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mit ces cinquante huit pains au four; ils nous dirent que le four n'avoit pas tout-à-fait le degré de chaleur convenable, & qu'on en avoit ôté le feu un peu trop tôt. Ils examinèrent le pain à deux ou trois reprifes pendant qu'il cuifoit, & jugèrent qu'il falloit le laiffer dans le four un peu plus long-temps qu'il n'y fût refté, fi la chaleur y eût été portée d'abord au degré qui convenoit. On fe régla fur leur avis, & peut-être ce féjour plus long du pain dans le four donna-t-il lieu à un peu plus d'évaporation, de déchet fur le pain, qu'il n'en fût réfulté de la chaleur du four portée d'abord à un plus haut degré, & capable alors de produire en moins de temps fur le pain l'effet jufte qu'elle devoit opérer. On pourroit préfumer encore, par une fuite de cette obfervation, que le pain n'ayant pas été saisi dès le commencement par une chaleur affez forte, fa furface est restée dans l'état de molleffe plus long-temps qu'il ne falloit, & que la croûte, formée un peu trop tard, n'a pu devenir jufqu'à un certain point un obftacle à l'évaporation qu'après la perte que le pain a eu faite d'une grande partie de fon humidité.

Si ces réflexions font fondées, les déchets confidérables que nous avons éprouvés dans notre dernière expérience deviennent une inftruction; ils avertiffent que fi l'égalité de poids dans le pain, au fortir d'un four bien conduit, n'a pas encore été obtenue, quelques précautions qu'on ait prifes pour y parvenir, il reste toujours, pour garantir le pain des déchets extraordinaires, une attention à donner au degré de la chaleur du four avant que d'y mettre le pain, un coup-d'œil à jetter fur le four dans ce moment décifif, dont un Boulanger prudent ne doit jamais se dispenser.

La pâte, dont les pains de nos expériences furent compofés, étoit celle qu'on nomme båtarde, & qui n'a ni la légèreté de la pâte propre au pain mollet, ni la confiftance de celle qui eft connue fous le nom de pâteferme. On nous a objecté que nous n'aurions pas eu peut-être la même variation dans nos expériences, fi elles euffent été appliquées aux pains de pâte ferme & réglées tant fur la forme que ceux-ci ont communément, que fur le poids de quatre & de huit livres qu'il eft d'usage de leur donner.

Nous convenons que moins la pâte a été battue avant que d'être mife dans le tour pour y recevoir fon apprêt, moins les pains qui en font tirés perdent au four de leur confiftance, de l'humidité qu'ils contiennent, & du poids par conféquent qu'ils avoient en état de pâte. D'ailleurs, leur croûte qui eft plus folide que celle des pains demi-mollets, ne laiffe qu'une iffue difficile aux vapeurs aqueufes; par-là elle contribue à conferver dans la mie une certaine portion d'humidité, laquelle s'échappe au contraire. d'une mie plus légère, criblée de toutes parts comme une éponge, & revêtue d'une croûte qui répond nécessairement à toute la légèreté de la mie qu'elle enveloppe. Auffi remarque-t-on que le pain de pâte- ferme a plus de fraîcheur, eft plus favoureux le lendemain du jour où il a été

cuit, qu'un pain demi-mollet qu'on mange également vingt-quatre heures après qu'il eft forti du four.

Mais en même temps qu'on peut convenir que les pains de pâte-ferme font un peu moins expofés à éprouver dans le four une diminution fur leur poids que les pains de pâte légère, par la raifon que nous venons d'expofer, on doit reconnoître aufli que l'inégalité du poids eft remarquable dans une fournée de pains de pâte-ferme, comme on l'obferve dans ceux qui ont été formés d'une pâte plus légère; qu'on faifit tous les jours chez les Boulangers plufieurs pains de pâte-ferme, comme inférieurs au poids fixé par la Loi, parmi un grand nombre d'autres de la même efpèce qu'on a trouvés en règle, & quelquefois fupérieurs au poids preferit; qu'enfin le Réglement de Police n'établit aucune différence entre ces deux efpèces de pains, pour l'exactitude du poids fur le pied duquel ils font expofés en vente; & qu'à l'exception des petits pains de fantaisie dont on ne croit pas devoir s'occuper, tous les autres, quelque préparation qu'ait reçu la pâte dont ils ont été formés, tous les pains, fur- tout de quatre, de fix & de huit livres, doivent avoir le poids prefcrit.

Ainfi l'objection qui nous a été faite tombe d'elle-même; & la réclamation des Boulangers fur la difficulté extrême, pour ne pas dire l'impoffis bilité qu'ils éprouvent à tenir le pain en général dans l'égalité de poids qu'exige le Réglement, leur réclamation conftante à cet égard, mais toujours négligée, a trop de force dans ce moment-ci pour qu'elle ne réveille pas enfin l'attention fur une Loi contre laquelle l'expérience réclame elle-même, & réclame tout autrement que les Boulangers.

pen

Quoique la connoiffance du degré de chaleur qu'un four doit avoir dant la cuiffon du pain paroiffe plus propre à fatisfaire la curiofité qu'à conduire à un avantage réel, cependant nous cherchâmes à l'acquérir, mais fans être diftraits fur le fonds de notre expérience, & fur les obfervations> plus effentielles qui nous y intéreffoient.

