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gneurs. Ces avocats détaillerent les privileges accordés à la compagnie; protefterent contre une loi poft facto, qui n'alloit à rien moins qu'à les annuller, prouverent que toute extenfion du pouvoir suprême légiflatif, étoit entierement incompatible avec la liberté & les loix immuables de la juftice naturelle ils finirent enfin, par faire fentir aux deux chambres, que le pouvoir qu'elles s'arrogeoient, étant deftructif de la charte de la compagnie, elles ne pouvoient paffer en loi un bill qui prive de fes premiers droits une compagnie privilégiée, & à laquelle le gouvernement a laiffé la pleine adminiftration de fes affaires.

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Ce bill, qui, nonobftant tous les débats qu'il a occafionnés, a paffé à la pluralité, & a déjà reçu le confentement royal, fut particulierement attaqué dans la chambre-haute par fix lords, qui ont présenté à ce fujet une très-longue protestation, dont voici la teneur :

Nous proteftons, y eft-il dit, 2°., parce qu'il ôte à une grande fociété & à plufieurs fujets libres de ce royaume, l'exercice d'un privilege légitime, fans qu'ils aient donné aucun fujet de les en priver. Les perfonnes qui ont nommé des commissaires, étoient autorifées par les loix à les élire; & les perfonnes choifies avoient toute la capacité requife pour être élues. Le choix en a été fait dans les regles, & fuivant les conflitutions de la compagnie, & il a été confirmé par une pluralité de fuffrages. Les furintendans étoient munis d'un pouvoir abfolu & conforme aux conditions de leur nomination. On n'a allégué ni abus ni délit. Ces droits & cette capacité font donc enlevés par un ace de pouvoir arbitraire, dont l'exemple ne laiffe au fujet aucune fureté pour fes libertés; puifque lorfqu'il les met en ufage en obfervant toutes les regles de la loi, de l'équité & de la morale, il ne peut empêcher le parlement de fe fer

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vir de fon pouvoir fuprême pour le dépofféder de fes droits; ce qui anéantit la diftinction que nous mettons ordinairement entre le gouvernement bri-“ tannique & celui des autres nations.

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2o. Parce que ce bill paroit être une violation manifefte de la confiance publique. L'octroi de la compagnie des Indes a été accordé par la couronne, autorifé par le parlement, & acquis à prix d'argent, foit donné,foit prêté. Cet odroi autorife la compagnie à dirigerfes affaires à fa propre difcrétion, par des per fonnes de fon choix & de fa nomination. Mais le bill en queftion fufpend pour un tems l'exercice de ce dernier privilege; & en faisant dépendre la furintendance de l'intervention momentanée du parle ment dans les affaires de la compagnie, il tend à établir un principe dont on pourroit abufer pour tendre cette fufpenfion à un terme indéfini; attendu que par des revifions fans ceffe répétées, le parlement pourroit retenir les affaires de la compagnie. Le parlement peut encore fe fervir de ce même principe pour ôter à la compagnie, ou pour fufpendre tout autre privilege qui lui auroit été accordé par fa charte. Nous convenons qu'il eft difficile de pofer les juftes bornes où finit le pouvoir législatif; mais nous croyons que le parlement n'eft pas moins que quelqu'individu que ce foit, obligé de tenir fes conventions; fans quoi, il feroit impoffible de fçavoir en quoi confifte la foi publique, & fur quel fondement le crédit public eft appuyé.

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39. Parce qu'il paroit par des dépofitions faises fous ferment, à la barre de cette chambre la compagnie avoit reçu des affurances de la part de fes préfident & député-préfident, que le gouvernement approuveroit la nomination d'une commiffion de furintendance. C'eft ici l'unique voie de communication que la compagnie puisse avoir avec les miniftres, & il eft fácheux que, privée de toute confiance en la foi publique & dans les loix de

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la patrie, elle ne trouve aucune fureté pour fes privileges contre les intentions de ces mêmes miniftres.

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4°. Parce qu'il nous paroit que la compagnie, étoit non-feulement autorifée par les loix, mais méme obligée par devoir, de nommer une commiffion pour régler les affaires & corriger les abus; & nous croyons qu'il y auroit un plus jufte fujet d'attaquer les vrais pouvoirs de la compagnie, fi elle n'en avoit pas fait ufage pour réprimer ces abus que d'avoir nommé des commiffaires pour un objet fi néceffaire. Les adverfaires de la compagnie auroient pu objecer que la négligence de s'être fervi de ces pouvoirs quand il falloit, auroit pu entrainer la compagnie dans des procès de la part. des propriétaires. Ce feroit, felon vous, une gran de injuftice de la part d'un gouvernement qui puniroit ceux qui manquent d'ufer de leurs pouvoirs légitimes, & qui retiendroit ceux qui voudroient en faire ufage.

