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nuit, chargés de veiller à la fureté de cette ville, s'étant oubliés au point d'arrêter & de maltraiter 4 domeftiques du baron de la Houze, miniftreplénipotentiaire de S. Maj. T. Chrét., auprès des princes & états du cercle de la Baffe-Saxe, fous prétexte que ces domeftiques n'avoient pas de lumiere, qu'un grand vent qui fouffloit alors avoit éteinte; le fénat, fur les plaintes de ce miniftre, a caffé l'enfeigne de la garde qui étoit de fervice, & a condamné, par un arrêt, qui a été imprimé & affiché, le 18 de ce mois, aux portes de l'hôtelde-ville, les gardes de nuit coupables de cet excès, à être expofés trois jours de fuite au carcan; mais le baron de la Houze, ayant écrit au fénat, que fatisfait de l'efprit de juflice, qui l'avoit porté à les condamner, en réparation de l'infulte qui avoit été faite à fes gens, fon caœur feroit encore plus fenfible à la grace qu'il voudroit bien leur accorder; l'officier caffé a été en conféquence, rétabli dans fon pofte, & l'arrêt contre les gardes de nuit n'a pas été exécuté, par une fuite de la déférence du fénat pour ce miniftre.

Suivant les derniers avis de Pologne, le Sr. Reichard, confeiller des finances de S. M. pruffienne, eft retourné à Dantzig pour y ménager un accommodement; mais on ne croit pas qu'il réuffiffe dans fa négociation, & le magiftrat ne paroit nullement dipofé à foufcrire aux conditions qui lui font propofées. Cependant, les entraves que les Pruffiens ont mifes au commerce de cette ville, en ont fufpendu toute l'activité; les familles les plus opulentes abandonnent leurs domiciles pour venir s'établir ici & à Lubeck.

A l'occafion de ce qui fe paffe en Pologne, on fe rappelle un trait d'Augufte III, dernier roi de Pologne. On prétend qu'étant au lit de la mort, il dit au prince de Radziwil, en lui recommandant fes fils: Si j'avois voulu prêter les mains aux

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propofitions qui m'ont fouvent été faites de partager la Pologne, il y a long-tems que la couronne feroit affurée à ma famille, & héréditaire à tous nes defcendans.

Les nouvelles que l'on reçoit de Bucharest se contredifent d'un ordinaire à l'autre : tantôt, elles annoncent la rupture des négociations, & tantôt elles donnent les plus grandes efpérances d'une paix prochaine, & ajoutent qu'il ne refte plus à régler que quelques points relatifs à la Ĉrimée. Il eft très- probable que l'onne verra clair dans cette affaire qu'à l'expiration de l'armistice, fixée au 21 Mars prochain; en attendant, les préparatifs formidables qui fe font actuellement, tant en Ruffie qu'à Conftantinople, ne préfagent point le retour de la paix. D'un autre côté, on a ici des avis certains que l'ambaffadeur de France à Vienne y a déclaré que fa cour se préparoit à prendre des arrangemens pour affifter, de toutes fes forces, le roi de Suede, & maintenir ce monarque dans tous fes droits & poffeflions légitimes, s'il arrivoit que l'on entreprît de les lui contester.

BERLIN (le 24 Février. ) On a vu paroître doux imprimés, dont l'un a pour titre : Recherches fur la Pomeranie, & l'autre : Réflexions d'un gentilhomme polonois fur les lettres - patentes du roi de Pruffe. Ces fortes de pieces anonymes doivent fervir à détruire & à noircir les prétentions du roi à la charge de la république de Pologne, avant qu'elles aient été expofées au public. Il ne feroit pas difficile de réfuter ces écrits, & de faire voir qu'ils font remplis de fuppofitions & d'affertions fauffes & malignes, & que la partie hiftorique n'eft tirée que d'auteurs qui ne méritent aucune foi. Mais, pour ne pas multiplier inutilement les écritures, on prie le public de fufpendre fon jugement, jufqu'à ce qu'il ait examiné la

déduction du roi, dans laquelle il verra les droits de S. M. expofés avec vérité, uniquement fur la foi des chartres originales, des traités & des hiftoriens les plus dignes de foi, & où l'on a déjà répondu à la plupart des objections qui fe trouvent dans les écrits fufdits. Le public ne fçauroit auffi être affez en garde contre toutes fortes de pieces fauffes, & imaginées par des politiques fpéculatifs, fans que les cours y aient jamais penfé. C'est dans ce nombre qu'il faut mettre le plan d'une nouvelle forme de gouvernement de la Pologne, qui auroit dû être exhibé au conseil du fénat de Warfovie, & qui s'eft trouvé, dans la plupart des gazettes, comme une piece authentique; ce qu'elle n'eft aucunement.

Suite de la déduction de la cour de Berlin au fujet du port de Dantzig.

L'auteur des réflexions y fait l'hiftoire du port actuel de la Viftule, & en tire fes conclufions en des termes dont voici la fubftance.

