avile, ni qu'ils aient ufurpé l'autorité, pour en abuser aa mépris des loix. Tout le monde fçait que les Confédérés n'ont pris les armes que contre les Ruffes, qui ont été les premiers à leur faire la guerre la plus barbare. Quiconque connoit un peu le gouvernement de Pologne, n'ignore pas que les confédérations font un remede permis par la conftitution de l'état, pour réparer l'abus, ou repouffer le danger. Si les calamités de toute efpece ont ravagé la Pologne, à qui doit-on les imputer? N'eft-ce pas aux intrigues de la Ruffie, aux violences, aux excès que fes troupes n'ont ceffé de commettre dans un pays qui ne lui avoit jamais donné le moindre fujet de fe plaindre, & fur lequel elle n'avoit aucune forte de droit! Mais, dans le fond, les malheurs de la Pologne pouoient, tout au plus, exciter l'humanité des nations limitrophes, & les engager à y rétablir la tranquillité, fans bleffer les loix de la république. C'étoit le plus noble ufage qu'elles pouvoient faire de leur puiflance. Leur générosité les auroit couvertes de gloire. Les cours unies ne manquent pas de montrer le defir de ramener la fûreté, la paix, le bon ordre en Pologne; mais ce projet louable eft bientôt dégradé par les moyens qu'on emploie à fon exécution. S'emparer des plus belles provinces d'un royaume fous le prétexte de lui rendre la tranquillité, & de luï marquer des limites naturelles, c'eft déclarer, à la face de l'univers, que l'équité, la vérité & la bonne foi, ne font que des noms dont on fe joue au gré de fes intérêts. N'efpérez pas trouver de fondement plus folide aux autres motifs que les cours unies alléguent, pour couvrir leur invafion. La décompofition de la république, qu'elles font femblant de craindre, n'eft qu'une chimere. La Pologne a été fouvent le théâtre de plus grands troubles, & n'a jamais éprouvé cette décompofition qu'on feint d'appréhender aujourd'hui. Ce n'eft pas tout: auriez vous imaginé que des Puiffances formidables craindroient pour leurs propres frontieres, les fuites de ces troubles? La Pologne, dépour vue d'armes & de troupes, réduite à une efpece de nulfité qui, dans le fyftême politique, l'approche du néant, faifoit peur aux cours de Vienne, de Pétersbourg & de Berlin. Quelle dérifion! Ne valoit-il pas mieux avouer franchement, que tout ce qui eft utile, eft jufte, & que la force fait le droit, que de préfenter des raifons pitoyables, qui ne peuvent faire illufion à perfonne? A ces motifs frivoles & fi peu dignes d'attention, les cours unies ajoutent des principes, dont l'injufti'ce & la fauffeté font d'une évidence palpable. Leur premier principe eft, que pour justifier leur invafion, il fuffit qu'elles fe foient communiqué entre elles leurs prétentions refpectives; qu'elles s'en foient fait réciproquement raifon, pour s'emparer de plufieurs provinces de Pologne, & prendre même l'équivalent de ce <qui leur revenoit, pour la non-jouiffance du paffé. Il faut en convenir une telle politique eft aifée, commode & dégagée de toute difcuffion; mais eft-elle `jufte? n'eft-elle pas contraire au droit des gens, qu'ob<fervent toutes les nations policées, & à l'équité naturelle ? Les nations n'ayant point de Juge entre elles, peuvent, fans doute, fe faire juftice à elles-mêmes; mais il eft inoui qu'on fe la faffe avant qu'elle ait été refufée; & c'eft une maxime conftamment observée par tous les peuples de l'Europe, qu'avant d'être autorifé à en venir aux voies de fait, il faut avoir demandé, & n'avoir pas obtenu fatisfaction. Le droit des gens convenu entre les nations, eft conforme fur ce point à l'équité naturelle; elle ne fouffre pas que deux parties intéreffées à dépouiller un tiers, foient 'elles-mêmes Juges de leurs prétentions, & qu'elles s'en faffent raison, fans avoir entendu ce tiers, & avoir