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INTRODUCTION.

De tout tems, on a senti la nécessité d'assujettir à des réglemens particuliers, certains établissemens industriels qui, par la nature de leurs opérations, étaient susceptibles de nuire, soit à la propriété, soit à la santé publique. Une Ordonnance du Prévôt de Paris de 1486, renouvelée par un Arrêt du Parlement du 4 septembre 1497, et rendue à la suite d'une enquête faite auprès des voisins et sur l'avis des médecins, « Vú le plaidoyer des parties, les lettres, rapports de médecins et chirurgiens » défendit aux potiers de terre de s'établir dans le centre de la ville, « Attendu que la fumée qui sortait de ces établissemens, était préjudiciable à la santé du corps humain et que de ce pouvait survenir plusieurs mauvaises maladies et accidens».

Un réglement du Conseil du Roi, du 4 février 1567, remis en vigueur le 21 novembre 1577,

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ordonna de transporter les tueries et écorcheries des bêtes (c'est-à-dire, les clos d'écarrissage), hors la ville et près de l'eau, et pareillement les tanneries, les mégisseries, les teintureries, les corroieries, etc. Ces arrêts furent renouvelés le 28 octobre 1672, et le 24 février 1673. Le dernier relègua ces professions à Chaillot, et dans le faubourg S.-Marcel, et ses dispositions furent reproduites par une Ordonnance de Police du 20 octobre 1702.

Le 10 juin 1701, une Ordonnance de Police défendit aux chiffonniers et écorcheurs de chiens, de fondre, ni de faire fondre en leurs maisons, aucunes graisses de chevaux, chiens, chats et autres animaux, pour quelque cause que ce fut, et leur enjoignit de faire ces opérations dans les lieux écartés hors la ville et à telle distance que la mauvaise odeur n'en pût incommoder les citoyens.

Depuis, d'autres établissemens reconnus insalubres, furent également soumis à une surveillance sévère, au fur et à mesure que l'incommodité qui en résultait, paraissait mériter l'attention des magistrats. C'est ainsi, que les chapeliers, les fours à chaux et à plâtre, etc., furent successivement l'objet d'ordonnances de police spéciales.

Mais, si ces réglemens étaient sages, la manière de les appliquer n'offrait pas toujours autrefois, l'ensemble et les garanties désirables. Alors, « les manufactures dangereuses, insalubres ou incommodes étaient placées sous la

juridiction des Parlemens, qui réunissaient des attributions de police à leurs fonctions judiciaires».

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Quelques-uns, sans avoir de doctrine fixe, statuaient par des arrêts spéciaux et selon les cas, sur les contestations qui s'élevaient entre les manufacturiers et leurs voisins. D'autres, par des arrêts généraux avaient établi de véritables réglemens d'administration publique ».

<< Mais, ces réglemens variaient dans chaque ressort; ils étaient d'ailleurs insuffisans, incomplets, contradictoires. On a remarqué que les Parlemens étaient peu favorables à l'industrie ».

<< La révolution étant survenue, la loi du 24 août 1790 décida que les tribunaux seraient compétens pour statuer sur tous les dommages causés à la propriété ».

« Une seconde loi, en date du 13 novembre 1791, décréta vaguement le maintien provisoire des réglemens de police relatifs à la création et à l'interdiction des manufactures dangereuses. L'exécution de cette loi fut confiée au pouvoir municipal >>.

« Un arbitraire intolérable fût la conséquence de cette mesure. Chaque département, chaque commune avait sa règle, et la manière d'appliquer cette règle changeait à chaque renouvellement d'administration. Tantôt on frappait sur la propriété en autorisant des usines très-dangereuses au centre des villes les plus populeuses; tantôt on frappait sur l'industrie, en prononçant

l'interdiction d'usines dont on venait de permettre la création. Les capitalistes et les propriétaires souffraient également, et bientôt les grandes entreprises s'arrêtèrent » (1).

Ces abus furent, il est vrai, détruits en partie, par la nouvelle organisation municipale ; mais, les établissemens industriels n'en restèrent pas moins exposés à l'arbitraire des autorités locales, faute d'une législation uniforme; d'un autre côté, l'accroissement de la population, en donnant au commerce une activité nouvelle avait fait naître de nombreuses professions qui répondaient aux besoins de la société, et avait ainsi multiplié les usines dangereuses ou incommodes.

Cet état de choses ne pouvait manquer d'éveiller la sollicitude du gouvernement qui conçut le projet de soumettre les manufactures à un réglement général, offrant à tous les intérêts une garantie suffisante (2).:

On consulta l'Institut, et le 26 frimaire an XIII, un premier rapport fut adressé au Ministre de l'intérieur, par la classe des sciences physiques et mathématiques :

(1) Extrait d'un discours prononcé à la Chambre des Pairs, par M. le comte d'Argout. Séance du 27 avril 1827.

(2) Une Ordonnance de Police du 11 février 1806, avait déjà défendu d'établir dans la ville de Paris, aucun atelier, manufacture ou laboratoire qui pût compromettre la salubrité, ou occasionner un incendie.

"Il s'agit de décider, dit le rapporteur, si le voisinage de certaines fabriques peut être nuisible à la santé ».

<< La solution de ce problême doit paraître d'autant plus importante, que par une suite naturelle de la confiance que méritent les décisions de l'Institut, elle pourra désormais former la base des jugemens du Magistrat, lorsqu'il s'agira de prononcer entre le sort d'une fabrique et la santé des citoyens

<< Cette solution est d'autant plus urgente, elle est devenue d'autant plus nécessaire, que le sort des établissemens les plus utiles, je dirai plus l'existence de plusieurs arts, a dépendu jusqu'ici de simples réglemens de police, et que quelquesuns repoussés loin des approvisionnemens de la main-d'œuvre ou de la consommation, par les préjugés, l'ignorance ou la jalousie, continuent à lutter avec désavantage contre les obstacles sans nombre qu'on oppose à leur développement. C'est ainsi, que nous avons vu successivement les fabriques d'acide, de sel ammoniac, de bleu de Prusse, de bierre, et les préparations de cuirs, reléguées hors l'enceinte des villes, et que chaque jour ces mêmes établissemens sont encore dénoncés à l'autorité par des voisins inquiets ou par des concurrens jaloux

<< Tant que le sort de ces fabriques ne sera pas assuré, tant qu'une législation purement arbitraire aura le droit d'interrompre, de suspendre, de gêner le cours d'une fabrication, en un mot, tant qu'un simple Magistrat de police tiendra

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