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Suite d'Expériences fur l'Air inflammable des Métaux (1).

Par M. DE LA MÉTHERIE.

EN annonçant les expériences que j'avois faites pour retirer, par le feu, l'air inflammable des métaux, j'avois dit avoir toujours remarqué de l'humidité dans le col des matras. Je n'ofai prononcer d'où venoit cette eau; mais ayant répété ces expériences un grand nombre de fois, je puis affurer qu'elle fe trouve réellement dans le métal: je ne la crois pas néanmoins toute propre au métal. On eft obligé d'employer, dans ces fortes d'expériences, les métaux réduits en limaille. Or, le fer, le cuivre, l'étain & tous les métaux, excepté peut-être l'or, font attaqués plus ou moins facilement par l'humidité de l'air, qui leur ôte leur éclat métallique: c'est cette eau qui monte dans les premiers coups de feu. Voici la manière dont je m'en fuis affuré.

Ayant pris de la limaille de reffort très pure & toute choifie à l'aimant, néanmoins un peu grisâtre, je la mis dans un matras de ce verre qu'on appelle cryftal. J'eus beaucoup d'eau dès le commencement : les vaiffeaux refroidis, je trouvai que le matras avoit coulé & enveloppé la limaille, de manière qu'il ne demeuroit qu'une ouverture capillaire. La' limaille avoit repris tout fon éclat métallique, & il n'y avoit de noircie que la petite portion qui étoit à l'ouverture. Un petit lingot d'étain, qui venoit d'être fondu, mis dans le matras, n'a pas donné d'humidité fenfible les limailles qui font faites depuis peu de

:

aufli très-peu,

temps, en donnent Cependant je croirois volontiers que les métaux contiennent un principe aqueux, qui n'eft peut-être pas de l'eau pure (2). J'ai reçu dans une veffie par le moyen d'un fiphon, l'air inflammable de limaille d'acier. Tous les vaiffeaux avoient été bien féchés, ainfi que la limaille. J'ai fait brûler cet air contre une glace, & j'ai eu des gouttes d'eau. M. Macquer avoit eu les mêmes résultats; mais il ne dit pas s'il avoit fait paffer fon air inflammable par l'eau, au lieu que dans mon procédé, il n'a eu aucun contact avec elle.

(1) Voyez la Lettre du même Auteur, fur un procédé nouveau pour retirer l'air inflammable des métaux. Journal de Phyfique, 1781, Tom. XVIII, pag. 156; & lon Mémoire fur les élémens, ibid. p. 224 & 310.

(2) L'eau qu'on trouve dans le col du matras, lorfqu'il contient de la limaille d'acier, a un goût tout-à-fait approchant de celui du fel marin. Quand on emploie le cuivre, la faveur eft plus âcre; cependant, elles n'agiffent ni fur le fuc de tournefol, ni fur l'eau de chaux.

Ayant

Ayant fort varié toutes ces expériences, fur-tout fur la limaille d'acier (1), voici les principaux résultats que j'ai obtenus. L'air inflammable, ainfi tiré par le feu, a une odeur empyreumatique fingulière; elle eft prefque auffi forte que celle des végétaux brûlés, qui eft également due à leur air inflammable. J'ai fait calciner la limaille d'acier dans des creufets, parce qu'elle ne l'eft qu'imparfaitement dans les matras : elle donne une légère flamme bleue comme l'air inflammable qu'on en retire, fe noircit & acquiert beaucoup de poids, fouvent un tiers en fus. Ainfi calcinée, elle rougit fimplement à la chandelle; au lieu que celle qui ne qui ne l'eft pas, brille & fcintille. La première, mife dans les acides, ne fait effervefcence avec aucun, quoiqu'il s'en diffolve une très-petite quantité, qui donne du bleu avec la liqueur teignante; l'eau l'attaque auffi très-peu, tandis que l'autre l'eft beaucoup, comme l'on fait, dans la préparation de l'éthiops.

Je mis de la même limaille d'acier, choifie à l'aimant, dans un flacon à moitié plein d'eau : je le bouchai & l'agitai fouvent. L'éthiops fe forma; & on voyoit quelques bulles d'air fe dégager. En débouchant le flacon une vive odeur d'air inflammable fe fit fentir. Je fis paffer cet air dans un bocal, & y plongeai une bougie qui s'éteignit, & l'air ne put s'enflammer; mais, ce qui eft fingulier, c'eft qu'il parut que l'air extérieur fe précipita dans le flacon, lorfque je le débouchai. Pour m'affurer du fait, je pris un autre flacon, auquel j'ajuftai un tube, & une veffie dans laquelle je laiffai un peu d'air. Je ne pus diftinguer s'il y avoit eu abforption ou non : s'il y en eut, elle a été peu confidérable. M. Priestley avoit déjà remarqué que l'air inflammable qui avoit été long-temps agité dans l'eau étoit abforbé en partie, & éteignoit les lumières fans s'enflammer. L'éthiops fut attirable à l'aimant, comme il a coutume d'être : fa couleur étoit noire lorfque le bocal étoit plein d'eau ; & un peu fafranée, lorsqu'il ne l'étoit pas entièrement. L'eau filtrée avoit un petit goût ftiptique & ferrugineux, mais n'altéra pas fenfiblement ni le fuc de tournefol, ni l'eau de chaux, ni la teinture de noix de galle. Voilà donc ma façon d'obtenir l'air inflammable des métaux, qui ne peut laiffer aucun doute.