difcuté leurs droits avec lui. Quand donc les prétentions des cours unies feroient auffi légitimes qu'elles font dépourvues de prétextes, leur conduite contre la Pologne feroit toujours une invafion odieufe qui viole toutes les regles de l'équité. Leur fecond principe eft de foutenir qu'il n'y a point de prefcription entre les Souverains, & que la poffeffion la plus longue ne peut fervir de titre. Expofer un tel principe, c'eft en démontrer la fauffeté : ce n'eft pas fans raifon que les plus grands Jurifconfultes appellent la prescription la Patrone du genre humain. Si elle eft néceffaire pour mettre fin aux querelles des particuliers, elle l'eft bien plus pour terminer celles des Souverains, parceque celles-ci font le malheur des peu ples, aulieu que les autres ne font que ceux des fa milles. Le troifieme principe des cours unies, eft que les traités les plus folemnels n'aboliffent pas les prétentions les plus anciennes. C'eft encore une de ces erreurs qui portent leur réfutation avec elles-mêmes les traités font les contrats des Souverains; & le même lien qui. engage les particuliers dans les conventions privées, oblige les têtes couronnées dans les conventions publi. ques. C'eft néanmoins en conféquence de ces trois principes, évidemment injuftes & faux, que les cours unies. dépouillent la Pologne, & qu'elles donnent même à leurs prétendus droits une extenfion dont l'hiftoire ne fournit point d'exemple: je veux parler de l'équivalent qu'elles s'arrogent pour se dédommager de la non-jouiffance des poffeffions qu'elles imaginent leur appartenir. L'ambition n'avoit pas encore fongé jufqu'ici à cette nouvelle maniere de s'agrandir; on avoit toujours cru que la longue poffeffion mettoit les Souverains à l'abri de toute demande fur la reftitution des fruits; & l'on fent, en effet, combien il eft ridicule de prétendre qu'on ait droit de s'emparer d'une province, d'un royaume entier, pour avoir été privé pendant plufieurs fiecles, de la jouiffance d'un village. De quelque côté qu'on envifage le fyftême des cours unies, il eft également infoutenable; il eft d'autant plus. étrange, qu'elles ont elles-mêmes réfuté d'avance les principes que leur intérêt leur fait adopter aujourd'hui. (*) Le Roi de Pruffe, dans fon Anti-Machiavel; la Czarine, dans les déclarations qu'elle a publiées fur (*) On ne peut lire, fans admiration, ce que ce Prince dit de l'ambition de s'agrandir, dans le Chapitre VI, , pages 32 & 36, de la juftice, de l'humanité, de la bonne foi, de la fidélité dans les promeffes, & du refpect dans les traités publics, pages 149, 152, 170 & 189. Pour l'Impératrice de Ruffie, lifez entr'autres, fa Déclaration du 26 Mars 1767, depuis l'alinea : L'envie feroit des efforts inutiles, &c. Quant à l'Impératrice-Reine, voyez Rouffet, dans fon Recueil hiftorique d'actes & de négociations, Tome 15, page 149; Referit de S. M. I. à la Grande-Bretagne, page 152; & Referit de la Reine à fes Miniftres à Ratisbonne. les affaires de Pologne; l'Impératrice-Reine, dans les mémoires qu'elle répandit dans toutes les cours de l'Europe, lorfque le Roi de Pruffe entra, à main-armée, en Siléfie. On fera bien plus étonné, quand la république de Pologne aura répondu aux déductions que les trois Puiffances ont promis de produire pour juftifier leurs prétentions. La république n'aura pas de peine à démontrer, que bien loin d'avoir des demandes à former con→ tre elle, il n'y a pas une de ces Puiffances qui ne fût tenue de lui faire des reftitutions. Tous ceux qui connoiffent l'hiftoire, fçavent combien cette preuve eft faeile; mais, en attendant des éclairciffemens, qui mettront toute l'Europe en état de juger avec une pleine connoiffance de caufe, on peut dire que l'affaire est déjà décidée par des traités folemnels