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ofités; mais le cœur n'eft-il pas révolté, l'ame ne fe déchire-t'elle pas à l'idée feule des douleurs affreufes que l'on fait fouffrir à des efclaves, il est vrai, mais à des efclaves qui font des hommes, & que la fervitude même ne peut priver du titre de nos freres?

La derniere révolte, furtout celle des efclaves à Surinam, & l'irruption des negres, la plus dangereufe peut-être dont la colonie ait jamais été menacée, a obligé le gouverneur actuel de recourir à un remede, auffi dangereux peut-être que le mal même, mais qui a paru devenir néceffaire par les circonftances, puifqu'il ne reftoit plus que ce feul moyen à hazarder pour préve

nir la ruine totale de la colonie. On s'eft donc cru obligé de donner la liberté à 300 efclaves, & de leur confier le falut de la cause commune, en leur remettant le foin de cette expédition. Ce moyen a eu un fuccès affez heureux pour rendre le calme à la colonie, en mettant les Negres hors d'état de pouvoir lui nuire de longtems. La révolté avoit éclaté, prefqu'en même tems, dans plufieurs plantations, à Démérary, Effequébo, à Cottica, Pirica, Motte-Creeq, & en Commewine; les efclaves révoltés s'étant joints aux Negres marons, ont commis dans toutes ces plantations les plus grands excès, & maffacré plufieurs Blancs, Outre les caufes ordinaires auxquelles on artribue communement ces fortes de foulevemens des efclaves, on en donne quelques-unes qui ont plus particulierement, à ce que l'on prétend, occafionné celui-ci. On dit, entr'autres chofes, qu'une des plus fortes raifons du dernier mécon tentement des efclaves a été le changement de maitres. On fait que depuis peu de tems il s'eft vendu plufieurs plantations. Ce changement avoit fait paffer plufieurs plantations de propriétaires riches & à leur aife, à des acheteurs déjà obé

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rés par les intérêts qu'ils étoient obligés de payer pour les emprunts confidérables qu'ils avoient faits. Ceux-ci, loin de donner à leurs efclaves, mécontens déjà d'avoir changé de maitres, certaines douceurs & quelques allégemens auxquels ces malheureux font accoutumés en exigeoient même des travaux au-delà de leurs forces, & par conféquent de leurs obligations. Le defir de foutenir un crédit qui chanceloit, forçoit les maitres à ces vexations; & les efclaves ne pouvant fuffire aux travaux qu'on exigeoit d'eux, ni conféquemment remplir les vucs de leurs maitres avides & injuftes, fe font enfin foulevés pour fe fouftraire à des travaux devenus impoffibles, & aux cruels traitemens que ces maitres défefpérés leur faifoient fouffrir. Les mêmes causes ont pu produire les mêmes effets dans la révolte de Surinam, & les chofes y étoient déjà parvenues au point de faire tout appréhender. Cependant, on eft venu à bout de rendre la tranquillité aux colonistes, en détruifant le principal village des Negres marons, auprès defquels les efclaves révoltés s'étoient retirés. La réuffite de cette dangereuse expédition eft due, en grande partie, à la fidélité des 300 efclaves affranchis, dont nous avons parlé plus haut, & à la bonne conduite du lieutenant Frédérici, qui le premier a franchi les paliffades du village des Negres. Ce village avoit été découvert; mais fitué dans un bois prefqu'inacceffible, derriere un marais qui fembloit impraticable, la difficulté étoit d'y pé-. nétrer. Cent cinquante efclaves affranchis avoient, quelque tems auparavant, inutilement tenté l'entreprise. La faifon trop pluvieuse avoit rendur leurs efforts inutiles; mais cette premiere tentative, quoiqu'infructueufe, avoit fait connoitre la bonne volonté des nouveaux affranchis; & l'on réfolut d'accorder la même grace à un pareil nomSupplément. ze, trimestre. 1773.

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bre. (En femblable*cas on fait eftimer par des prifeurs jurés la valeur de chaque efclave, & l'on en paye le prix au propriétaire.) On attendit la féchereffe pour les faire entrer tous en campagne on les fit escorter par 80 militaires & un capitaine, avec les provifions & les munitions réceflaires. Le lieutenant Frédérici, détaché à la tête de 30 hommes & de quelques affranchis, est enfin, venu à bout de pénétrer dans l'ifle & dans le village des Marons, d'où, après avoir brûlé & détruit toute l'habitation, ils ont chaffé les transfuges, qui ne pouvant fe défendre plus longtems, prirent la fuite, traverferent le marais, & s'enfoncerent dans l'épaiffeur des forêts, où l'on prévoit qu'ils périront de mifere. Plufieurs de ces malheureux ont été tués, & on en a fait une foixantaine de prifonniers. Les plus dangereux étant difperfés & prefque tous détruits, on fe flatte que l'on pourra aifément venir à bout de détruire auffi les autres, qui, à ce que l'on prétend, ne font pas, à beaucoup près, auffi redoutables. Ce fut le 20 Septembre dernier que l'on mit fin, par cette défaite, à une guerre qui préfageoit les plus fâcheufes fuites pour la colonie.

