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dans ses mains la fortune ou la ruine du manufacturier, comment concevoir qu'il puisse porter l'imprudence jusqu'à se livrer à des entreprises de cette nature? Comment a-t-on pu espérer que l'industrie manufacturière s'établit sur des bâses aussi fragiles? Cet état d'incertitude, cette lutte continuelle entre le fabricant et ses voisins, cette indécision éternelle sur le sort d'un établissement, paralyse, restreint les efforts du manufacturier, et éteint peu à peu son courage et ses facultés ».

<< Il est donc de première nécessité, pour la prospérité des arts, qu'on pose enfin des limites qui ne laissent plus rien à l'arbitraire du magistrat, qui tracent au manufacturier le cercle dans lequel il peut exercer son industrie librement et sûrement, et qui garantissent au propriétaire voisin qu'il n'y a danger, ni pour sa santé, ni pour les produits de son sol »>.

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<< Dans le rapport que nous soumettons à la classe, nous n'avons cru devoir nous occuper que des principales fabriques contre lesquelles de violentes réclamations se sont élevées en divers tems et en divers lieux. Il est aisé de voir, d'après ce qui précède, qu'il en est peu dont le voisinage soit nuisible à la santé ».

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D'après cela, nous ne saurions trop inviter les Magistrats chargés de la santé et sûreté publiques, à écarter les plaintes mal fondées, qui trop souvent se dirigent contre les établissemens,

menacent chaque jour la fortune de l'honnête manufacturier, retardent les progrès de l'indus‣ trie et compromettent le sort de l'art luimême ».

«Le Magistrat doit être en garde contre les démarches d'un voisin inquiet ou jaloux, il doit distinguer avec soin ce qui n'est qu'incommode. ou désagréable, d'avec ce qui est nuisible ou dangereux ».

« Nous devons ajouter, que quoique les fabriques dont nous avons déjà parlé, et que nous. avons considérées comme n'étant pas nuisibles à la santé par leur voisinage, ne doivent pas être déplacées, néanmoins, l'Administration doit être invitée à exercer sur elles la surveillance la plus active, et à consulter les personnes les plus instruites pour prescrire aux Entrepreneurs les. mesures les plus propres à empêcher que les odeurs et la fumée ne se répandent dans le voisinage; on peut atteindre ce but, en améliorant les procédés de fabrication, en élevant les murs d'enceinte, pour que la vapeur ne soit pas déversée sur les habitations voisines; en perfectionnant la conduite du feu qui peut être telle, que la fumée elle-même, soit brûlée dans les foyers ou déposée dans les longs tuyaux des cheminées; en entretenant la plus grande propreté dans les ateliers, de manière qu'aucune matière ne s'y corrompe, et que tous les résidus susceptibles de fermentation aillent se perdre dans des

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puits profonds, et ne puissent en aucune manière incommoder les voisins ».

« Nous observerons encore, que lorsqu'il s'agit de former de nouveaux établissemens de bleu de Prusse, de sel ammoniac, de tanneries, d'amidonneries, et généralement de toute fabrication qui nécessairement produit des vapeurs trèsincommodes pour les voisins, ou des dangers toujours renaissans par la crainte du feu ou des explosions, il serait à la fois sage, juste et prudent de prononcer en principe, que ces établissemens ne pourraient être formés dans l'enceinte des villes et près des habitations, qu'avec une autorisation spéciale et que dans le cas où les entrepreneurs ne rempliraient pas cette condition indispensable, la translation de leur établissement pourrait être ordonnée sans indemnité ».

Ce rapport fait avec soin ne parut cependant pas satisfaire à tous les besoins, et l'Institut fut invité à charger une commission d'en rédiger un nouveau. Nous croyons utile de donner quelques extraits de ce dernier travail qui peut être considéré comme l'exposé des motifs du décret du 15 octobre 1810:

<< La Commission a arrêté que les fabriques seraient divisées en trois classes, dont la première comprendrait les établissemens ou fabriques qui décidément doivent être éloignés des endroits habités; la seconde, ceux de ces établissemens qui, pouvant rester auprès des habitations, avaient cependant besoin d'être surveillés;

enfin la troisième, ceux qui pouvaient être placés partout et dont le voisinage n'offrait aucun inconvénient, soit sous le rapport de la sûreté, soit sous celui de la salubrité ».

<< En lisant le tableau qui se trouve annexé au présent rapport, on sera bientôt convaincu : 1°. Que les établissemens compris dans la première classe ne doivent pas rester auprès des habitations, puisque les matières que l'on y travaille et les produits qu'on en retire, ou répandent une odeur désagréable qu'il est difficile de supporter et qui nuit à la salubrité, ou sont susceptibles de compromettre la sûreté publique par les accidens auxquels ils pourraient donner lieu. Ainsi, par exemple, les boyauderies dans lesquelles on rassemble les intestins des animaux pour leur faire subir différentes préparations qui les amènent à cet état particulier où ils doivent être pour permettre qu'ensuite on les emploie à divers usages; les fabriques de colle forte, dans lesquelles on ne se sert que de débris d'animaux, qu'on fait macérer dans l'eau jusqu'à ce qu'ils aient éprouvé une fermentation putride très-avancée et qu'on croit nécessaire pour obtenir la substance qui forme la colle; les amidonneries dans lesquelles aussi, les grains, les sons, les recoupes, les griots doivent indis

pensablement être soumis à la fermentation putride; les ateliers d'écarrissage et de poudrette; tous ces établissemens et beaucoup d'autres de cette espèce, considérés sous le rapport de la salubrité, ne peuvent et ne doivent pas, હૈ cause

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de la mauvaise odeur qu'ils répandent, être placés auprès des habitations. En vain essaic-ton de prouver, par de simples raisonnemens ; l'innocuité des gaz qui proviennent de ces fabriques; jamais on ne parviendra à persuader qu'on peut les respirer impunément, et que l'air qui les contient n'est pas aussi insalubre qu'on le croit. Par d'autres raisons non moins essentielies, on a dû placer dans la première classe des fabriques qu'il convient d'éloigner, celles qui peuvent compromettre la sûreté publique: tels sont, entre autres, les ateliers d'artificiers et les poudrières qui, malgré toutes les précautions que prennent ceux qui les dirigent, sont susceptibles d'inConvéniens dont malheureusement on n'a que trop d'exemples. Au reste, en demandant l'éloignement des fabriques dont il vient d'être question, on ne fait, pour ainsi dire, que réclamer l'exécution d'anciennes ordonnances de police qui n'ont jamais été abrogées, et d'après lesquelles il est constant, qu'il y avait certaines fabriques qu'on ne souffrait jamais dans l'intérieur de la ville. Si alors on se contentait de les reléguer dans les faubourgs, c'est que les faubourgs, qui étaient peu peuplés, offraient de vastes terrains inhabités, sur lesquels les fabricans pouvaient établir des ateliers, sans craindre que leur voisinage pût dévenir incommode aux plus proches voisins. Mais aujourd'hui que les fabriques se sont multipliées, et que, dans les faubourgs, les maisons particulières sont presque en aussi grand nombre et presque aussi

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