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sidérer comme pirates les navires d'une

La puissance qui a saisi le bâtiment et arrêté l'équipage, est dès lors juge de la validité de la prise et de la culpabilité des individus. Il ne faut pas confondre les corsaires avec les pirates, dont ils diffèrent en ce qu'ils sont commissionnés et autorisés par leur souverain pour courir la mer en temps de guerre, tandis que les pirates courent la mer en tout temps sans commission d'aucun souverain. § 496. Unc des questions que nous avons étudiées avec le plus Doit-on conde soin est celle de savoir si l'on doit considérer comme actes de piraterie, selon le droit des gens, les actes que commet le navire d'un pays neutre armé pour faire la course avec lettres de marque délivrées par un belligérant, et qui s'empare des navires de l'autre belligérant resté en paix avec le pays auquel il appartient par sa nationalité. Nous reconnaissons que la question n'a pas été résolue d'une manière concluante par le droit international, et que, si le capitaine et les officiers du navire méritent en cas de capture d'être traités selon les lois de la guerre, il ne s'ensuit pas que, d'après le droit des gens, leur conduite doive forcément être regardée et traitée comme piraterie.

A défaut d'une pratique constante et bien définie, les principaux États semblent avoir implicitement résolu la question de principe en s'obligeant mutuellement à interdire à leurs sujets d'accepter des lettres de marque d'aucun gouvernement étranger. Dans quelques traités, on ne se borne même pas à cette prohibition on est allé jusqu'à établir que ceux qui entreprendront la course dans de pareilles conditions, seront regardés comme pirates. Pendant la guerre entre les États-Unis et le Mexique le gouvernement de Washington, dans une note adressée au cabinet de Madrid, rappela à celui-ci l'article 14 de son traité du 24 octobre 1795 (1), et le président Polk, en rendant compte de cet incident dans son message du mois de décembre 1846, réclama du congrès l'autorisation formelle de juger et de punir comme pirates les sujets espagnols qui accepteraient des lettres de marque contre le pavillon des ÉtatsUnis (2).

(1) Ch. Calvo, t. IV, p. 113; Elliot, v. I, p. 390; Martens, 1re édit., t. VI, p. 561; 2o édit., t. VI, p. 143; State papers, v. VIII, p. 540.

(2) Parmi les traités qui établissent en ce sens le point dont nous nous occupons, nous pouvons citer: celui de 1778 entre la France et les ÉtatsUnis (Elliot, v. I, p. 34; Martens, 1re édit., p. 685; 2o édit., p. 587; State papers, v. V, p. 6); de 1789, entre le Danemark et Gênes (Martens, Ire édit., t. IV, p. 532; 2° édit., t. IV, p. 438); et ceux conclus par les États-Unis avec la Suède en 1783 (Elliot, v. I, p. 168; Martens, 1ro édit., t. II, p. 328; t. VII, p. 52; 2e édit., t. III, p. 565) et 1827 (Elliot, v. I,

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Le droit des gens attribue le caractère de pirate à tout navire qui reçoit des lettres de marque de deux ou de plusieurs gouvernements. Cependant les lois particulières des États limitent habituellement cette qualification et ses conséquences au capitaine et aux officiers du navire, en exceptant les simples matelots. Ortolan, dont nous partageons la manière de voir sur ce point, pense toutefois que les gouvernements régis par des lois différentes sont libres de repousser l'exception, et peuvent en pareil cas traiter comme pirates tous les hommes de l'équipage. Les règles qui précèdent ne sauraient naturellement être appliquées au cas où un corsaire a été régulièrement autorisé par son propre gouvernement et par celui d'un ou de plusieurs alliés co-belligérants à courir sus aux navires d'un ennemi commun.

Mais sont réputés pirates et traités comme tels les capitaines de navires armés qui ont reçu des lettres de marque d'un État étranger sans la permission de leur gouvernement; et ceux qui se sont livrés à des actes d'hostilité sous un pavillon autre que celui del'État dont ils ont reçu commission.

Un gouvernement est-il fondé en droit à proclamer pirates et à punir de mort les rebelles qui parcourent les mers pour s'emparer des biens appartenant aux sujets ou citoyens demeurés fidèles au pouvoir établi ? Pour résoudre cette question, il faut tenir compte du nombre et de la position des rebelles à l'égard du gouvernement qu'ils attaquent, de la portée, de l'organisation et des forces matérielles de l'insurrection.