«Que l'embouchure de la Viftule appellée le Nordertief où Fahrwaffer, étant devenue fucceffivement plus pénible pour la navigation, tandis que vers le continent à une certaine diftance du terrein appartenant à l'abbaye d'Oliva, on découvroit un fond remarquable, la ville de Dantzig, y avoit fait creufer & piloter, il y a un fiecle, le canal ou port actuel qu'on appelle le Wefter-Fahrwaffer; que ce canal avoit été placé dans le fond de la mer; qu'en faifant enlever par le creufement, & jetter des deux côtés, la terre provenue de ce fond, elle avoit formé les deux bords du canal, dont celui de l'occident étoit contigu aux anciennes limites de l'abbaye, & celui du nord à la Plate; que, par le même moyen, elle avoit formé l'ifle de la Plate, qui n'avoit auparavant exifté que comme un banc de fable, & changeoit encore fouvent de forme; qu'ainfi la ville avoit tiré du fond de la mer, & créé à fes dépens le port actuel de la Viftule, fes bords & la Plate; qu'elle avoit été autorisée à le faire par le droit dont elle jouiffoit d'avoir & d'admi wiftrer un port, & par le privilege que Cafimir, roi de

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Pologne, lui avoit donné en 1457, de régir d'une manie re abfolue, la navigation & les côtes dans toute l'étendue de la Pruffe-Polonoife; que l'abbaye d'Oliva ne pouvoit former aucune prétention fur un canal placé fur le fond de la mer; qu'elle n'avoit ni le droit du port, ni aucun titre fur la mer; que fes limites n'alloient que jusqu'au bord occidental du port actuel; que, felon le privilege de 1342, le droit de propriété de l'abbaye ne devoit s'étendre que jufqu'au bord de la mer; fous laquelle dénomination on ne pouvoit entendre d'autres bords que ceux qui avoient exifté en 1342; qu'en ne lui conteftant pas le droit d'accroiffement de fon bord ou rivage, on ne pouvoit lui accorder un accroiffement fur les bords d'un port conftruit par la ville; que l'abbaye pouvoit prétendre fur le bord de la mer & de la Viftule, mais non la mer & la riviere même, fur le fond defquelles fe trouvoit le port; qu'elle pouvoit encore moins réclamer l'ifle de la Plate, qui s'étoit formée, depuis un fiecle, du côté du bord feptentrional du port, & qui avoit toujours été féparée de la côte occidentale par un fond; qu'enfin, la propriété de ces bords & de la Plate avoit été confirmée à la ville par un refcrit royal du 17 Avril 1732, & faifoit, par conféquent, partie de fon territoire ».

Tous ces raifonnemens ne font fondés que fur des faits allégués fans preuve; & ils ne pechent pas moins par les principes que dans les conclufions.

On ne s'arrêtera pas ici à examiner fi tout ce que la ville de Dantzig avance touchant l'origine & la conftruction du port actuel de la Viftule, eft exactement vrai. Il fe peut qu'elle ait contribué à former ce port par fes creufemens, ce qu'on laiffe indécis; mais cette circonftance feule ne fçauroit lui en affurer une propriété irrévocable dans un terrein étranger; & elle en auroit affez longtems joui pour la compenfation des frais qu'elle peut y avoir faits.

Le point effentiel, d'où dépend la décifion de toute la difpute, roule fur les queftions fuivantes.

«Si la ville de Dantzig a été en droit de placer le port où il eft actuellement; fi c'eft fur le fond de la mer, & hors du rivage de l'abbaye d'Oliva qu'elle l'a placé, & fi par-là, elle a pu acquérir un droit de propriété irrévocable fur le port actuel » ?

Toutes les autres allégations & difcuffions font étrangeres à l'objet principal du litige, & ne font qu'obfcurcir & envelopper la vérité.

Quand la ville de Dantzig affure avoir placé le port

actuel fur le fond de la mer, elle affure un fait, & un fait d'autant plus important & plus contraire à la vue du local, qu'elle ne peut pas prétendre d'en être crue fur fa fimple affertion; mais qu'elle doit en fournir des preuves fuffifantes. Elle ne l'a fait jufqu'ici, qu'en alléguant fimplement des plans qu'elle a fait faire de fon côté, & qui peuvent prouver tout au plus, que la ville de Dantzig a fait creufer un port ou canal à l'endroit où il est actuellement; mais non pas que cet endroit ait fait alors partie de la haute mer & non du rivage de l'abbaye d'Oliva; ce qu'il faudroit prouver.

Il en eft de même des bords du canal & de l'ifle de la Plate, qu'elle n'a pas prouvé & ne fçauroit prouver par fes cartes avoir créés, comme elle le prétend.

La preuve inductive que la ville de Dantzig voudroit tirer de l'abbaye d'Oliva de l'an 1342, ne fait que détruire fa caufe, & établir celle de l'abbaye d'une maniere peu équivoque.

C'eft, en premier lieu, un principe très-faux en foimême, que les limites de l'abbaye déterminées par fon privilege de 1342, fur les bords de la mer, doivent refter fixées pour jamais & d'une maniere invariable, aux bords de la mer, tels qu'ils étoient en 1342; au contraire, comme les bords de la mer varient, les limites de l'abbaye doivent, par cette détermination même & par le droit d'alluvion que la ville de Dantzig ne contefte pas à l'abbaye, fuivre toujours les bords de la mer, à mesure qu'ils s'élargiffent & gagnent fur la mer, & cela d'autant plus que le privilege de 1342 n'eft pas le premier ni le dernier que l'abbaye ait reçu de fes fouverains; mais qu'il a toujours été renouvellé jufqu'aux tems les plus récens, dans les mêmes termes; d'où il réfulte que les bords de la mer, tels qu'ils font, lors de la date de fon privilege le plus moderne, font toujours fes limites.

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La ville de Dantzig commet enfuite un cercle vicieux, en fuppofant gratuitement & fans preuve, que les bords de la mer ne s'étendoient pas en 1342 jufqu'au port actuel & jufqu'à l'ifle de la Plate. Elle fait plus en ca-chant au public que ce privilege contient une clause, qui prouve juftement le contraire en faveur de l'abbaye, il y eft dit clairement, que les limites de l'abbaye alloient de l'embouchure du ruiffeau de Svilina, le long du rivage de la mer, jufqu'au port de la Viftule. Or, le feul port de la Viftule, qui exiftoit alors, étoit l'ancien

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