Il paroît, par toutes ces expériences, que l'air inflammable eft dans les fubftances métalliques ce qu'eft l'air fixe dans les corps & pierres calcaires :

(1) La partie verte de la ferpentine, & de la plupart des autres pierres, eft attirable à l'aimant. Mifes dans les acides, elles ne font aucune effervefcence, ne donnent aucun gaz cependant elles donnent du bleu avec la liqueur teignante; ce qui prouve que le fer y est dépouillé de fon gaz inflammable, comme dans tous les minéraux dont plufieurs font cependant fenfibles à l'aimant. Il eft peu de pierres & de terres où ce metal ne fe trouve, & les acides l'attaquent, quoique non fenfibles à l'aimant ; tels que dans le mica, le fchorl, la molybdène, l'argille elle-même, lorfqu'elle n'eft prs colorée, &c. Mis dans les acides, ils donnent du bleu avec l'alkali phlogistiqué. C

Tome XIX, Part. I, 1782. JANVIER.

l'un & l'autre leur donnent de la confiftance, & les font cryftallifer. Les fubftances métalliques, fans air inflammable, ne cryftallifent point. On l'a toujours confondu avec le fimple phlogistique: peut-être même le phlogistique de Stalh n'eft-il que l'air inflammable; car c'étoit, felon lui, le principe qui revivifioit la chaux métallique, & formoit le foufre. Or, il ne peut point y avoit de revivification de ces chaux fans air inflammable. Le foufre contient également cet air; & dans l'hépar, il fe dégage en quantité, & s'enflamme. On voit donc qu'il doit être le même principe que Stalh appelloit phlogistique; & effectivement l'air inflammablefe trouve dans les corps où ce grand Chymifte prenoit fon phlogiftique, favoir, le charbon & toutes les fubftances animales & végétales.

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Mais nous n'appellerons phlogistique, que le feu pur, le feu élémentaire combiné dans les corps. Le fer, dépouillé de fon air inflammable contient encore du phlogistique, & eft attirable à l'aimant, la feule lité métallique qu'il ait confervée. Seroit-ce ce principe qui lui donneroit cet excès de poids lorfqu'on le calcine? car ce ne fauroit être l'air fixe comme dans les chaux métalliques : d'où viendroit cet air fixe dans le petit matras? & d'ailleurs ici, il n'eft pas en état de chaux; l'étain ne fe calcine également pas dans le matras. Ne feroit-ce pas plutôt une furabondance du feu- principe, qui fe combine avec le fer, & empêche qu'il ne foit attaqué par l'eau & les acides? J'ai dit précédemment que le feu combiné paroît jouer le rôle des acides. L'alkali furchargé de phlogiftique eft infoluble dans les acides: peut-être eft-ce encore le même principe qui, dans le verre, rend les alkalis & la terre calcaire inattaquables aux acides & à l'eau; celle-ci n'a aucune affinité ni avec le feu, ni avec la terre, & ne s'y unit que par le moyen de l'air.

Ce fera encore l'air inflammable qui rend les métaux folubles dans: les acides, & les fait brûler. C'eft peut-être ce que quelques Anciens entendoient par huile ou foufre des métaux. Peut-être feroit-ce mieux de l'appeller acide, puifque c'eft par fon moyen que les métaux font attaqués par l'eau. M. de la Garaie a fait voir que l'or lui-même, long-temps agité dans l'eau, fe divife au point de paffer par un filtre. Tous ces phénomènes rapprochent plus ou moins l'air inflammable de la nature des acides. Peutêtre fon acidité eft-elle réellement plus forte dans les métaux, qu'elle ne nous paroît elle peut être diminuée par l'eau qui, comme l'on fait, dénature : ce gaz, ou par le feu qui certainement l'attire également. M. l'Abbé Fontana dit avoit rougi le fuc de tournefol & précipité l'eau de chaux, avec l'air inflammable tiré du fer & de l'huile de vitriol; mais, dans ce cas, l'acide vitriolique donne un gaz. J'ai répété l'expérience, en faisant paffer l'air inflammable tiré par le feu directement dans un flacon plein d'eau de chaux, qui a été précipitée auffi-tôt : du fuc de tournefol, contenu dans un autre flacon, n'a pas été altéré fenfiblement, M. Bertholet a prouvé

que l'acide acéteux contient de l'air inflammable, & nous allons voir qu'il entre dans l'acide nitreux.

