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plus forte raison, le libérer de toute responsabilité sur ces deux volumes, que j'ai travaillés sur des essais plus imcomplets encore : j'ai changé la forme du premier et la distribution du second. J'ai traité chaque partie avec la même liberté dans le détail que si le fonds m'eût appartenu. Ce n'est pas par un sentiment d'amourpropre, mais par nécessité que je me suis attaché à ce mode de rédaction. Je n'aurois pas besoin d'apologie à cet égard auprès de ceux qui auroient vu les originaux qui ont servi à mon travail; ję n'en aurai pas même besoin auprès de ceux qui ont lu les ouvrages que l'auteur a publiés. Ils ont la preuve toute acquise que, pour les rendre accessibles à un grand nombre de lecteurs, il falloit leur donner des formes moins austères, moins didactiques, et les traduire dans un langage plus familier que le sien. Admirable dans l'analyse, admirable dans la justesse et la précision des idées, tout ce qui sort de ses mains porte le caractère d'un génie créateur. S'il attribue aux lecteurs plus

de force, plus de persévérance qu'ils n'en ont dans la poursuite des vérités abstraites, s'il leur fournit plus de pensées qu'une attention commune n'en peut digérer, et dans une forme peu attrayante, parce qu'elle est toujours démonstrative, c'est un objet de regret sans doute ; mais il n'appartient qu'à un esprit supérieur de tomber dans ce défaut, et on l'explique facilement de la part d'un penseur qui s'est voué depuis long-temps à une solitude laborieuse.

DES

SOPHISMES POLITIQUES.

INTRODUCTION.

I.

DU SOPHISME EN GÉNÉRAL.

L

F. Sophisme est un argument faux revêtu d'une forme plus ou moins captieuse. Il y entre toujours quelque idée de subtilité, quoiqu'il n'implique pas nécessairement celle de mauvaise foi. On peut l'employer en se trompant soimême, comme on peut débiter de la fausse monnoie que l'on croit bonne.

Entre erreur et sophisme, il y a une diffé→ rence facile à saisir. Erreur désigne simplement une opinion fausse; Sophisme désigne aussi une opinion fausse, mais dont on fait un moyen pour un but. Le sophisme est mis en œuvre pour influer sur la persuasion d'autrui et pour en tirer quelque résultat. Ainsi, l'erreur est

les.

l'état d'une personne qui entretient une opinion fausse; le sophisme est un instrument d'erreur. Parler du bon vieux temps, croire que anciens, comme anciens, étoient plus sages, plus habiles que les hommes d'aujourd'hui, ce sera, par exemple, une erreur vulgaire. Se prévaloir de ce préjugé, s'en servir pour combattre des innovations utiles ou pour défendre des institutions vicieuses, ce sera sophisme.

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Chaque sophisme a son caractère particulier, mais ils ont tous un caractère commun, celui d'être étrangers à la question. La question, dans une Assemblée politique, doit toujours être, celle-ci : la mesure proposée est-elle bonne ou mauvaise? Il s'agit de calculer ses effets, de comparer les biens et les maux qu'elle peut produire autant de biens, autant d'arguments en sa faveur; autant de maux, autant d'arguments contre elle. Le Sophisme allègue pour ou contre une loi toute autre chose que la considération de ses effets; il tend à détourner l'esprit de ce point de vue, à lui en substituer quelque autre, et à juger la question sans égard à son mérite intrinsèque (1).

(1) Voyez Traités de législation. Tom. I. Page 108. Des fausses manières de raisonner en matière de loi.

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Pour bien faire comprendre ceci, je donnerai un exemple tiré du barreau. Dans une Cour de Justice où la question seroit l'innocence ou le crime d'un accuse, le sophiste, au lieu d'examiner les preuves du fait, se du fait, se jeteroit sur l'ancienneté de la famille de l'individu, sur les services de ses ancêtres, sur la gloire dont ils se sont couverts, sur la fortune qu'il possède et l'usage qu'il en a fait, sur la faveur de l'opinion publique, sur les recommandations du Prince, sur les erreurs des tribunaux, sur l'incertitude des preuves en général; et il composeroit un plaidoyer tiré de considérations dont aucune'l ne se rapporteroit directement au fait dont il s'agit.

D'après ce caractère, commun à tous les sophismes, on peut anticiper les conclusions suivantes, qui seront justifiées par l'examen de chacun d'eux en particulier.

1. Les sophismes fournissent une présomption légitime contre ceux qui s'en servent. Ce n'est qu'au défaut de bons arguments qu'on peut avoir recours à ceux-là.

2.° Par rapport à de bonnes mesures, ils sont inutiles; du moins, ils ne peuvent pas être nécessaires.

3.° Non-seulement on peut les appliquer à

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