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Voilà quelle fut l'habitation du Roi depuis le 13 août jusqu'au 29 septembre, et de sa famille depuis le 13 août jusqu'au 26 octobre. A l'aide de ces plans, on peut suivre la vie intérieure des prisonniers.

Arrivés de nuit dans la demeure que la révolution leur assignait, ils ne purent que le lendemain matin, 14 août, se rendre compte de la distribution de cet édifice. Ils parcoururent tout l'intérieur de la grande et de la petite tour; ils apprirent que le Conseil de la Commune, qui, dès le premier moment, s'était attribué le droit de statuer exclusivement sur tout ce qui concernait la surveillance et l'administration du Temple, venait d'ordonner des travaux considérables pour isoler et fortifier cette maison d'arrêt'. Une commission était nommée pour surveiller ces travaux et en régler la dépense.

Dans la journée même, le patriote Palloy, accompagné de Sautot, son collègue, et de MM. Poyet et Paris, architecte et inspecteur des travaux de la Commune, vint prendre connaissance des localités : ce maçon ambitieux, déjà célèbre pour avoir démoli la Bastille, cette citadelle de la tyrannie, avait brigué la gloire de construire la prison du tyran. Ses ouvriers envahirent l'enclos. Les murs et bâtiments qui attenaient au massif de la tour furent abattus, afin de le dégager de toutes parts jusqu'à une certaine distance. Les locataires de ces bâtiments furent délogés immédiatement, sauf à recevoir plus tard une indemnité. Les arbres les plus voisins de la tour furent abattus. Le terrain fut bouleversé; une sorte d'indécision présida aux premiers ouvrages d'après un arrêté de la Commune, un fossé large et profond fut tout d'abord creusé à l'entour de l'édifice3, puis comblé avant d'être achevé. On exhaussa du double les murs d'enceinte ; plusieurs fenêtres donnant sur la partie de l'enclos appelée la

1 Conseil général de la Commune, séance du 13 août 1792.

2 Archives de l'Empire et Registres de la Commune.

3 Archives de la Préfecture de la Seine.

Rotonde, le point d'habitation le plus voisin, furent masquées. Les travaux de tout genre nécessitèrent des dépenses considérables'; la révolution se trouvait généreuse quand il s'agissait d'assurer la captivité du Roi.

La famille royale voyait ainsi, chaque jour, travailler à sa prison.

Elle était arrivée au Temple dans un dénûment absolu de toutes choses. Il lui fallut avoir avec le dehors, tantôt pour un objet, tantôt pour un autre, des relations gênées par mille entraves et qui devinrent bientôt suspectes. Les personnes qui avaient eu le touchant privilége de la suivre dans le malheur furent dénoncées à la Commune, et celle-ci, dans sa séance du 17 août, ordonna leur enlèvement de la tour. La notification de cet arrêté fut transmise le lendemain au Temple par deux officiers municipaux. C'était à l'heure du diner, à deux heures; la famille royale était comme de coutume à table dans la chambre du Roi, au troisième étage. Messieurs, répondit ce prince, c'est en vertu d'un ordre. du maire que ces personnes m'ont suivi, moi et ma famille.

N'importe, répliquèrent les commissaires, le nouvel ordre que nous apportons annule le premier; la Commune choisira d'autres personnes pour vous servir.» (Il parait qu'on avait l'intention d'entourer la famille royale de femmes et de parents de municipaux.) « Messieurs, dit le Roi, si l'on persiste dans le dessein d'éloigner de nous les serviteurs qui nous restent ici, je déclare que ma famille et moi nous nous servirons nous-mêmes. Qu'on ne me présente donc qui que ce soit. Nous allons, répondirent les mandataires de la Commune, rendre compte du résultat de notre mission au conseil général. » Et ils se retirèrent. Manuel vint au Temple vers cinq heures; il parut sensible au chagrin que le Roi et la Reine lui témoignèrent de voir s'éloigner d'eux les per

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1 Les Registres de la Commune et les Archives de l'Empire, qui contiennent les notes acquittées, en font foi.

