prévus, où l'on ne pourrait pas avoir fait des actes par écrit ; 40 Au cas où le créancier a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d'un cas fortuit, imprévu et résultant d'une force majeure. SECTION III. Des présomptions. Art. 248. Les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu. 8 Ier. Des présomptions établies par la loi. Art. 249. La présomption légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes ou à certains faits; tels sont : 1o Les actes que la loi déclare nuls, comme présumés faits en fraude de ses dispositions, d'après leur seule qualité; 20 Les cas dans lesquels la loi déclare la propriété ou la libération résulter de certaines circonstances déterminées; 30 L'autorité que la loi attribue à la chose jugée; 4o La force que la loi attache à l'aveu de la partie ou à son serment. Art. 250. L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mèmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. Art. 251. La présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe. Nulle preuve n'est admise contre la présomption de la loi lorsque, sur le fondement de cette présomption, elle annule certains actes ou dénie l'action en justice, à moins qu'elle n'ait réservé la preuve contraire, et sauf ce qui sera dit sur le serment et l'aveu judiciaires. § II. Des présomptions qui ne sont point établies par la loi. Art. 252. Les présomptions qui ne sont point établies par la loi sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol. SECTION IV. De l'aveu de la partie. Art. 253. L'aveu qui est opposé à une partie est ou extrajudiciaire ou judiciaire. Art. 254. L'allégation d'un aveu extrajudiciaire purement verbal est inutile toutes les fois qu'il s'agit d'une demande dont la preuve testimoniale ne serait point admissible. Art. 235. L'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial. Il fait pleine foi contre celui qui l'a fait. Il ne peut être divisé contre lui. Il ne peut être révoqué, à moins qu'on ne prouve qu'il a été la suite d'une erreur de fait. Il ne pourrait le révoquer sous prétexte d'une erreur de droit. SECTION V. Du serment. Art. 256. Le serment judiciaire est de deux espèces : 1o Celui qu'une partie défère à l'autre pour en faire dépendre le jugement de la cause: il est appelé décisoire; 2o Celui qui est déféré d'office par le juge à l'une ou à l'autre des parties. SIer. Du serment decisoire. Art. 257. Le serment décisoire peut être déféré sur quelque espèce de contestation que ce soit. Art. 258. Il ne peut être déféré que sur un fait personnel à la partie à laquelle on le défere. Art. 259. Il peut être déféré en tout état de cause, et encore qu'il n'existe aucun commencement de preuve de la demande ou de l'exception sur laquelle il est provoqué. Art. 260. Celui auquel le serment est déféré, qui le refuse ou ne consent pas de le référer à son adversaire, ou l'adversaire à qui il a été référé et qui le refuse, doit succomber dans sa demande ou dans son exception. Art. 261. Le serment ne peut être référé quand le fait qui en est l'objet n'est point celui des deux parties, mais est purement personnel à celui auquel le serment avait été déféré. Art. 262. Lorsque le serment déféré ou référé a été fait, l'adversaire n'est point recevable à en prouver la fausseté. Art. 263. La partie qui a déféré ou référé le serment ne peut plus se rétracter lorsque l'adversaire a déclaré qu'il est prêt à faire ce serment. Art. 264. Le serment fait ne forme preuve qu'au profit de celui qui l'a déféré ou contre lui, et au profit de ses héritiers et ayants cause ou contre eux. Néanmoins le serment déféré par l'un des créanciers solidaires au débiteur ne libère celui-ci que pour la part de ce créancier. Le serment déféré au débiteur principal libère également les cautions; Celui déféré à l'un des débiteurs solidaires profite aux codébiteurs ; Et celui déféré à la caution profite au débiteur principal. Dans ces deux derniers cas, le serment du codébiteur solidaire ou de sa caution ne profite aux autres codébiteurs ou au débiteur principal que lorsqu'il a été déféré sur la dette, et non sur le fait de la solidarité ou du cautionnement. 