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vient d'hériter; mais Colette eft fidelle à fon amant, malgré les inftances de fa mere. Enfin, Antoine fe montre. Ses vieux parens le reçoivent avec des tranfports de joie; & fa Colette ne peut diffimuler fon amour. On ne fçait pas encore qu'il a acheté la feigneurie du village. Le bailli & les habitans font de grands préparatifs pour recevoir leur feigneur, dont ils ne fe doutent pas. Ils préparent une fête, & font des demandes pour rendre la chaffe libre, & pour obtenir d'autres graces qu'Antoine promet de leur faire accorder. Le pere d'Antoine eft invité à représenter dans un fauteuil, deftiné à porter le feigneur en triomphe. La feinte devient une vérité.. Antoine a acheté la feigneurie fous le nom de fon pere, qui eft comblé de tant de tendreffe & de la joie des payfans. Cette piece offre des fituations intéreffantes, & des tableaux naïfs de la fimplicité & de la vertu de ces bons villageois.

Les comédiens françois ont repréfenté, le 17 Février, l'Affemblée, comédie en un acte en vers, par le Sr. Beau de Schone. Le th ́âtre représente la falle où les comédiens s'affemblent, foit pour - les affaires particulieres de la troupe, foit pour entendre la lecture des pieces nouvelles. Chaque comédien eft chargé, à fon tour, pendant une femaine, de préfider à tout ce qui fe paffe. Celui qui eft en fonction, murmure de ce que perfonne ne paroit encore pour entendre la lecture de la piece en queftion: le concier ge vient lui recommander l'auteur qu'il protege, l'ayant fervi quelquefois, & lui étant encore dû quelque chofe de fes gages; pendant ce tems les comédiens arrivent: une femme attachée à la comédie, ne s'appercevant pas qu'on l'écoute, lâche quelques propos qui font rire le fénat comique : le poëte, en habit noir, arrive enfin, faifant de grandes révé

rences & des complimens. Il ne faut pas s'attendre que les actrices lui faffent grace du moindre trait, du plus petit gefte; on le perfifle d'une maniere indécente, fans qu'il daigne s'en appercevoir: on le force de prendre un fauteuil, qui eft deftiné aux auteurs qui font obligés de lire leurs pieces aux comédiens. Il fe flatce qu'ils feront enchantés du fujet qui fait le fond de fa piece : il 'annonce que c'eft l'éloge de Moliere; à ces mots, toute l'affemblée ne fe contient pas de joie: la piece eft reçue par acclamation, fans avoir été lue; mais l'auteur déclare qu'il n'a encore rien écrit ; que c'eft une efpece de pantomime qu'il a à leur propofer. N'importe, tout cela doit être excellent, puifqu'il y eft queftion de Moliere, & de le faire revivre après la centieme année de fa mort. Il a imaginé d'introduire une magicienne, qui évoquera l'ombre de ce grand homme. Auffitôt le théâtre change, & la falle d'affemblée fait place à un temple, où l'on voit le bufte de Moliere. Toute la troupe tombe à fes pieds, & célebre fes louanges; c'eft une efpece de panthéon, où l'on voit Apollon, Thalie & Melpomene, qui récitent, tour-à-tour, les louanges du pere du théâtre françois, & un ballet général termine ce fpectacle, qui a été précédé d'une repréfentation du Tartufe.

Les mêmes comédiens ont donné, le lendemain (18 Février), la Centenai e, pièce en un acte en vers, par le Sr. Arthaud. Momus, déguifé en médecin empirique, & Thalie, fous les habits de la nuit, fuppofée niece de ce dieu de la folie, ouvrent la fcene. Jupiter les a fait defcendre fur la terre, pour voir fi au bout de la centieme année de la mort de Moliere, les mortels ont profité des leçons que ce vrai philofophe leur a données; s'il refte encore, parmi eux, des vices & des ridicules, & pourquoi le théâtre

françois eft dans un fi grand état de langueur. Momus fait répandre des billets dans lefquels il annonce qu'il a des fecrets admirables pour tous les maux, & qu'il donne gratis fes confultations; il fe flatte de découvrir dans ceux qui fe préfenteront, des caracteres nouveaux. Momus laiffe un moment fa niece, qui voit arriver le vieux Sofie d'Amphitrion, auquel l'auteur a confervé fon caractere. La jeune perfonne en crêpe, dir à Sofie qu'elle eft veuve de Moliere: vous êtes done Tha lie, lui répond-il avec tranfport; mais avez-vous toujours bien gardé votre veuvage, lui dit-il? Thalie convient qu'un certain joueur, un philofophe marié, furtout un Mr. de l'empirée ( de la Métromanie) ont un peu altéré fa fidélité : Sofie s'en1 étonne, & Thalie lui répond que Melpomene eft bien à fon troifieme. Lélie ( perfonnage de l'Etourdi) paroit, &, s'enflamme tout d'un coup pour la jolie niece, comme un homme de fon caractere. Momus revient, & renvoie fa niece. M. Tartu-fe fe préfente : il a oui dire que le docteur avoit chez lui une jeune perfonne, & il demande qu'on la lui confie pour là mettre à l'abri des féducteurs. L'Avare, George-Dandin, le Bourgeois gentilhomme, M. Triffotin, le Mifantrope, Mde. Pernelle viennent fucceffivement remontrer fur la fcene, les mêmes ridicules dont Moliere avoit voulu les corriger vainement, fans doute, puifque Thalie, pour les mettre en fuite, fait paroitre tout-à-coup le buste de ce grand homme. Ici commence un divertiffement, qui eft une espece d'apothéofe gaie de Moliere, dont tous les perfonnages qu'on n'a point vus dans la piece, paffent en révue; enforte que ce petit acte offre, en racourci, tout Moliere. Cette jolie piece, qui a réuni tous les fuffrages, a été précédée d'une repréfentation d'Amphitrion.

