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fue d'état, étoit entierement incompatible avec la liberté &c. Les privileges accordés à une fociété quelconque, font, fans doute, facrés; mais fi elle en abuse au point de caufer fa ruine & celle de l'état; fi les moyens qu'elle emploie, ou femble employer pour redrefler ces abus, ne font euxmêmes que de nouveaux abus de fon pouvoir;' fi ceux qui font à la tête d'une administration s'en prévalent pour la faire fervir à leur intérêt particulier, c'eft fans doute au fouverain à interpofer fon autorité, puifque feul il.eft chargé du foin de veiller au bien-être de tous.

On a propofé plufieurs plans pour mettre la compagnie en état d'arranger un peu fes affaires; mais tous paroiffent plus ou moins dangereux; quelques-uns même femblent impraticables. La propofition de donner un dividende de 3 pour cent pour une demi-année a cependant paffé à une pluralité confidérable, dans une affemblée de la compagnie, malgré tout ce qu'on a mis en œuvre pour prévenir cette réduction.

La compagnie fe trouvant deftituée d'argent comptant, on a propofé de faire une exporta tion de thé au dehors. Ce projet ayant plu à tous les directeurs, on réfolut de folliciter un acte du parlement, pour autorifer cette exportation; vu, difoit-on, que la compagnie a actuellement en magazin du thé, pour fuffire à la confommation de plus de fix ans. En conféquence, il fut décidé, dans cette affemblée, dé faire la propofition fuivante Que les directeurs foient chargés d'obtenir un ade du parlement, pour les autorifer d'ex porter le furplus de leur thé à l'étranger, avec exemption de tous droits & rabais, ainfi que fupprimer le droit de 3 pour cent fur le thé exporté en Amé rique. Ce projet, quelque favorable qu'il paroiffe, ne laiffe pas de préfenter auffi bien des inconvéniens. Quoiqu'il en foit, voilà où en font les

affaires de la compagnie; il eft facile de conce voir la fituation d'une fociété de commerce, qui, pour faire face à fes affaires, ne voit d'autre reffource que celle des ventes forcées.

Parmi les écrits que l'on voit paroitre à Foccafion du prix exorbitant des provifions, on lit avec plaifir les confidérations du Sr. François Moore fur ce fujet. If confidere d'abord la vraie caufe de la rareté des provifions. Il indique enfuite les conféquences qui peuvent en réfulter; & enfin, il propofe les moyens d'écarter la caufe de nos calamités. Cette caufe, il la trouve en ce que, par une méprife groffiere, en négligeant le réel, nous courons après l'idéal. Nos vraies richeffes font la laine, le cuir, les métaux, le verre, la fayance & le poiffon. Au lieu de puifer dans ces fources fi fécondes, nous cherchons notre profpérité dans le commerce des grains & dans celui des chevaux. Le premier eft paffager & dépend des faifons; le fecond eft abfolument abufif. Le Sr. Moore prouve ce qu'il avance à ce dernier égard, par l'expofé du produit apparent de ce commerce en 1771. Suivant les regiftres de la douane, on a exporté, cette année-là, 1810 chevaux, lefquels, jufqu'à ce qu'ils fuffent en état d'être exportés, avoient dévoré, chaque annéc, le produit de 33, 540 acres de terre. Ces chevaux, vendus, l'un portant l'autre, 20 liv. fterl. chacun, y compris les droits de douane, auront rapporté dans le royaume 32, 652 liv. ft., 10 chelins. En employant la même étendue de terre à la nourriture de moutons, nous aurions eu, chaque année, 134 mille 176 toifons; lefquelles, à 2 chelins chacune, & en mettant au triple leur va leur, après avoir paffé par les mains des manufacturiers, auroient rapporté 53,670 liv. fterl. 8 chelins, & par conféquent, 17,017 liv. fterl. 18

chelins, au-delà de la vente des chevaux. La viande, la peau, la graiffe &c. du mouton ne font pas encore comprifes dans ce calcul. Comptant Ja peau à 10 fous la piece, & la graiffe à 8 fous, on trouvera 3, 144 liv. fterl. 15 chelins; & en fuppofant que la viande de chaque mouton pefe 50 liv., fon produit fera de 26, 206 liv. fterl. 5 chelins. Le Sr. Moore s'étendant fur l'avantage de la multiplication du petit bétail, prouve qu'une feule piece de drap fin occupe pour toute une journée, 239 hommes, femmes & enfans. L'immenfe profit que l'on tire, à tant d'égards, du gros bétail, ne lui échappe point, & il n'oublie pas de faire obferver combien de milliers de perfonnes de différentes claffes y trouvent leur subfiftance & leur fortune.