Nous fîmes conftruire en conféquence un thermomètre à mercure, fuivant les principes de M. de Réaumur, & tel que cette expérience l'exigeoit; il étoit monté, fur une lame de cuivre, qui portoit des divifions: gravées jufqu'au nombre de trois cents dix: deux efpèces d'anfes de fil de fer paffoient en-deffous de la lame de cuivre, y étoient écartées l'une de l'autre d'un demi-pied ou environ, & maintenues dans cette diftance; elles! fe réuniffoient enfuite au-deffus de cette lame à la hauteur de cinq à fix pouces, & y étoient attachées ensemble par un autre fil de fer ces deux: anfes qui, ainfi difpofées, laiffoient entr'elles un paffage libres au manche d'une pelle de four, donnoient la facilité par-là de tranfporter le thermo-. mètre fans aucun rifque, de le placer où l'on jugeoit à propos, & de le retirer du four quand on vouloit.

Lorfque les pains eurent été faifis par la chaleur & eurent acquis un peu

de confiftance, nous mêmes le thermomètre fur les premiers de ces pains, & vers le milieu du four, dont ausffi-tôt on ferma l'entrée : après qu'il y eut resté huit à dix minutes, nous le retirâmes, pour examiner, à la porte du four, le degré de chaleur que le mercure avoit éprouvé; nous vîmes qu'il étoit monté à 180 degrés: mais nous remarquâmes auffi que malgré notre promptitude tant à retirer le thermomètre du four qu'à jetter les yeux fur la graduation, le mercure étoit defcendu fort précipitamment de plufieurs degrés, & qu'on pouvoit eftimer à 1854 ou environ le point où le mercure étoit stationnaire dans le tube avant que nous euffions ouvert la porte du four & retiré le thermomètre: nous le remîmes fur le champ dans le four, dont on ferma l'entrée; le mercure monta bientôt au degré à-peu-près que nous avions d'abord remarqué, & nous parut s'y être maintenu pendant tout le temps que nous le laifsâmes dans le four.

Il fera poffible fans doute de donner à cette expérience, qui, je crois, n'a pas été faite jufqu'ici, plus de précifion que les circonftances ne nous ont permis d'en mettre; mais elle fuffit en général pour faire juger du degré de chaleur néceffaire à la cuiffon du pain, & pour guider ceux qui n'auroient pas la grande habitude des Boulangers.

MÉMOIRE-PRATIQUE

SUR LA CULTURE DE L'ORTIE; Par M. le Baron DE SERVIÈRES.

DEPUIS

EPUIS la publication du Mémoire fur cet objet, que j'ai donné dans ce Recueil (1), plufieurs Agronomes m'ont demandé des éclairciffemens que je m'empreffe de leur fournir. Rien n'eft plus à defirer que de voir cette culture généralement adoptée, par elle on pourra bientôt fertiliser du moins en partie, les fables d'Olonne, les landes de Bordeaux, & quelques cantons arides de la Sologne, de la Champagne & du Berry. Les Cultivateurs qui feront des effais en ce genre, ne manqueront pas fans doute d'en communiquer les résultats.

De toutes les epèces d'ortie, on ne cultive que la grande pour le bétail ; nous la nommons ortie pie-grièche, & les Latins urtica urens.

On peut cultiver la petite ortie à fleurs blanches. Pour mieux jouir d'une ample récolte de fleurs, on en prépare la terre au printemps dans un coin de jardin ; & comme alors elle pouffe en touffes par- tout où elle vient naturellement, on la lève & on là tranfplante dans des rayons diftans d'un

(1) Voyez le Journal de Phyfique, Juin 1781, Tom. XVIII, pag. 465,

pied:

pied: on les place en quinconce, également à un pied. Les orties croiffent en touffes, qui fe chargent continuellement de fleurs: on les cueille tous les jours. Cette plantation périt peu-à-peu dès le folftice d'été. Si l'on jugo propos de laiffer quelques plantes monter en graines, elles fourniront le plant pour l'année fuivante, fans fe donner aucun foin. Ces plantes ainsį rangées reffemblent beaucoup, de loin, aux fraifiers des jardins.

La grande ortie eft vivace; on la multiplie de plants enracinés, tout comme on fait de la lavande, de l'eftragon, de la méliffe, &c., &c. A cet effet, on prépare la terre dès l'automne, & l'on plante fur le champ les racines qu'on a rafraîchies; le labour doit être affez profond pour que les racines foient pofées droites. On les couvre jufqu'au collet, & pardeffus on sème un pouce de terreau ou de feuilles de forêt qui y pourriffent pendant l'hiver. On a foin qu'il y ait à chaque plant environ un pouce de la tige qu'on laiffe à l'air libre.