8 II. Du serment déféré d'office. Art. 265. Le juge peut déférer à l'une des parties le serment, ou pour en faire dépendre la décision de la cause, ou seulement pour déterminer le montant de la condamnation. Art. 266. Le juge ne peut déférer d'office le serment, soit sur la demande, soit sur l'exception qui y est opposée, que sous les deux conditions suivantes : Il faut, 1o que la demande ou l'exception ne soit pas pleinement justifiée; 20 Qu'elle ne soit pas totalement dénuée de preuves. Hors ces deux cas, il doit ou adjuger ou rejeter purement et simplement la demande. Art. 267. Le serment déféré d'office par le juge à l'une des parties ne peut être par elle référé à l'autre. Art. 268. Le serment sur la valeur de la chose demandée ne peut être déféré par le juge au demandeur que lorsqu'il est d'ailleurs impossible de constater autrement cette valeur. Le juge doit même, en ce cas, déterminer la somme jusqu'à concurrence de laquelle le demandeur en sera cru sur son serment. Le citoyen Bigot-Préameneu expose les motifs du projet de loi en ces termes : Citoyens législateurs, le titre du Code civil ayant pour objet les contrats, ou les obligations conventionnelles en général, offre le tableau des rapports les plus multipliés des hommes en société. Les obligations conventionnelles se répètent chaque jour, à chaque instant. Mais tel est l'ordre admirable de la Providence, qu'il n'est besoin, pour régler tous ces rapports, que de se conformer aux principes qui sont dans la raison et dans le cœur de tous les hommes. C'est là, c'est dans l'équité, c'est dans la conscience, que les Romains ont trouvé ce corps de doctrine qui rendra immortelle leur législation. Après avoir prévu le plus grand nombre de conventions auxquelles l'état des hommes en société donne naissance, avoir balancé tous les motifs de décision entre les intérêts les plus opposés et les plus compliqués, avoir dissipé la plupart des nuages dont souvent l'équité se trouve enveloppée, avoir assemblé tout ce que la morale et la philosophie ont de plus sublime et de plus sacré; tels sont les travaux réunis dans cet immense et précieux dépôt qui ne cessera de mériter le respect des hommes, dépôt qui contribuera à la civilisation du globe entier, dépôt dans lequel toutes les nations policées se félicitent de reconnaitre la Raison écrite. Il serait difficile d'espérer que l'on pût encore faire des progrès dans cette partie de la science législative. Si elle est susceptible de quelque perfectionnement, c'est en lui appliquant une méthode qui la rende plus facile à ceux qui se livrent à cette étude, et avec laquelle l'usage puisse en devenir familier à ceux qui, pour diriger leur conduite, voudraient en connaître les principales règles. Les jurisconsultes qui, sous Justinien, recueillirent le Digeste et rédigèrent les Institutes, reconnurent combien il serait utile de rassembler les principes qui avaient dicté le nombre infini de décisions dont le Digeste se compose. Ils réunirent à la fin de cette grande collection et sous les deux titres de verborum significatione et de regulis juris un assez grand nombre de propositions qui, par leur précision et par leur fréquente application, sont de la plus grande utilité; mais elles ne sont point classées par ordre dé matières; elles ne présentent point sur chaque partie du droit des notions suffisantes; il en est même plusieurs qu'il est difficile de concilier ou d'expliquer. Les Institutes sont comme les précédents ouvrages, dignes des plus grands éloges; mais on regrette, et surtout dans la matière dés obligations et des contrats, de ne pas trouver les éléments assez complets. L'objet d'utilité qu'on se proposait n'a pas été entièrement rempli. Le Digeste a d'ailleurs un inconvénient, en ce que des réponses données par des jurisconsultes ou par les empereurs, sur des faits particuliers, ont été mises au nombre des règles générales; tandis que les solutions ont pu souvent dépendre de circonstances particulières, tandis qu'il était connu que, pendant un long temps, les jurisconsultes ont été divisés dans le système de leur doctrine, dont les résultats ne pouvaient