que personne n'ignore. Les poffeffions refpectives des trois Puiffances & dé la Pologne, étoient fixées par les traités de Welau, de 1657, & de Warfovie, de 1699, avec la Pruffe ; par le traité de Mofcou, de 1686, avec la Ruffie; par les, traités de Vienne, de 1696 & 1736 d'Autriche. La Pologne n'avoit donné aucune atteinte avec la maifon à ces traités, & les trois Puiffances ne fe juftifierong jamais d'avoir foulé aux pieds l'engagement qui en résul♥ toit pour elles. Auffi n'y a-t-il perfonne qui ne foit perfuadé que leur invafion n'eft fondée que fur des motifs frivoles & des principes infoutenables; qu'elle eft l'ouvrage de la force & de la violence, une ufurpation manifefte, une injuftice criante, & qu'elle préfente au refte de l'Europe les conféquences les plus allarmantes, En effet, fi pour dépouiller une nation, il fuffit de fe liguer fecrétement contre elle, de fe communiquer les prétentions qu'on forme à fa charge, fans lui en donner connoiffance; fi la prescription n'a pas lieu entre les Souverains; fi une poffeffion paifible de plufieurs fecles, ne fert plus de titre ; fi les traités ne produifent point d'engagemens ; n'eft-il rope fera dans un état continuel de guerre ; que tous pas évident que l'Eules liens des fociétés humaines font rompus; que les corps politiques des nations n'ont plus rien d'assuré; que toutes les regles d'équité font détruites, & qu'il ne refte, fur les débris de la juftice, que l'affreuse anarchie de la force & de l'audace? Malheur aux Puiffances qui donnent des exemples auf funeftes! Elles devroient prévoir qu'on eft autorife à les fuivre contre elles-mêmes, & qu'elles peuvent être un jour la victime des erreurs qu'elles érigent en fyftême, pour favorifer leur intérêt du moment. Que le Roi de Pruffe ait adopté une politique fpoliatrice, il ne faut pas en être furpris ; il n'avoit pas d'autres moyens pour augmenter fes états, & jouer un rôle important dans l'Europe; mais que l'ImpératriceReine & la Czarine, que deux grandes Puiffances, au milieu de toutes les reffources qui font la fplendeur des empires, foient enfin entrées dans les injuftes projets de la maifon de Brandebourg, c'eft un événement qu'on n'auroit pas ofé mettre au rang des poffibilités. On ne conçoit pas furtout comment l'Empereur, dont les premieres démarches fembloient promettre le regne d'un grand Monarque, a pu prêter l'oreille à des propofitions inconciliables avec l'honneur & l'équité : quelle confiance pourront avoir en lui les membres de l'empire, fes voifins, fes propres peuples? Chacune des trois puiffances unies a perdu le plus ferme appui des états; la réputation: elles auront hea répandre les déclarations, & multiplier les fermens pour affurer les autres nations de l'Europe; leur conduite contre la Pologne met au grand jour leur politique, & cet exemple effrayant rendra vaines toutes leurs pro meffes. S'il n'étoit donné que par une feule de ces cours, on pourroit être plus tranquille fur les fuites; mais la ligue de trois Puiffances formidables doit néceffairement allarmer tous les peuples. Le traité de partage pour les provinces de Pologne, menace également le Danemarck, la Suede le corps germanique, la Hollande, la Suiffe, les Princes d'Italie, enfin l'Europe entiere. La caufe de la Pologne eft celle de toutes les nations, & particulierement des Puiffances du fecond ordre; elles doivent fentir que fi elles ne fe conféderent pas de bonne heure pour rompre la ligue des cours de Vienne, de Berlin & de Pétersbourg, elles tomberont les unes après les autres, fous le joug de ces trois Puiffances, & qu'il n'y a qu'une alliance offenfive, prompte & générale, qui puisse les garantir de leur chûte. ^ WILNA (le 6 Décembre.) On ne commencera qu'au nouvel an à exécuter le nouveau systê |