Ces différentes expériences fur l'air inflammable m'ont conduit à l'analyfe de l'air nitreux. Les métaux donnent de l'air inflammable diffous par tous les acides, excepté le nitreux, avec lequel ils ne donnent qu'un gaz particulier, qu'on a appelé nitreux. Les fubftances animales & végétales qui contiennent beaucoup d'air inflammable, traitées par cet acide, donnent auffi de l'air nitreux : celles au contraire qui ne contiennent point d'air Inflammable, telles que les métaux qui en ont été dépouillés par le feu, les terres & les pierres calcaires, les alkalis fixes aërés diffous dans le même acide, ne donnent point d'air nitreux : mais tous ces airs qu'on retire par les acides, ne font point les mêmes, parce que chaque acide fournit auffi un gaz, comme l'a fait voir M. Priestley. On peut donc conclure l'air inflammable eft néceffaire à la formation de l'air nitreux, & que ne pouvant être détruit par ces diffolutions, il faut qu'il fe trouve dans celui-ci : mais il eft altéré par le gaz que fournit l'acide nitreux, comme tous les autres acides: ce doit être le gaz déphlogistiqué fi abondant dans cet acide, comme l'a prouvé M. Lavoifier. La détonnation d'un mêlange d'air inflammable & d'air déplogiftiqué, femblable à celle de l'acide nitreux, eft une nouvelle raifon qui ne permet pas de douter que ce foient les vrais principes de l'acide nitreux.

que

Je pourrois dire, avec le célèbre Académicien que je viens de citer que fi toutes ces expériences ne font pas neuves, on ne fauroit me difputer les conféquences: elles peuvent concourir aux vues du Gouvernement fur la formation de l'acide nitreux & l'établissement des Nitrières. Il fuffit de produire l'air inflammable, ce que fait la putréfaction des matières animales & végétales, & de favorifer dans ces matières la circulation de l'air commun, pour y porter l'air déphlogistiqué (1).

(1) MM. Stalh & Voulfe difent avoir inverti l'acide marin en acide nitreux, & le nitreux en marin. Quoi qu'il en foit de ces expériences, le travail des Salpêtriers nous apprend qu'il y a toujours de l'acide marin & de l'alkali minéral produit avec l'acide nitreux, puifqu'ils trouvent du fel marin tout formé ; c'eft une chofe qui mérite bien l'attention des Chymiftes. Qu'on ne dife pas que ce fel marin eft contenu dans les urines. On peut avoir des Nitrières fans urine; & en Espagne & dans les Indes, où on retire le falpêtre des terres des champs, on trouve depuis 20 jusqu'à 40 livres de fel marin par quintal de terre, dit M. Bowle,

C 2

Tome XIX, Part. 1, 1782. JANVIER

EXTRAIT

Des Differtations de Phyfique animale & végétale de M. l'Abbé SPALLANZANI (1).

COMME

SUR LA DIGESTION.

OM ME cet Ouvrage, écrit en Italien, n'eft pas encore traduit, & qu'il eft rempli de recherches curieufes & de faits intéreffans, on croit faire plaifir au Public d'en imprimer ici l'extrait. M. Spallanzani eft un des meilleurs Obfervateurs de nos jours; c'eft à lui qu'on doit la belledécouverte de la reproduction de la tête du limaçon, de la queue & des jambes des falamandres aquatiques. Il s'eft fait connoître encore par fes Opufcules de Phyfique animale & végétale, imprimés il y a quelques années, & traduits en François par M. Šenebier, dans lefquels il expofe avec beaucoup d'exactitude l'origine & l'hiftoire des animalcules des infufions.

Le premier volume des Differtations que nous annonçons aujourd'hui traite uniquement de la digeftion. Pour mettre de l'ordre dans fa narration, l'Auteur examine ce qui fe paffe dans l'eftomac des différens animaux, fuivant la divifion qu'en ont faite les Physiologistes d'animaux à ventricule mufculeux, à ventricule moyen, & à ventricule membraneux.

La première Differtation eft confacrée aux phénomènes de la digeftion dans les ventricules mufculeux. Quoique l'eftomac de tous les animaux foit garni de mufcles, on appelle particulièrement mufculeux ceux qui font garnis de mufcles extrêmement forts, comme le ventricule des canards, des oies, des pigeons, des perdrix, de tous les gallinacées, &c.

M. de Réaumur s'étoit déjà beaucoup occupé de la digeftion de ces oifeaux; il avoit imaginé de leur faire avaler des tubes de métal remplis de grains d'orge & de froment, pour voir quelle altération ces femences végétales recevroient dans leur eftomac: mais elles n'en reçurent aucune; elles reftèrent intactes dans leur enveloppe métallique ; & comme les. tubes employés avoient été percés de plufieurs petits trous pour donner accès aux fucs gaftriques, & que, malgré cette précaution, les alimens

(1) Differtazioni di Fifica animale e vegetabile dell'Abbate Spallanzani, Regio Profeffore di Storia Naturale nell'Univerfitate di Pavia, Socio delle Academie di Londra di Pruffia, &c., &c., 2 tom. in-8°. In Modena, 1780.

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