se concilier. Les auteurs du projet actuel du Code ont cru que ce serait rendre service à la société, si on retirait du dépôt des lois romaines une suite de règles qui, réunies, formassent un corps de doctrine élémentaire ayant à la fois la précision et l'autorité de la loi. C'est un ouvrage que, dans le siècle dernier, les jurisconsultes les plus célèbres des diverses parties de l'Europe ont désiré, qu'ils ont préparé par de grands travaux. Déjà ce vœu a été réalisé par plusieurs gouvernements. La France met sous ce rapport au nombre des ouvrages les plus parfaits ceux de Domat et de Pothier. Mais il était encore nécessaire de choisir dans ces vastes compilations les principes les plus féconds en conséquences. Il fallait aussi faire cesser les doutes qui, sur plusieurs points importants, n'avaient point encore été levés, et ceux qui, ayant donné occasion à diverses jurisprudences, faisaient regretter qu'il n'y eut pas d'uniformité dans la partie de la législation qui en est le plus susceptible. Mais ici on doit déclarer qu'en cherchant à remplir cet objet, on n'a point entendu arrêter ou détourner la source abondante de richesses que l'on doit toujours aller puiser dans le droit romain. Il n'aura pas l'autorité de la loi civile en France, il aura l'empire que donne la raison sur tous les peuples. La raison est leur loi commune. C'est un flambeau dont on suit spontanément la lumière. Elles seraient bien mal entendues les dispositions du Code civil relatives aux contrats, si on les envisageait autrement que comme des règles élémentaires d'équité, dont toutes les ramifications se trouvent dans les lois romaines. C'est là que sont les développements de la science du juste et de l'injuste; c'est là que doivent s'instruire ceux qui voudront y faire quelques progrès, et en général tous ceux qui seront chargés de la défense ou de l'exécution des lois consignées dans le Code français. Le plan général de la division de ses titres, relativement aux contrats, est celui qui, déjà tracé depuis longtemps, est à la fois le plus simple et le plus méthodique. Les contrats, soit qu'ils aient une dénomination propre, soit qu'ils n'en aient pas, sont soumis à des règles générales elles sont l'objet du titre dont je vais, citoyens législateurs, vous exposer les motifs. On a compris sous les titres relatifs à certains contrats les règles qui leur sont particulières, et on a réservé pour les lois commerciales celles qui concernent spécialement ce genre de transaction. On a cherché à resserrer dans un code étroit, eten évitant l'obscurité ou la confusion, les règles qui sont communes aux contrats et aux obligations conventionnelles en général. Ce sont les bases de l'édifice entier. Il fallait que, malgré son immensité, l'ensemble fût facile à saisir. Diviser les obligations dans leurs différentes classes, déclarer quelles sont les conditions essentielles pour leur validité, quels doivent en être les effets, quelles sont leurs principales modifications, de combien de manières elles s'éteignent, comment on peut prouver qu'elles ont été formées ou acquittées; tel est l'ordre dans lequel viennent naturellement se placer les principes qui, dans leur application aux divers contrats, sont le moins susceptibles d'exception. Division des obligations. La division des obligations, telle qu'on la présente, diffère en plusieurs points de celle qui s'était introduite dans le droit romain. Cette différence exige quelques explications. Les conventions, qui peuvent être multipliées et variées à l'infini, ne sauraient par ce motif être toutes prévues et réglées par la loi; cependant la loi seule avait chez les Romains une autorité coërcitive. Aussi définissent-ils l'obligation, JURIS vinculum quo necessitate astringimur alicujus rei solvendæ SECUNDUM NOSTRÆ CIVITATIS JURA. Les auteurs de la loi des Douze Tables craignirent de multiplier les procès et de troubler la tranquillité publique, si l'exécution de toutes les conventions était rigoureusement exigée. Ils eurent encore assez de confiance dans la bonne foi des citoyens, pour que chacun restât son juge: ils exceptèrent seulement les contrats