En principe, et tant qu'elle ne se propose que le renversement du pouvoir établi, la substitution d'un gouvernement à un autre, la rébellion est un crime politique, rentrant exclusivement dans

p. 209; State papers, v. XV, p. 730; Martens, Nouv. recueil, t. VII, p. 271); avec la Grande-Bretagne en 1794 (Elliot, v. I, p. 242; Martens, 1re édit., t. VI, p. 336; 2° édit., t. V, p. 641; State papers, v. I, p. 784) et 1806 (Martens, 2o édit., t. VIII, p.579; State papers, v. I, p. 1190); avec la Prusse en 1875 (Elliot, vol. II, p. 334; Martens, 1re édit., t. II, p. 566; 2o édit., t. IV, p. 37; State papers, v. XV, p. 885); en 1799 (Elliot, v. I. p. 356: Martens, 1r édit. Suppl., t. II, p. 227; 2e édit., t. VI, p. 668) et 1828 (Elliot, v. I, p. 378; State papers, v. XV, p. 874; Martens, Nouv. recueil, t. VII, p.615); avec l'Espagne en 1795 (Ch. Calvo, t. IV, p. 113; Elliot, v. I, p. 390; Cantillo, p. 665; Martens, 1re édit., t. VI, p. 561; 2° édit., t. VI, p. 143; State papers, v. VIII, p. 540) et 1819 (Ch. Calvo, t. VI, p. 142; Elliot, v. I, p. 414; Cantillo, p. 819; Martens, Nouv. recueil, t. V, p. 328; State papers, v. VIII, p. 524; Lesur, 1819, app., p. 597); et avec l'Amérique centrale en 1825 (Elliot, v. II, p. 41; Martens, Nouv. recueil, t. VI, p. 826; State papers, v. XIII, p. 838).

le droit public interne de chaque nation; son caractère de criminalité et la juridiction civile ou militaire de laquelle elle devra ressortir dépendent donc des lois spéciales intérieures qui régissent la matière. Le gouvernement, dont la rébellion met l'existence en jeu, est libre et souverain pour poursuivre et réprimer comme il l'entend, par les forces dont il dispose, les attaques dirigées contre lui; mais il ne suffit pas qu'il attache au fait la qualification de piraterie, pour que cette rébellion se transforme ipso facto à l'égard des États étrangers en crime de droit des gens et devienne punissable comme tel. Cela est si vrai que le pays où a éclaté une rébellion qui, par sa puissance et sa durée, assume le caractère de guerre civile, peut, à son point de vue, pour ses propres convenances, ne voir que des actes de piraterie dans ce que les autres pays, étrangers à la lutte, considèrent et respectent comme des actes de belligérants. C'est ce qui s'est produit notamment pendant la formidable insurrection qui, en 1861, a divisé et ensanglanté les États du Nord et du Sud de la grande fédération américaine.

Cas de la guerre civile

§ 497. La guerre civile qui désola l'Espagne en 1873, a fourni aux grandes puissances l'occasion d'exposer plus nettement leur en Espagne. politique dans de semblables circonstances.

L'Espagne, à cette époque, était divisée en trois gouvernements de fait qui se disputaient la suprématie: le gouvernement républicain central de Madrid, qui en réalité assumait la représentation de la souveraineté du pays; le gouvernement de la confédération ou cantonaliste, qui occupait certaines provinces et avait à sa disposition des forces de mer et de terre; enfin le gouvernement carliste, qui dans le Nord s'efforçait vainement de faire triompher la réaction absolutiste.

Toutes les puissances, bien qu'aucune, excepté la confédération helvétique, ne l'eût reconnu officiellement, considéraient le gouvernement de Madrid comme la véritable autorité nationale, et les autres comme de simples factions.

Voici les principes qui guidèrent leur politique à l'égard des navires au service des différentes factions:

Les bâtiments obéissant au gouvernement de fait existant à Madrid étaient reconnus comme constituant la force navale réelle de la nation espagnole, c'est-à-dire que leurs commissions étaient considérées comme les seules légalement valables, et le pavillon qu'ils arboraient passait, dans les ports étrangers et aux yeux des escadres des autres puissances, pour le pavillon officiel de l'État.

Quant aux navires au pouvoir des cantonalistes, ils étaient re

1873.