L'on a foin de fouler la terre le long des rangées de la plantation, afin d'empêcher leur échauffement; & quand il arrive, il eft néceffaire d'y faire un recouvrement au printemps fuivant.

Lorfqu'on plante les orties, on peut commencer à les récolter dès l'année fuivante; il eft vrai que la récolte en eft très-petite. Elle devient plus abondante la feconde année; mais à la troifième, elle eft en plein rapport.

On séme auffi les orties; la graine en eft mûre dès les premiers jours d'Août. La préparation de la terre eft la même ; mais on sème la graine comme toutes les graines fines qu'on mêle avec fix parties de cendres ou de terre fine. Cette femaille fe fait toujours en automne. Il eft inutile de recouvrir la graine: la charrue l'enterrèroit trop, & la herfe ne feroit que la déplacer inutilement. On ne touche point l'année fuivante aux jeunes orties, & l'automne on les couvre de terreau léger, ou de fumier également léger, femé clair. Mais on a le plaifir d'en jouir à la troisième année, & rien n'eft plus facile que de perpétuer cette jouiffance; car il fuffic de laiffer d'efpace à un autre quelques plantes monter en graines. Lorfqu'elles font mûres, le vent les sème de côté & d'autre, & ces jeunes plantes fuffisent pour repeupler le champ. On a foin de changer tous les ans les places des plantes-mères, pour mieux régler la chûte de leurs fe

mences.

Cette culture eft affez semblable à celle de la luzerne, qu'on multiplie également de graines & de plants enracinés.

L'ortie fe plaît dans les bons terreins, & y vient à fix pieds de hauteur; mais on lui deftine ordinairement les plus mauvais, ceux où le farrafin ceffe de croître. C'eft avec elle qu'on tire parti des rochers pourris, des côtes pierreuses en pente, & de tous les terreins en général, dont on ne peut rien faire. Lorsqu'on en garnit les rochers, on y répand ordinairement Tome XIX, Part. I, 1782. FÉVRIER, Q

deux ou trois pouces de terre, & on sème pardeffus. On évite que les pluies ne l'entraînent dans le bas, en les garniffant de brouffailles. Ces plantations étant entretenues par des plantes-mères, & de temps en temps par quelque terre, qui leur ferve d'appui & d'engrais, font éternelles, & ont le bonheur de rendre utiles les lieux les plus ingrats.

Les orties croiffent très-bien dans les foffés, quoiqu'à l'ombre, pourvu qu'ils foient fecs: on en a plus d'un exemple.

L'ortie vieille, & en graine, n'eft bonne que pour la litière; le bétail la rejette par rapport à fon odeur forte, à fes piquans, & fur-tout aux araignées qui font leurs toiles fur fes grappes. On ne fauroit trop éviter d'en fervir en cet état.

:

Pour donc en donner au bétail qui lui foit agréable, il faut la couper toutes les femaines alors elle fera jeune, tendre & de bon goût. On ne la fert jamais feule ni en verd ni en fec, parce qu'elle eft plante amère, & que par conféquent elle échauffe les vaches. En la mêlant au fourrage il fuffit d'un huitième fur la nourriture ordinaire. Les Suédois coupent l'ortie en très-petites longueurs, & ne fervent aucun fourrage fans qu'elle n'y foit mélée.

On fait avec l'ortie quatre récoltes par an, dont la plus forte eft toujours la première. On la fait fécher comme le foin, & on la fert mêlée avec le trèfle, le foin ou le regain & la paille.

En hiver, on fait bouillir de l'eau vers le foir, & on la jette fur un baquet plein d'orties; elles infulent toute la nuit, & le lendemain matin, on fait déjeûner les vaches avec ces plantes, & on leur en fait boire l'eau, que le bétail aime d'autant plus, qu'ordinairement on met dans ce

liquide un peu de fel.

Quand on fert du fon, des recoupes, de l'orge, de l'avoine & d'autres farineux aux vaches, il est toujours bon d'y mêler un peu d'orties hachées.

Un des mérites de l'ortie eft de jaunir le beurre. Il eft prouvé qu'à cette qualité, qui eft précieufe en hiver, cette plante joint celle de rendre beaucoup de crême, & d'entretenir en bon état le bétail, parce qu'elle eft à la fois antifeptique & altérante; c'est pourquoi on ne la fert jamais seule au bétail. Elle eft la première des plantes qui croiffent au printemps. Dans les endroits abrités & expofés au midi, l'ortie a déjà plufieurs pouces de hauteur, tandis que les autres plantes n'ont pas encore végeté. Elles dorent le beurre du carême, & l'on préfume qu'elles font une des caufes de la bonté du beurre de la Prévalaie.

L'arpent royal d'orties bien cultivées, & dans un bon terrein, donne, en quatre récoltes, dix-huit chariots de fourrage fec; ce qui peut régler le Propriétaire, en admettant la confommation au huitième..

L'ortie ne craint aucune gelée ni aucune intempérie; la récolte d'une ortière bien foignée ne manque jamais à caufe du froid ou de la chaleur, de la féchereffe ou de l'huniidité.

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