sonnes qui leur étaient attachées, et il promit d'employer ses efforts à faire suspendre la mesure qui venait d'être prise. Il sortit pour aller directement conférer sur cet objet avec le conseil de la Commune. Le soir même, deux envoyés municipaux se présentèrent dans la tour; ils prirent par écrit le nom de la princesse de Lamballe, de madame et de mademoiselle de Tourzel, celui de toutes les personnes du service de la famille royale, et sans s'expliquer sur les motifs de cet acte, ils se retirèrent. Dans la nuit du 19 au 20, ces deux officiers municipaux se présentèrent de nouveau, chargés d'emmener toutes les personnes qui n'étaient pas membres de la famille Capet. La Reine s'opposa au départ de madame de Lamballe, déclarant qu'elle était sa parente, et que l'arrêt de la Commune ne pouvait la concerner. Mais « il n'y avait qu'à obéir dans la position où nous étions, rapporte madame de Tourzel. Nous nous habillâmes et nous passâmes ensuite chez la Reine, entre les mains de laquelle je remis ce cher petit Prince, dont on porta le lit dans sa chambre sans qu'il se fût réveillé. Je m'abstins de le regarder, afin de ne pas ébranler le courage dont nous allions avoir tant besoin, pour ne donner aucune prise sur nous, et revenir reprendre, s'il était possible, une place que nous quittions avec tant de regret. La Reine vint sur-le-champ dans la chambre de madame la princesse de Lamballe, dont elle se sépara avec une vive douleur. Elle nous témoigna, à Pauline et à moi, la sensibilité la plus touchante, et me dit tout bas : « Si nous ne sommes pas assez heureux pour vous revoir, soignez bien madame de Lamballe. Dans toutes les occasions essentielles prenez la parole, et évitez-lui autant que possible d'avoir à répondre à des questions captieuses et embarrassantes. » Madame était tout interdite et bien effrayée de nous voir emmener. Madame Élisabeth arriva de son côté, et se joignit à la Reine pour nous encourager. Nous embrassâmes pour la dernière fois ces augustes princesses, et nous nous arrachames, la mort dans l'âme, d'un lieu qui nous rendait si

chère la pensée de pouvoir être de quelque consolation à nos malheureux souverains.

>> Nous traversâmes les souterrains à la lueur des flambeaux ; trois fiacres nous attendaient dans la cour. Madame la princesse de Lamballe, ma fille Pauline et moi, montâmes dans le premier, les femmes de la famille royale dans le second, et MM. de Chamilly et Hue dans le troisième. Un municipal était dans chaque voiture, qui était escortée par des gendarmes et entourée de flambeaux. Rien ne ressemblait plus à une pompe funèbre que notre translation du Temple à l'Hôtel de ville'. »

Les municipaux avaient dit à toutes ces personnes qu'on emmenait ainsi à la barre de la Commune qu'elles reviendraient au Temple après avoir été interrogées; mais il n'y eut que M. Hue, qui, le 20 août, fut ramené au Temple : il ignorait le sort de ses compagnons, cependant il rapportait l'espoir qu'ils seraient comme lui réintégrés à la Tour 2. Cet espoir ne devait pas se réaliser. Dans l'après-midi, vers six heures, Manuel se présenta: il dit au Roi qu'il n'avait point réussi dans ses démarches, et qu'il avait le regret de lui annoncer, de la part de la Commune, que madame de Lamballe, madame et mademoiselle de Tourzel, Chamilly et les femmes de chambre, ne rentreraient point au Temple. «Que sont-ils devenus? demanda Louis. Ils sont prisonniers à l'hôtel de la Force, répondit Manuel. Que ferat-on, reprit le Roi en regardant M. Hue, du dernier serviteur qui me reste ici? La Commune veut vous le laisser, dit Manuel; et comme il ne saurait suffire à votre service, elle enverra des gens pour l'aider. Je n'en veux pas; si

1 Mémoires inédits.

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2 Le municipal qui le ramena à la Tour appartenait au parti modéré. Interrogé dans le trajet par M. Hue sur le sort des personnes arrêtées avec lui et conduites comme lui à l'Hôtel de ville : « Mes collègues, répondit l'officier municipal, avaient passé plusieurs nuits sans dormir, ils ont été prendre quelque repos; mais ce soir l'assemblée sera complète, et statuera sur le sort de ces personnes. Leur interrogatoire est clos; je présume qu'elles seront renvoyées à leur service. » Ce municipal s'appelait Michel.

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