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ches, Directeur de l'Opera Comique, fe mit à le contrecarrer, employant le verd & le fec pour lui enlever fes pratiques. Celui-ci ayant l'avantage du chant fur fon rival, l'auroit infailliblement terraffé, fi la St. Edme, femme du grand Agioteur qui nous engage à cette digreffion, intrigante & d'une imagination féconde, ne s'étoit avifée d'attirer le fpectateur, en expofant aux yeux des Badauts de Paris, des objets tout-à-fait propres à captiver leur attention. Ayant annoncé dans fes affiches, qu'elle alloit régaler le public d'une fçene des plus extraordinaires, & où l'on verroit voler un Ane, tout Paris y courut, animé par la nouveauté du fpectacle, qui dans le fond n'auroit dû amufer que des enfans, ou des ruftauts, même de la derniere claffe: car tout confiftoit à faire defcendre par des machines, du haut d'un Théâtre très-élevé, un Ane poftiche, qui imitoit affez le naturel. Malgré cette niaiferie, chacun voulut voir ce prodige; & la fureur du public alla fi loin, que l'on vit tous les plus beaux fpectacles de Paris défertés pendant près d'un mois, qu'on fit durer la defcente du Baudet fans difcontinuation. Ces représentations réïterées rapporterent un C6

pro

Couplets de Chanfon au fujet de l'Ane pof. tiche de la foire St. Germain, au Théâtrede la S. Edme; fur l'air du

Confiteor,

profit confiderable à St. Edme, & le mirent à portée de foufcrire pour certain nombre d'Actions, qui l'éleverent au point de pouvoir faire briller fon nom parmi ceux de Bourbon, Orleans, &c. Ce qui aura lieu de furprendre, c'est qu'il n'y eut qu'un très-petit nombre de gens de bon goût, qui ne furent point les dupes d'une imagination fi bizarre; tout le refte y donna fi aveuglément, que le pauvre Deftouches ne pouvoit fe confoler de voir fa troupe méprifée. On prétend même qu'il en pleura de rage & de dépit; & c'eft ce qui donna lieu à plufieurs Couplets de Chanfon qui coururent dans ce temslà. Comme je ne me fouviens pas de tous, je me contenterai d'en rapporter feulement ceux que ma mémoire me fournit..

A la Foire tout Paris va,

Pour voir Ane de la St. Edme;
Pour ceux du Comique Opera,
L'empressement n'est pas de même:
L'un n'est pourtant qu'un faux Baudet,
Les autres le font en effet.

Autrefois Paris admira

Corneille, Racine, & Moliere;

Lully,

Lully, dans fon moindre Opera,
Trouva le grand art de lui plaire;
Ces grands Hommes des tems passés
Par un Ane font effacés.

A la Foire Deftouche en pleurs
Se plaint, que l'Opera Comïque,
Malgré les foins des Directeurs,
Echoue auprès d'une Bourrique:
Faut-il qu'un fi fot Animal
En mene tant à l'Hôpital!

Il faut encore obferver ici, que (excep té le feul Le Blanc) nul de ces gros Miffiffipiens dont nous avons rapporté l'Hiftoire, ne figna la delibération.. Ayant vendu toutes leurs Actions, ils n'avoient plus d'intérêt à paroître dans une Affemblée qui n'auroit pu les reconnoître qu'en qualité de Réalifeurs, & en même tems comme des déferteurs, qui, par leur indigne manege, avoient déja fapé les fondemens d'un Systême qui les avoit enrichis.

ou, Mon pere j'ai Souvent menti,&e,

Cette De

Le résultat de cette Déliberation, libération, quoiqu'écrite à la main, ne laiffa pas qui d'aque de caufer quelques mouvemens dans bord fou les bureaux de la rue Quinquempoix. Le crédit du Papier augmenta beau-chofes, ne coup, dès que la jonction de la Ban-fit que le

tint un

peu les

contraire

dès qu'elle que Royale à la Compagnie des Indes parut im- y parut le lendemain, dans un Arrêt primée. concernant les plus importantes affaires

de ces deux grands établiffemens. Cet
Acte occafionna la manœuvre des Ac-
tionaires qui voulurent vendre: & com-
me l'Arrêt ne fait que confirmer la De-
libération de la Compagnie des Indes
qu'on vient de voir, nous le renvoyons
dans les Preuves de cette Histoire (1).
Par une bizarrerie affez extraordinaire,
le mouvement des négociations fe ral-
lentit dès que le Réfultat & l'Arrêt pa-
rurent imprimés. La manœuvre des
donneurs de Primes tendant à offrir des
Actions à tous venans
il n'eft pas
étonnant qu'on les vit defcendre, à un
point même que les avances qu'on avoit
reçues demeuroient au profit des Ven-
deurs. D'ailleurs, comme il n'étoit pas
au pouvoir du Sr. Law de brider la l-
berté de penfer, chacun interprétoit ces
deux Actes à fa manière, & confor
mement à fes intérêts particuliers. Ceux
qui avoient beaucoup d'Actions, fe fer-
voient de l'occafion pour les faire mon-
& les vendre au plus haut, dans
le deffein de les racheter enfuite au plus

ter,

(s) Voyez Tom. VI. N°. LXVI.

bas

bas prix, après que leur thermomètre les auroit fait baiffer. Ceux au contraire qui n'étoient pas encore remplis, & qui avoient intérêt d'empêcher que les Actions ne montaffent, oppofoient aux raifonnemens des Primeurs, que les précedentes opérations de la Compagnie n'ayant pu, depuis deux mois, rien effectuer en faveur des Actions, il en feroit de même de ce dernier Acte, par rapport à la conjoncture des affaires, & au peu de confiance qu'on avoit aux Billets de Banque. En effet, après qu'on fe fût apperçu qu'on ne payoit plus à la Banque qu'avec lenteur, que l'ouverture de fes bureaux étoit rétardée, &c. les derniers Actionaires ne fongerent plus qu'à réaliser à leur tour. En confequence de ce deffein, ils s'attacherent à tous les Bijoux & autres petits ouvrages d'or qu'ils purent trouver dans Paris, & qu'ils firent par-là monter au quadruple de leur valeur. Le Papier cependant qu'ils donnoient pour ces ouvrages, étoit acquitté à la Banque, malgré la lenteur qu'on affectoit dans les payemens: c'eft ce qui a fait gagner confiderablement des Metteurs en œu vre qui n'employoient que de l'or d'un très-bas aloi, & qu'on leur payoit tout

ce

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