"Les comédiens italiens ont donné, le 4 Mars, la premiere représentation du Magnifique, co médie en 3 actes en profe, mêlée d'ariettes: paroles du Sr. Sedaine, & mufique du Sr. Grétry. La fcene eft à Florence. Une marche de captifs attire la curiofité. Clémentine, pupille du feigneur Aldobrandin, eft conduite par fa gouvernante, à une fe nêtre pour voir les captifs. Alife reconnoit fon mari, qui avoit été enlevé par des corfaires avec le pere de Clémentine, dont il étoit le domeftique. Elle ne peut contenir fa joie; elle informe en même tems, Clémentine du malheur qui l'a privée, d'un pere que l'on croit mort dans la captivité. Aldobrandin a eu beaucoup de foin de fon éducation; mais il fe propofe pour époux, & elle ne peut l'aimer à ce titre. Elle lui préfere un jeune homme nommé Octave, que fes largeffes & fes fêtes ont fait appeller le Magnifique. Le, valet d'Aldobrandin eft encore tout émerveillé d'une fuperbe haquenée, montée par le Magnifique: il en fait une defcription. Aldobrandin veut l'acheter; mais fon prix exceffif l'en empêche. Octave vient luit propofer une meilleure compofition; il donnera fa haquenée pour un quart d'heuré d'entretien avec la charmante Clémentine, en présence d'Aldobrandin lui-même. Le marché eft accepté. Aldobrandin s'en félicite, & prévient fa pupille en lui défendant de répondre un feul mot. Le Magnifique exige qu'Aldobrandin fe tienne, avec fon va let, affez éloigné pour voir, & trop pour pouvoir entendre. Il s'apperçoit bientôt que la belle Clémentine n'a pas la permiffion de lui parler: il imagine alors de lui demander comme une preuve du retour qu'elle donne à fa paffion, de laiffer tomber à fes pieds une rofe qu'elle tient entre fes doigts. Clémentine a de la peine à lui accorder cette preuve; mais enfin, la rofe échappe de fa main, Le Magnifique fe félicite, & triomphe en paroissant fort

irrité contre Aldobrandin, du filence obftiné de fa pupille. Cependant, la gouvernante fait venir Lau rence, fon mari. Cet efclave apprend à Clémentine que fon pere eft avec lui à Florence, & que le Magnifique a acheté les captifs, & leur a rendu la liberté. Clémentine eft dans l'ivreffe du plaifir de revoir l'auteur de fes jours, & de le devoir à la générosité de fon amant. L'esclave reconnoît Fabio, valet d'Aldobrandin; il le pourfuit; le pere de Clémentine paroît avec Octave fon bienfaiteur; on fait avouer à Fabio que c'est lui qui avoit livré, ordre d'Aldobrandin, le maître & le domeftique à des corfaires. Aldobrandin eft confondu; il eft renvoyé de la maifon qui appartient au pere de Clémentine, & la pupille voit couronner tous fes vœux en étant réunie à fon pere, & époufant Octave fon amant.

par

GRANDE-BRETAGNE,

L'affaire de la compagnie des Indes continue à être toujours le grand & prefque le premier objet des foins du miniftere & du parlement; & bien des gens croient qu'enfin, cette affémblée de la nation trouvera quelques moyens de rendre à cette compagnie une nouvelle activité, &, pour ainfi dire, une nouvelle existence. Auffi s'eft-elle d'abord occupée de ces moyens; & les deux chambres, après l'examen des pieces qui leur avoient été remifes, ont fait un bill pour ôter à la compagnie des Indes le pouvoir d'envoyer des furintendans dans fes poffeffions. Cette réfolution du parlement a fort allarmé la direction, qui a mis tout en œuvre pour faire que le bill ne paffat pas; & ayant demandé à être ouie par fes avocats, ceux-ci plaiderent la caufe de la compagnie, le 18 Décembre, deyant les communes, & le 23, davant les fei

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