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CHAPITRE VIII.

SOPHISME DES DIVERSIONS ARTIFICIEUSES.

CE mode d'argumentation frauduleuse peut

s'expliquer sous la forme d'une instruction pour l'employer.

mettez en avant

Propose-t-on quelque mesure qui ne s'accorde pas avec votre intérêt ou votre inclination, mais qu'il ne vous paroît pas prudent d'attaquer de front et de représenter comme absolument pernicieuse; quelqu'autre mesure relative ou non à celle que vous voulez éluder, et qui puisse rivaliser avec elle. « Pourquoi cette mesure, et pourquoi pas celle-ci ou telle autre ? » par ce moyen vous opérez une diversion, vous détournez l'attention du projet qui vous contrarie, vous affoiblissez son importance en présentant d'autres objets à l'esprit de vos auditeurs.

Ce mode d'agir ne pourroit point se ranger dans la classe des opérations sophistiques, dans le cas où la mesure proposée en substitution de la première, seroit réellement d'une utilité. plus immédiate.

Quelquefois on jette en avant ces mesures

rivales sans les convertir en motions distinctes

on ne se propose par-là que de suspendre ou d'écarter la première question. Et quoique cette espèce de diversion paroisse très-foible, tous ceux qui ont l'habitude des assemblées politiques savent que ce moyen est très-efficace qu'il déroute les idées, et qu'il peut consumer des séances avant qu'on puisse se rallier au point en question, si même il est possible d'y revenir.

Mais on se sert encore plus ingénieusement de ces diversions en introduisant une contremesure, soit tout-à-fait étrangère à la question, soit analogue, mais iuférieure. S'agit-il par exemple d'un plan de réforme ou d'économie? le parti hostile lui oppose un plan rival qui limite la réforme ou l'économie à quelque objet minime (1).

Cependant cela même est encore un sacrifice d'intérêt, auquel on ne se résout qu'à la dernière extrémité.

(1) Ceci n'est pas, à proprement parler, un sophisme; mais comme il y a une grande connexion entre ces deux stratagêmes, qui ont également pour objet d'opérer une diversion, on a cru que ces observations ne paroîroient pas déplacées.

Le grand point est de susciter une contremesure tout-à-fait étrangère, qui fasse une diversion complète, et qui occupe un temps considérable. Les événements publics en fournissent souvent l'occasion ou le prétexte, et l'on se saisit, dans cette vue, des moindres incidents, surtout des personnalités, pour donner un autre cours aux débats et aux affaires.

Mais enfin, s'il n'y a pas moyen d'éluder entièrement la mesure, si la nécessité d'un sacrifice existe, le premier objet, pour vous, doit être de vous emparer du plan et de son exécution, d'annoncer que vous êtes prêt à offrir vous-même un projet relatif; et quand vous avez gagné ce point qu'un parti ministériel est toujours sûr d'emporter, on ne sauroit vous refuser le temps nécessaire pour le préparer, vous prenez vos engagements pour la session suivante, et vous voilà tranquille.

La session suivante est arrivée. Le commencement n'est pas favorable pour la proposer, on a trop d'affaires courantes et urgentes à expédier, vous avez ensuite le bénéfice des circonstances imprévues; mais s'il n'est pas avisable de la remettre, vous la proposez à la fin de la session: il faut nécessairement l'ajourner à la session suivante; voilà du temps gagné, et vous

TROISIÈME PARTIE.

SOPHISMES DE CONFUSION.

LES antagonistes d'une mesure proposée sont

ils forcés dans leurs retranchements, n'ont-ils aucun moyen d'éviter la question, il ne leur reste d'autre parti à prendre qu'à répandre sur la matière qu'on traite une obscurité profonde. Ils peuvent espérer de se sauver dans les té

nèbres.

C'est à ce chef qu'on peut rapporter les sophismes suivants.

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1. La théorie tournée en reproche-le ridicule jeté sur les idées de perfectionnement le mépris affecté pour la philosophie appliquée à la législation.-Sophismes des anti-penseurs.

2. La confusion des causes. Ils attribuent les heureux résultats du gouvernement à des institutions qui, loin d'y avoir contribué, n'ont

pu faire que du mal. Sophisme de l'obstacle pris pour la cause.

3. La confusion de la partie avec le tout. Ils rejettent une réforme proposée, pour quel

que léger inconvénient qu'il seroit aisé de faire disparoître. Sophisme des inconvénients remédiables présentés comme moyens concluants contre la mesure.

4. La confusion de l'abus avec l'usage ils veulent les représenter comme inséparables, ou ils s'efforcent de protéger l'un par l'autre. Sophisme de partialité avouée.

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A

5. La confusion des mots ou l'emploi des termes ambigus. Ce sophisme se subdivise en plusieurs branches.

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6. La confusion des individus qui composent le Gouvernement avec le Gouvernement même. Ils s'identifient avec lui, et disent; «Qui nous attaque, attaque le Gouvernement. » Sophisme qui protège les prévaricateurs officiels. homold

7. La confusion des hommes et des mesures. La saine raison dit qu'on doit juger des hommes qui gonyernent, par leurs mesures. L'esprit de parti a pour maxime de juger des mesures par les hommes. Sophisme d'opposition générale et personnelle.

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