qui, plus fréquents, plus importants, plus nécessaires à l'ordre social, ne devaient pas être impunément violés. Ils furent spécifiés dans la loi, et on les distingua sous les titres de contrats nommés. Est contractuum nominatorum origo quibus legum romanarum conditores vim astringendi dederunt sub certo nomine, quo veluti signo secernerentur ab aliis quibus eadem vis tributa non est. Bientôt l'inévitable et le plus fâcheux inconvénient de la civilisation se fit ressentir; les rapports des citoyens entre eux se multipliérent. En vain Numa Pompilius avait-il consacré à la Fidélité, sur le Capitole, un temple auprès de celui de Jupiter ce culte religieux ne put subjuguer la mauvaise foi, et le silence des lois Tui laissa prendre un libre et funeste essor. D'abord la voix des jurisconsultes, soutenue par l'opinion publique, s'éleva pour que l'exécu tion des conventions pût être exigée lorsqu'elles auraient été accomplies par l'une des parties: Ne alias contingeret, contra naturalem æquitatem, unum cum alterius jactura et detrimento locupletiorem fieri. Ce fut alors que l'on voulut comprendre, sous des expressions générales, et régler par des principes communs les obligations qui, n'étant point désignées spécialement dans les lois, étaient en général appelées contrats innommés. On trouva que tous les genres de contrats se réduisaient à ces formules: Do ut des, do ut facias, facio ut des, facio ut facias. Cependant l'intervention de la loi pour contraindre l'une des parties à remplir son engagement n'ayant lieu que quand l'autre partie l'avait exécuté, cela ne suffisait point encore pour faire triompher la bonne foi. Il n'y avait qu'un seul moyen de la maintenir, celui de rendre obligatoires les contrats du montant qu'ils auraient été formés, et avant même qu'ils fussent exécutés par l'une ou l'autre des parties. Les principes de la législation romaine n'atteignirent à la perfection que quand il fut établi que les contrats auraient entre les parties la force de la loi. Mais, dans les passages de cette législation d'un état à l'autre, il n'y a point eu d'abolition assez générale ou assez précise des anciens usages, et c'est la principale cause des difficultés que présente l'étude des lois romaines. Dans les premiers temps, des formules avaient été prescrites pour distinguer les contrats: sans ces formules l'acte était nul et l'action judiciaire n'était point admise. Elles furent pour les gens de loi une science aussi utile qu'elle était obscure. Appius-Claudius, consul en 446, crut prévenir ces abus en faisant publier les formules sous le titre de Code Flavien, du nom de Flavius, son secrétaire, par qui elles furent rédigées. Il paraît que cette mesure ne servit qu'à perpétuer leur usage. Il ne fut aboli que sous le règne de Constantin. Ce sont autant de subtilités fatigantes, et dont le droit romain fourmille. L'autorité des premiers magistrats et l'organisation des tribunaux furent aussi des obstacles à ce que la marche de la justice, relativement aux contrats, devint uniforme. Le juge qui interprétait les conventions suppléait à la loi, et cette prérogative ne pouvait, dans la constitution romaine, appartenir qu'au premier magistrat. Ce fit une des causes qui fit, en l'an 387, créer un préteur, pour le charger du département de la justice, exercée jusqu'alors par les consuls. Il était obligé de se conformer aux lois; mais dans tout ce qu'elles n'avaient pas réglé, il avait un pouvoir absolu. Il exerçait sa juridiction, soit en rendant seul ou avec des assesseurs ses jugements sous le nom de décrets, soit en renvoyant les parties devant des juges qui, dans certains cas, étaient tenus de se conformer aux formules qu'il prescrivait, et alors les actions étaient appelées stricti juris, et qui, dans d'autres, pouvaient juger suivant l'équité c'étaient les actions dites bona fidei. Chaque préteur faisait, à son entrée en charge, afficher l'édit par lequel il déclarait la manière dont il rendrait la justice. Sous le règne et par les ordres d'Adrien, le jurisconsulte Julien fit de tous ces édits l'extrait dont fut composé celui qui, sous le nom d'édi perpétuel, servit