Echange de notes entre

et l'Allemagne,

gardés comme dépourvus de toute représentation nationale. Toutetefois aucune puissance n'entendait intervenir dans les actes qu'ils accomplissaient dans les eaux espagnoles ou en haute mer, pourvu qu'ils ne portassent point atteinte à ses droits et à ses intérêts ou n'abordassent point dans ses ports; car dans ce cas ils seraient arrêtés et livrés au gouvernement de Madrid, comme le furent effectivement les frégates Victoria et Almanza, prises aux insurgés de Carthagène par les forces navales de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne. Telle était la ligne de conduite sur laquelle l'Angleterre, l'Allemagne et la France s'étaient mises d'accord.

§ 498. Le 24 juillet 1873, le secrétaire des affaires étrangères l'Angleterre d'Angleterre disait dans une note aux lords de l'Amirauté : «< Relativement aux navires de guerre déclarés pirates par décret du gouvernement de Madrid, Lord Granville m'a ordonné de vous recommander d'informer les lords de l'Amirauté que le gouvernement de Sa Majesté considère que, si ces navires commettent des actes de piraterie portant atteinte aux sujets ou aux intérêts britanniques, ils doivent être traités comme pirates, puisque le gouvernement espagnol les a privés de la protection de son drapeau; mais que, s'ils ne commettent aucun acte de ce genre, ne doit pas se mêler de leurs affaires. Je dois ajouter que Granville présume qu'il y a sur les côtes d'Espagne des forces navales britanniques suffisantes pour protéger les intérêts nationaux dans les circonstances actuelles. >>

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Lord

Le 9 août suivant, le comte de Munster, ambassadeur d'Allemagne à Londres, écrivait au secrétaire des affaires étrangères du Royaume-Uni :

« Mylord, dans une entrevue personnelle avec Votre Excellence, j'ai eu l'honneur de vous informer que mon gouvernement désire se mettre d'accord avec l'Angleterre relativement à la communication d'instructions identiques aux légations à Madrid et aux commandants de navires des deux nations, afin de faciliter une action commune dans les circonstances présentes. Dans cette question, mon gouvernement adopte les bases suivantes :

«1° En principe, ne pas intervenir dans les luttes de l'Espagne; «< 2o Restreindre l'action militaire exclusivement à la protection de la vie et des propriétés des Allemands;

«< 3o Les navires empêcheront le bombardement des villes jusqu'à ce que la vie et les propriétés des Allemands aient été mises en sûreté;

«< 4° Le commandant naval a reçu l'ordre d'agir d'accord et en intelligence avec les ordres de la légation de Madrid. »

En réponse à cette communication, Lord Granville transmit le 11 du même mois à l'agent britannique à Berlin les instructions suivantes :

« Le comte de Munster m'a communiqué l'extrait d'une dépêche et un télégramme du prince de Bismark récapitulant les événements survenus avec les navires espagnols rebelles et exprimant le désir que les ordres anglais et allemands soient de la même teneur. Je vous ai fait connaître les instructions que nous avons données et que nous sommes disposés à donner, savoir:

« 1° Ne pas intervenir, si ce n'est pour protéger la vie et les propriétés des Anglais; mais à la demande empressée du gouvernement italien, en l'absence de navires de guerre de cette nation sur la côte d'Espagne, on a autorisé ceux de Sa Majesté à étendre leur protection aux sujets italiens en cas de besoin, mais seulement à l'égard de personnes n'agissant pas de l'autorité du gouvernement de fait de l'Espagne ;

« 2° Employer la force s'il le faut pour rendre cette protection efficace ;

« 3° Éviter la capture des navires, à moins que cette capture ne soit de nécessité absolue dans le but indiqué, et dans ce cas mettre en liberté les personnes et livrer les embarcations au gouvernement de fait de l'Espagne, sans en faire l'objet d'une reconnaissance officielle.

« J'ai observé que sur tous ces points, sauf un seul, il y avait eu accord entre les deux gouvernements, et j'ai eu le plaisir d'apprendre, par la dépêche dont le comte de Munster m'a donné connaissance, que le gouvernement allemand était aussi d'accord ave celui de Sa Majesté pour livrer les navires espagnols.

« J'ai dit au comte de Munster que j'aurais soin de donner au gouvernement allemand toutes les autres informations que je rece vrais et tous les ordres nouveaux qui me paraîtraient nécessaires comptant sur la réciprocité. Le comte de Munster m'a donné l même assurance. Enfin je lui ai dit que M. de Broglie avai manifesté à Lord Lyons le vif désir que les instructions donnée à tous les consuls et les officiers de marine en Espagne fussen les mêmes, puisque la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagn voulaient de concert ne pas s'immiscer dans les affaires inté rieures de l'Espagne, et que M. de Broglie avait assuré à Lor

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