Mais ce qui, fans doute, contribuera le plus à y maintenir le calme & la fureté des colons ce font les arrangemens pris par les états-généraux. La régence & les habitans de Surinam s'étant adreffés à LL. HH. Puiffances pour leur demander du fecours, elles réfolurent auffitôt d'envoyer dans cette colonie un bataillon de troupes marines, qui eft actuellement parti fous les ordres du colonel L. H. Fourgeod, lieutenant-colonel du premier bataillon du régiment de marine du colonel Douglas. On croit même que le fouverain eft dans le deffein de tenir des troupes permanentes dans les colonies, & de les y mettre fur un pied affez refpectable pour forcer les

Negres marons & autres à refter tranquilles dans leurs forêts, pour intimider les efclaves qui voudroient fe révolter, & maintenir ainfi le bon ordre dans toute l'étendue de la colonie. Le remede feroit, fans doute, très efficace, puisqu'il cft für qu'on ne parviendra jamais à extirper totalement le germe de ces révoltes, tant que le fouverain ne mettra pas des bornes plus étroites à l'adminiftration domeftique ou particuliere, que les colons exercent fur leurs efclaves, & tant qu'il n'y aura pas toujours fur pied dans la colonie un corps de troupes réglées, affez confidérable pour contenir des gens qui ofent braver la mort & les plus affreux tourmens, pour brifer les fers d'une fervitude que le cruel rafinement des hommes rend quelquefois plus redoutable que la mort même : & fi les propriétaires, de leur côté, pouvoient fe réfoudre à devenir plus humains, & à croire que des Negres, quoiqu'efclaves, ne font pas des bêtes de fomme, on pourroit espérer de voir regner une paix conftante dans cette partie du globe.

Nous venons de recevoir de Dantzig, le précis d'un nouveau mémoire que cette ville a publié depuis peu pour faire voir les légitimes droits qu'elle a fur fon port, dont la propriété lui eft contestée par le roi de Pruffe.

«La ville de Gdansk, Danczock, Dantzig, an cienne colonie danoife, a été, dès le milieu du 10e. fiecle, la feule ville confidérable qui exiftât alors dans la Pruffe & dans la Poméranie Polonoife; fon territoire s'étendoit jufqu'au rivage de la mer, & cette ville paffoit dès-lors, pour une place maritime, par conféquent, plus de 200 ans avant la fondation de l'abbaye d'Oliva, au nom de laquelle S. M. Pruffienne réclame la Louveraineté du port de Dantzig. La fituation de

cette ville l'ayant rendue l'entrepôt néceffaire de toutes les exportations de la Pologne, elle devint, peu à peu, maitreffe de la navigation dans les parages voifins, & l'on n'a point oublié que le roi de Pologne, Boleflas III, préparant, en 1125, une expédition maritime contre les Danois, fit tous fes armemens dans le port de Dantzig, qu'il avoit conquis apparemment fur les princes Vépedes, qui régnoient alors dans ces contrées. Mais la domination polonoife n'y fut pas de longue durée. On retrouve peu d'années après un prince Subiflas, le premier de fa famille qui embraffa le chriftianifme, & qui fonda en 1170, l'abbaye d'Oliva, après avoir établi lui-même fa réfidence à Dantzig. Un titre de l'an 1209 nous fait connoitre une race de princes de Gdansk, leur château de Gdansk & la ville de Dantzig, fameufe par fon commerce, & par fon péage; & tout cela dans un tems où l'abbaye d'Oliva étoit à peine fortie du néant ».

« Cette même ville réfifta feule, pendant plus de 70 ans, aux efforts de l'ordre teutonique, & demeura conftamment attachée à fes princes, & après leur extinction, aux márgraves de Brandebourg; jufqu'à ce qu'enfin, le margrave Valdemar la vendit en 1309, à cet ordre. Mais bien loin que ce changement de domination portât la moindre atteinte aux droits & à l'accroiffement de cette ville, il l'éleva à ce point de grandeur & de puiffance qui la rendit formidable à fes voifins. Les grands-maitres lui confirmerent en 1361, l'ancien droit d'étape, en vertu duquel il eft défendu aux étrangers d'y faire commerce avec d'autres étrangers, & ordonné de vendre leurs denrées & marchandifes aux bourgeois de la ville, pour être par eux feuls revendues à d'autres étran¬ gers. Ils lui confirmerent pareillement, en 1341, le droit nommé Pfalgeld, que la ville, afsociée

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