de règle. Cette autorité des préteurs. égale à l'autorité de la loi dans tout ce qui n'y était pas réglé, le renouvellement annuel de ces magistrats, la différence dans leurs lumières et dans leurs principes, avaient été autant de causes qui s'étaient opposées à ce que les décisions fussent uniformes. Ainsi les lois romaines relatives aux contrats nous sont parvenues embarrassées de formules et de distinctions sans nombre. Les simples pactes, les stipulations, les contrats y forment autant de classes séparées. Les obligations sont ou civiles ou prétoriennes les obligations prétoriennes se subdivisent encore. Les causes qui ont introduit à Rome et qui y ont maintenu ces formules et ces distinctions n'existant point en France, les contrats n'ont été considérés dans ce dernier pays que sous les rapports qui naissent de leur nature, et dès lors on à pu les diviser en un petit nombre de classes. Les parties s'obligent mutuellement, et alors le contrat est synallagmatique ou bilatéral. Si, entre les contractants, il n'y a d'engagement que d'un côté, il est unilatéral. Si l'engagement de l'un est regardé comme l'équivalent de l'engagement de l'autre, le contrat est commutatif. Il est aléatoire si l'équivalent consiste dans la chance de gain ou de perte. Le contrat est de bienfaisance si l'une des parties procure à l'autre un avantage gratuit. Il est à titre onéreux si chacune des parties est assujettie à donner ou à faire quelque chose. Cette division, facile à saisir, et qui renferme tous les genres de contrats, était nécessaire à placer à la tête de ce titre, pour faire connaitre que le Code rejette ou regarde comme inutiles toutes les autres distinctions et divisions établies par les lois romaines; c'est à la fois un point de doctrine et de législation. Conditions pour la validité des obligations. Après avoir ainsi distingué les divers genres de contrats, les premières règles à établir sont celles qui fixent les conditions essentielles pour leur validité. Ces règles, comme toutes celles qui concernent les conventions, ont été prises dans la nature même des choses, c'est-à-dire dans l'inspiration de l'équité, si on peut s'exprimer ainsi. L'équité ne peut reconnaître comme obligatoire une convention, si la partie qui s'engage n'y a pas consenti, si elle est incapable de contracter, s'il n'y a pas un objet certain qui forme la matière de l'engagement, si cet engagement n'a pas une cause, et si cette cause n'est pas licite. Du consentement. Le consentement n'est pas valable s'il n'a été donné que par erreur; il ne doit pas l'être davantage s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. Pour que l'erreur soit une cause de nullité de la convention, il faut qu'elle tombe non sur une qualité accidentelle, mais sur la substance même de la chose qui en est l'objet. Il faut, s'il y a erreur sur la personne, que la considération de cette personne ait été la cause principale de la convention: en un mot, il faut que le juge puisse être convaincu que la partie ne se serait point obligée si elle n'avait pas été dans cette erreur. C'est en suivant cette règle que l'on doit décider avec Barbeyrac et Pothier, que l'erreur dans les motifs d'une convention n'est une cause de nullité que dans le cas où la vérité de ces motifs peut être regardée comme une condition dont il soit clair que les parties ont voulu faire dépendre leur engagement. Celui qui consent doit être libre; il n'y a point de liberté pour celui qui est forcé d'agir, soit par violence de la personne même avec laquelle il contracte, soit par la violence d'une tiercè per sonne. La violence qui prive de la liberté de contracter est caractérisée par la loi romaine, metus, non vani hominis, sed qui in homine constantissimo cadat, metus majoris malitatis metus præsens, metus in se aut in liberis suis. (Leg. V, VI, VIII, IX, ff. quod metus causa). Ces expressions in homine constantissimo ont été rendues dans leur véritable sens, en déclarant qu'il y violence lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et en donnant aux juges pour instruction qu'ils doivent avoir égard à l'age, au sexe et à la condition