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5. Parce que nous avons lieu de croire, d'après l'opin on & la voix communes qu'il regne encore de grands abus dans les établiemens de la compagnie, ce qui l'oblige à ne pas tarder d'envoyer les comm ffrires dont le bill en question veut différer le départ de fix mois; & certainement ce délai, eu égard à la faison, le fufpendroit d'un an & peut-être davantage. Par ce moyen, tous les abus pourroient s'affermir, & devenir plus difficiles à réformer. Pour ces raifons, nous nous dif culpons par cet acte folemnel, pour le préfent & pour la fuite, d'avoir eu aucune part aux mal-; heurs qui peuvent réjaillir par là fur les naturels & autres habitans des poffeffions de la compagnie dans l'Inde. Le public, qui depuis long ems porte dęs regards curieux fur la maniere dont la compagnie & le parlement fe comporteront à ce fujet, doit bien s'étonner que le dernier s'emploie uniSupplément c. trimestre, 1773. C

quement à empêcher la premiere de faire fon de voir; qu'au lieu de corriger les abus, nous nous oppofions à leur réforme; que quand on s'attendoit à voir punir les coupables, la compagnie léfée fe trouve même liée & privée de fes droits ; & qu'au lieu de faire rendre compte aux coupables, les perfonnes légalement autorisées à les punir, foient fufpendues dans l'exercice de leurs fonctions. Il étoit d'autant plus nécessaire que la compagnie fit une férieufe attention à fes affaires pour Je mettre en état de faire face aux demandes exorbitantes du gouvernement, qu'il appert des dépofitions prifes à la barre, que les demandes du par lement font montées au-delà du profit des dernieres acquifitions du commerce fait en conféquence, tandis que les propriétaires qui ont rifqué leur bien pour faire ces conquêtes, n'ont pas eu la permiffron de partager même autant qu'auroit procuré leur commerce antérieur.

6°. Parce que le bill a été porté dans une faifon où cette chambre contient toujours peu de membres, & qu'il a été rédigé avec trop de précipitation. La raifon alléguée à ce sujet eft auffi peu fatisfaifante que l'acte eft violent, que fi le bill n'avoit pas paffé, les commiffaires auroient pu partir pendant la vacance de Noël.

79. Parceque dans le difpofitif du bill on allégue que la dépense de la commiffion eft très-confi dérable, quoique cette chambre n'ait devant elle aucun compte ou état des dépenses actuelles, & qu'elle ne foit munie d'aucun compte qui démontre ou tende à démontrer la puiffance ou l'impuiffance de la compagnie de la fupporter; de forte que les pairs fe portent à foutenir des faits & à fonder fur iceux une loi qui change la condition & fulpend les droits odroyés à la compagnie, fans favoir fi ces faits font vrais ou faux; les pairs, dis-je, en qui la loi a mis une fi grande

confiance, qu'elle accepte dans tous les cas de propriéte, leur honneur, au lieu du témoignage d'autrui fous ferment, & qui, par leur caractere public, de vroient particulierement avoir foin de n'affirmer aucun point qui put affeder une telle propriété Jans une connoiffance parfaite de la vérité.

8. Parceque cette chambre, non contente d'avoir foutenu les faits en queftion fans en connoitre le fondement, refolut de ne s'en point inftrui· re, en refufant de demander le témoignage des difecteurs concernant la dépense; ni de fuivre dans un objet fi important, la voie ordinaire du parlement, qui étoit d'en conférer avec les com

munės.

9° Parceque ce bill tendant à fufpendre le pou voir qu'a la compagnie de nommer fes officiers, nous paroit venir d'un deffein formé depuis longtems, d'augmenter les pouvoirs de la couronne, déja trop étendus & trop formidables: deffein auquel, en adhérant aux principes de la proteftation du 6 Février, nous nous croyons obligés de nous oppofer. C'eft pourquoi nous proteftons contre ce bill, comme favorifant ce deffein, contraire aux conftitutions, à la foi nationale, au crédit public & aux droits du fujet, & porté par la chambre d'une maniere peu conforme à la dignité & à l'indépendance des pairs. Etoit figné par les ducs D RICHMOND, DE DEVONSHIRE ET DE PORTLAND, LE VICOMTE DE TOERRINGTON ET LE LORD CARXE.

Toutes les raifons alleguées dans cette protestation, font affurement très-fpécieufes; mais il s'agiroit de fçavoir fi le parlement n'eft pas en droit de mettre les affaires actuelles de la compagnie dans le cas avoué même par fes avocats, lorfqu'après avoir défini le pouvoir arbitraire, ils prouverent que foute extenfion du pouvoir législatif, excepté en des cas de danger imminent ou de néceffité abfo

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