouter, en déplorant l'état du Vigneron, que pour qu'il fût heureux, il faudroit qu'il pût vendre non-feulement fon vin, mais encore il conviendroit qu'il lui fût poffible de conferver de fes revenus dans les années d'abondance, pour suppléer enfuite aux années de difette.

n'eft point couvert; feulement on a pratiqué vers fon extrémité fupérieure une feuillure difpofée à recevoir un fecond fond, compofé de plufieurs planches arrangées artistement, comme le feroit le fond fupérieur d'une futaille mife fur fon champ.

Lors donc que le Vigneron & le Cultivateur font furpris dans une année très-abondante en vins, fans avoir pu fe précautionner d'affez de futailles, ils le dépofent dans cette cuve à laquelle on a ajouté ce fecond fond, ce qu'on nomme enfoncer la cuve.

Il eft d'ufage de faire un lut, dont on remplit les joints de ce fecond fond, qu'on couvre avec de la mouffe, & enfuite du fable. Si le vin est fumeux lorfqu'on l'entonne, on pofe une pièce de bois en travers les planches qui forment ce fond, & une autre pièce de bois perpendiculaire qu'on nomme chandelle, appuyée fur le plancher fupérieur du cellier, qui retient ce fond, & l'empêche de monter ou d'obéir aux impulfions du vin qui fermente dans cette cuve,

Mais on remarquera, 1°. que cette cuve refte dans le cellier où le vin a

fermenté ou cuvé.

2°. Qu'il eft de fait qu'un vin qui devient potable dans l'espace de peu de mois, ne peut pas fe conferver plufieurs années enfuite.

3°. Que le vin fe fait plus promptement dans un cellier que dans une cave fraîche.

4°. Qu'il fe conferve moins de temps dans une cuve, & plus de temps dans une bouteille, que je cite comme étant le plus petit vafe employé à conferver le vin.

5°. Les cuves ont encore l'inconvénient des tonneaux & de tous vaiffeaux faits en bois ; lorfqu'ils ont pris un mauvais goût, ils ne peuvent le perdre, & ils le communiquent au vin qui y féjourne : ce vin pour lors tourne à l'amertume ou à l'aigre.

6°. Le vin n'est pas en sûreté dans des cuves de bois. Les grandes, qni contiennent 30 à 40 poinçons, font retenues par plufieurs cercles de fer, qui ne font pas à l'abri de fe détruire par la rouille, & de fe brifer; ce qui entraîne la perte du vin que contenoit cette cuve. Cela arrive plus fréquemment encore aux cercles du bouleau, qu'on emploie à retenir les cuves de moindre continence (1).

J'ai aufli vu perdre 36 poinçons de vin dépofés dans une cuve retenue avec des cercles de fer, un rat l'ayant percée comme on l'auroit fait pour y placer

une canule.

Je fuppofe un Cultivateur ou Propriétaire de douze arpens de vigne,

(1) J'apprends qu'un Particulier de nos environs vient de perdre vingt-cinq pièces de vin blanc qu'il avoit dépofées dans une cuve dont les cercles n'ont pu foutenir l'effort du vin en fermentation.

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