des personnes. Il faut, comme dans la loi romaine, que ce soit une violence qui puisse inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent. La loi romaine n'avait égard qu'à la crainte du père pour ses enfants; la crainte des enfants pour leurs ascendants et des époux l'un pour l'autre est aussi un sentiment trop vif pour qu'on puisse le présumer compatible avec une liberté suffisante. Mais ce serait en quelque sorte interdire les contrats entre les ascendants et les descendants, si la seule crainte révérentielle des descendants envers les ascendants était une cause suffisante de nullité. Le dol se compose de toutes les espèces d'artifices qui sont employés pour tromper Labeo definit dolum omnem calliditatem, fallaciam, machinationem, ad circumveniendum, fallendum, decipiendum alterum, adhibitam. (L. I, § II, ff. de Dolo). Celui qui a ainsi extorqué le consentement ne doit pas en profiter; mais il faut que les manoeuvres pratiquées par l'une des parties soient telles, qu'il y ait évidence que sans ces manœuvres l'autre partie n'eût pas contracté. Quoique dans le consentement il y ait eu erreur, violence ou dol, il n'en est pas moins vrai que le contrat existe avec un consentement apparent, et que, dès lors, ce contrat conserve la même force que s'il était légitime, jusqu'à ce que ces exceptions aient été prouvées par celui qui les oppose. Ainsi le contrat n'est pas nul de plein droit; il faut que l'acte soit rescindé, c'est-à-dire déclaré nul par le juge. Il résulte de la nécessité du consentement de la personne qui s'oblige que nul ne peut, sans un pouvoir exprès, en obliger un autre, et que celui auquel on aurait promis le fait d'un tiers n'aurait qu'une action en indemnité contre la personne ayant donné cette promesse, si le tiers refusait d'y accéder. Mais celui qui consent à s'engager peut contracter l'obligation non-seulement envers l'autre partie, mais encore envers une tierce personne. Il suffit que ce soit la condition d'une stipulation que l'un des contractants fait pour lui-même; telle est l'obligation contractée au profit d'un tiers par une donation alors l'équité ne permet point que la personne ainsi obligée ne remplisse pas la condition de son contrat. : Si la tierce personne a déclaré qu'elle entend profiter de la stipulation, l'engagement devient réciproque, et dès lors il ne peut plus étre révoqué. De la capacité des parties contractantes. Ce serait en vain qu'une personne aurait donné son consentement à un contrat, si elle n'avait pas la capacité de s'obliger. La règle générale à cet égard est que toute personne à qui la loi ne l'interdit pas est capable de contracter. Les causes d'incapacité sont ou dans la présomption que ceux qui contractent n'ont pas un discernement suffisant, ou dans des considérations d'ordre public. Ainsi les mineurs sont regardés, à cause de la faiblesse de leur raison et à cause de leur inexpérience, comme incapables de connaître l'étendue de leurs engagements on peut contracter avec eux; mais, s'ils sont lésés, on est censé avoir abusé de leur âge. Leur capacité cesse pour tout acte qui leur est préjudiciable. L'incapacité du mineur n'étant relative qu'à son intérêt, on n'a pas cru nécessaire d'employer la distinction entre les mineurs impubères et ceux qui ont passé l'âge de la puberté. C'est à raison du mariage que l'âge de la puberté été fixé. Suivant la loi romaine, l'homme était regardé comme impubère jusqu'à l'âge de 14 ans accomplis, et les filles jusqu'à 12 ans. On distinguait même cette puberté, qui suffisait pour rendre le mariage licite, de la pleine puberté qui le rendait plus conforme à l'honnêteté publique, et qui était pour les hommes de 18 ans accomplis et pour les femmes de 14. Le mariage n'est pas permis en France aux hommes avant 18 ans révolus, aux femmes avant 15. Malgré l'incertitude du cours de la nature, il fallait pour le mariage une règle fixe; mais est-il nécessaire, est-il même convenable que cette incapacité résultant de l'âge soit appliquée d'une manière absolue aux obligations? La loi elle-même reconnaît qu'un mineur, peut, avant l'âge de 18 ans révolus, avoir un discernement