Dans la partie de fon ouvrage, où il propose les moyens d'écarter la caufe de nos calamités, il infifte fur la néceflité de ne plus tant s'appli quer à augmenter le nombre des chevaux; & faifant comparaifon du cheval avec le bœuf, il fait voir, que là où l'on peut les employer l'un au défaut de l'autre, il eft de l'intérêt. réel du pays de préférer le bœuf au cheval, parce que celui-ci, quelqu'admiré qu'il foit ne nous offre rien que fon travail, Il faut le, nourrir & l'entretenir trois ou quatre ans avant que d'en pouvoir rien attendre, & lorsqu'il meurt, fa valeur fe perd avec lui, puifqu'à-peine l'on peut faire 5 chelins de fa chair pour la nourriture des chiens. Le che val eft fougueux, impatient, propre au faste & à la guerre. Le bœuf eft lent, für & conftant; & lorfqu'il eft fait au travail, on peut l'y tenir bien plus longtems que le cheval; en forte qu'en cas de long trajet, il transportera un pefant fardeau prefqu'aufli vite qu'un cheval, qui fe fatiguant bientôt par la violence de fes mouvemens, doit fouvent fe repofer. On verra 6 bœufs dégager un

chariot embourbé, que 8 chevaux n'ont pu tirer de la fange. La raifon en eft fort naturelle: le pied du bœuf étant fourchu, il fe divife & fe di-late lorsqu'il eft preffé, & fe rejoint lorfque l'animal le retire; de forte qu'il n'eft empêché dans fon action, ni par le frottement des deux côtés ni par la preffion, qui l'un & l'autre embarraffent le pied du cheval. Le bœuf a la corne dur pied deux fois plus forte que ne l'eft celle de la. vache; ce qui prouve affez que la nature l'a deftiné au travail. Cette différence ne fe trouve point entre la jument & le cheval. Auffi, plufieurs perfonnes, à l'exemple de nos ancêtres, n'emploient que des bœufs au charroi & au-labour; & ceux qui s'écartent de cette ancienne & louable coutume, n'ont befoin que d'un moment de réfle-xion pour s'appercevoir qu'ils fe font tort à eux-mêmes & au public. Autrefois, on avoit dans. la paroiffe de Tunbridge 150 chevaux de trait, & 1000 bœufs; & aujourd'hui il n'y a que 250 de ces derniers &. 600 chevaux. On n'emploie les bœufs que 2 ans ; de forte qu'autrefois il y en avoit tous les ans 500 d'engraiffés pour la bou-cherie, au lieu qu'il n'y en a que 125 à-préfent:. ainfi cette paroifle perd, chaque année, 5, 625 liv.. fterl., en comptant à 15 liv. chacun des 375 bœufs engraiffés qu'elle avoit de plus ci-devant.

Un particulier de Londres né dans un rang trèsordinaire, mais parvenu à une forte de fortune qui lui donnoit un équipage, en avoir profité pour fe répandre dans un monde bien différent de celui dans lequel il avoit été élevé. Comme il n'avoit d'autre état que celui d'un homme aifé, il chercha une forte de confidération du côté des lettres; quelques couplets agréables qu'il avoit faits & chantés dans des fociétés, lui firent croire qu'il réuffiroit également bien dans des ouvrages.

plus difficiles; fes fiaifons avec le célebre Garrick le déciderent pour le théâtre; il dût même une forte de fuccès aux talens de cet acteur : encouragé par ce premier avantage, il avoit entrepris une autre piece, dont les répétitions ont été fufpendues par un événement unique. Le bel ef prit avoit pris querelle avec un homme de qualité; c'étoit un des pairs de la Grande-Bretagne; le lord piqué va chez fon homme; on lui dit à la porte qu'il eft abfent; il n'en croit rien, & monte, un domeftique veut l'arrêter dans l'an-chambre; quelques coups de canne le mettent ala raifon, il entre dans l'appartement de fon adverfaire, le trouve dans fon lit effayant de fe cacher fous fes couvertures; le lord les enleve & lui dit gravement: je vous ai attendu ; vous n'êtes point venu; vous fçavez ce qui fe pratique en pareil cas: en achevant ces mots, il lui fait fentir l'inftrument qui avoit rendu fon laquais raifonnable; cette expédition faite, & elle fut prompte, il quitte la chambre, ferme la porte à la clef, qu'il met dans fa poche, defcend dans la falle à manger, y trouve deux poulets, qu'il fait .: rôtir; il avoit befoin de déjeûner; il fe fait apporter une bouteille du meilleur vin de fon ennemi, qu'il boit en dépêchant les poulets, & fe retire enfuite. Dès le même jour, il va aux fpectacles, au Wauxhall & conte fon aventure à qui veut l'entendre. Inftruit que c'est au théâtre de Druty-lane que l'on doit donner la piece de fon homme, il ne quitte point cette falle; tout le jour il fe trouve dedans ou à la porte, vêtu d'un frac lefte, mais muni en même tems d'une longue épée qui en écarte le bel efprit, qui a été forcé de fufpendre la représentation de fon drame, parce qu'il n'a pu affifter aux répétitions : il vouloit donner la comédie, & le lord fe l'eft donnée à fes dépens.

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