suffisant pour contracter tous les engagements que comportent l'administration de sa fortune et la libre disposition de ses revenus, puisqu'elle autorise l'émancipation du mineur qui a perdu ses père et mère lorsqu'il est parvenu à cet åge, et puisqu'il peut même être émancipé par son père, ou, au défaut du père, par sa mère, quoiqu'il n'ait encore que 15 ans révolus. La loi présume, aussi dans le mineur âgé de 16 ans, assez d'intelligence pour disposer par testament de la moitié des biens dont peuvent disposer les majeurs. Il faudrait donc, si l'on voulait prononcer à raison de l'âge une incapacité absolue de contracter, il faudrait fixer une époque de la vie ; et comment discerner celle où l'on devrait présumer un défaut total d'intelligence? Ne faudrait-il point distinguer les classes de la société où il y a moins d'instruction? Le résultat d'une opération aussi compliquée et aussi arbitraire ne serait-il pas de compromettre l'intérêt des impubères, au lieu de le protéger? Dans leur qualité de mineurs, la moindre lésion suffit pour qu'ils se fassent restituer ils n'ont pas besoin de recevoir de la loi d'autre secours, et, dans aucun cas, des gens capables de contracter ne doivent être admis à faire prononcer la nullité d'un acte qui serait avantageux à des mineurs, même impubères. Supposera-t-on qu'une personne ayant la capacité de s'obliger contracte avec un enfant qui n'ait point encore l'usage de la raison, lorsqu'elle ne pourra en tirer aucun avantage? On n'a point à prévoir dans la loi ce qui est contre l'ordre naturel et presque sans exemple. La loi n'admettant l'interdiction que pour cause de démence, il est évident que les interdits sont incapables de s'obliger. Au nombre des droits et des devoirs respectifs des époux se trouve l'inhibition à la femme, à celle même qui est non commune ou séparée de biens, de donner, d'aliéner, d'hypothéquer ou d'acquérir, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, sans le concours du mari dans l'acte, ou sans son consentement par écrit, et, en cas de refus du mari, sans l'autorisation de la justice. Cette incapacité civile ne s'étend point au delà de ce qui est exprimé par la loi. Enfin, on a compris dans une expression générale l'incapacité de tous ceux auxquels la loi interdit certains contrats; tels sont ceux qui peuvent être défendus aux administrateurs des communes, des hospices, etc. C'est l'objet de lois particulières, susceptibles de variations, et qui, par ce motif, ne doivent point faire partie du Code civil. Au surplus, l'incapacité du mineur, de l'interdit et de la femme mariée, n'a été prononcée que pour protéger et conserver leurs droits : elle ne peut pas leur être opposée par les personnes qui se sont obligées envers eux. De l'objet et de la matière des contrats. Il ne peut y avoir d'obligation sans qu'une chose ou un fait en soit l'objet ou la matière. Si c'est une chose, elle doit être dans le com merce. Il faut aussi qu'il soit possible de la distinguer, et pour cela il suffit qu'elle soit au moins déterminée quant à son espèce, et que sa quotité puisse, d'après l'obligation, être fixée. Un meuble, en gé néral, ne pourrait être l'objet d'une obligation lorsqu'on ne pourrait savoir quelle en est l'espèce; il en serait de même si l'obligation avait pour objet du blé ou du vin, sans que l'intention des parties sur la quantité pût être connue. Mais, si on vend un cheval, l'objet est déterminé quant à l'espèce et quant à la quantité: il est vrai que ce n'est encore qu'un être intellectuel; le créancier ne peut demander que d'une manière indéterminée la chose vendue, et le débiteur a le choix parmi toutes celles du même genre, pourvu qu'elles soient loyales et marchandes. Les choses qui n'existent point encore peuvent être l'objet de l'obligation, qui alors dépend de la condition de leur future existence. Il faut seulement excepter les conventions incompatibles avec l'honnêteté publique; telle serait la renonciation à une succession non ouverte, ou toute autre stipulation sur une pareille succession. Le consentement de celui sur la fortune duquel on stipulerait ne couvrirait pas un pareil vice. Il faut encore excepter les ventes sur lesquelles il y a des règlements de police rurale. Quant aux frais qui peuvent être l'objet d'une obligation, il faut qu'ils soient possibles, qu'ils puissent être déterminés, et que les personnes envers qui l'obligation est contractée aient à ce que les faits s'accomplissent un intérêt appréciable. De la cause. Il n'y a point d'obligation sans cause: elle est dans l'intérêt réciproque des parties ou dans la bienfaisance de l'une d'elles. On ne peut pas présumer qu'une obligation soit sans cause parce qu'elle n'y est pas exprimée. Ainsi, lorsque, par un billet, une personne déclare qu'elle doit, elle reconnaît par cela même qu'il y à une cause légitime de la dette, quoique cette cause ne soit pas énoncée. Mais la cause que l'acte exprime ou fait présumer peut ne pas exister ou être fausse; et si ce fait est constaté par des preuves que la loi autorise, l'équité ne permet pas que l'engagement subsiste. Toute obligation doit être proscrite, si elle a été contractée malgré la défense de la loi, ou si elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public. De l'effet des obligations. Après avoir rassemblé les éléments nécessaires pour former une obligation valable, le consentement des parties, leur capacité, une chose ou un fait qui soit l'objet de la matière de l'engagement, une cause légitime, on a eu à régler quels sont les effets des obligations. C'est ici que se présente d'abord le principe qui sert de base à cette partie du Code civil, et qui s'y trouve exprimé en ces termes clairs et simples: «Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. « Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement, ou pour les causes autorisées par la loi. « Elles doivent être contractées et exécutées de bonne foi. «Elles obligent non-seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi, donnent à l'obligation d'après sa nature. » Il n'est aucune espèce d'obligation, soit de donner, soit de faire ou de ne pas faire, qui ne repose sur ces règles fondamentales: c'est à ces règles qu'on a recours pour les interpréter, pour les exécuter, pour en déterminer tous les effets. De l'obligation de donner. L'obligation de donner emporte celle de livrer la chose et de la conserver jusqu'à la livraison. Les soins que le débiteur doit apporter à la conservation de la chose sont plus ou moins rigoureusement exigés, suivant la nature des con trats. Les Romains avaient cru pouvoir distinguer les différents degrés de fautes qui se commettent dans l'exécution des conventions. La faute la plus grave était nommée lata culpa et dolo proxima. Ils distinguaient les autres fautes sous ces noms culpa levis, culpa levissima. Dans les contrats qui ne concernaient que l'utilité des créanciers, tel que le dépôt, le dépositaire était seulement tenu lata culpa. Si le contrat, tel que la vente, avait été formé pour l'utilité des deux parties, le vendeur était tenu levi culpa; si, comme dans le prêt, l'avantage du débiteur avait été seul considéré, il était tenu culpa levissima. Cette division des fautes est plus ingénieuse qu'utile dans la pratique : il n'en faut pas moins sur chaque faute vérifier si l'obligation du débiteur est plus ou moins stricte; quel est l'intérêt des parties; comment elles ont entendu s'obliger; quelles sont les circonstances. Lorsque la con science du juge a été ainsi éclairée, il n'a pas besoin de règles générales pour prononcer suivant l'équité. La théorie dans laquelle on divise les fautes en plusieurs classes, sans pouvoir les déterminer, ne peut que répandre une fausse lueur, et devenir la matière de contestations plus nombreuses. L'équité elle-même répugne à des idées subtiles. On ne la reconnaît qu'à cette simplicité qui frappe à la fois l'esprit et le cœur. C'est ainsi qu'on a décidé que celui qui est obligé de veiller à la conservation d'une chose doit apporter tous les soins d'un bon père de famille, soit que la convention n'ait pour objet que l'utilité d'une des parties, soit qu'elle ait pour objet leur utilité commune; mais que cette obligation est plus ou moins étendue à l'égard de certains |