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INTRODUCTION

ESQUISSE HISTORIQUE DES PROGRÈS DU DROIT

INTERNATIONAL.

L'importance du droit des gens dans la science générale du droit se réflète également dans l'histoire du droit international. Pour étudier cette histoire méthodiquement et suivre pas å pas les progrès de la civilisation d'après la détermination de plus en plus juste et rationnelle des relations entre les États, il est indispensable de s'arrêter à certaines époques caractérisées par quelque événement ayant exercé une influence majeure et incontestable sur la formation du droit international. A ce point de vue, la division la plus naturelle nous semble être la suivante :

Première époque: Depuis les temps les plus anciens jusqu'à la chute de l'empire romain (476 après J.-C.).

Deuxième époque: Depuis la chute de l'empire romain jusqu'à la paix de Westphalic (476–1648).

Troisième époque: Depuis la paix de Westphalie jusqu'à la paix d'Utrecht (1648-1713).

Quatrième époque: Depuis la paix d'Utrecht jusqu'à la fin de la guerre de Sept ans (1713-1763).

Cinquième époque: Depuis la guerre de Sept ans jusqu'à la Révolution française (1763-1789).

Sixième époque: Depuis la Révolution française jusqu'au congrès de Vienne (1789-1815).

Division de l'histoire,

Septième époque : Depuis le congrès de Vienne jusqu'à nos jours (1815-1887).

Dans notre pensée, cette division de l'histoire du droit international se justifie par la grandeur de certains faits et leur importance décisive dans la sphère du droit international, ainsi que par la valeur des progrès accomplis dans le domaine des idées.

Le droit international chez

les anciens.

Égyptiens.

PREMIÈRE ÉPOQUE.

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DEPUIS LES TEMPS LES PLUS ANCIENS JUSQU'A La CHUTE DE L'EMPIRE ROMAIN. 476 AP. J.-C.

Dans cette première période, le droit international est dominé par l'idée religieuse ou par les formules du droit romain.

Nous ne possédons que des renseignements forts incomplets sur les relations internationales des peuples de l'Orient, dans l'antiquité. Néanmoins les monuments des Égyptiens, des Israélites, des Assyriens, des Perses et des Phéniciens, monuments qu'il était réservé à notre époque de déchiffrer en partie, permettent d'affirmer que, dans ces âges reculés déjà, on avait quelques notions des droits et des devoirs qui aujourd'hui régissent les rapports entre les États.

Les Égyptiens ne connaissaient guère d'autres relations internationales que celles qu'amènent les guerres. C'est dire que ces relations ne furent jamais bien étendues, les indigènes de la vallée du Nil ayant été, de tout temps, un peuple essentiellement pacifique, et n'ayant jamais cherché à étendre leurs frontières. Leurs usages de guerre semblent du reste avoir été moins barbares que ceux des autres peuples de l'Orient. Ce n'était point la coutume d'égorger l'ennemi vaincu. On préférait le réduire en esclavage, afin d'utiliser ses forces à construire les édifices imposants que nous a légués l'Égypte, ou à cultiver le sol.

On sait aujourd'hui qu'à plusieurs reprises les Pharaons conclurent des traités avec les nations voisines. Le plus connu d'entre ces traités, qu'on peut considérer comme le document diplomatique le plus ancien, est celui qui mit fin à la guerre entre Ramsès II ou Sésostris et le souverain des Chétas (Syrie). Ce traité stipule non sculement la paix perpétuelle entre les parties contractantes, mais aussi une alliance contre les ennemis communs. Il assure la liberté du commerce et de l'industrie des deux nations et renferme des dispositions sur l'extradition des criminels, puis sur l'émigration.

Le traité va même plus loin. Il interdit l'application de peines trop sévères contre les extradés, par exemple, leur mutilation, la destruction de leurs pénates et de leurs familles, ce qu'il est permis de faire remonter à la notion du droit d'asile.

De bonne heure les Égyptiens admirent à trafiquer chez eux les négociants étrangers. Dans les villes du Delta on trouve partout des Grecs et des Phéniciens, et ceux-ci avaient même, à Memphis, un quartier spécial; d'autre part les sujets des Pharaons se livrèrent de tout temps au commerce des esclaves, ainsi que le prouve, entre autres, l'histoire de Joseph. Enfin les besoins du culte et de la cour si brillante des Pharaons eurent pour conséquence des relations commerciales suivies avec les Indes, l'Arabie et la Phénicie; et, d'un autre côté, l'échange de cadeaux entre souverains, usage qui remonte à la plus haute antiquité, donna lieu aux premières ambassades.

Chose curieuse, nous trouvons déjà, dans ces temps reculés, les premiers principes de l'exterritorialité des peuples occidentaux. Dans leur ville de Neukratis, les Grecs jouissaient d'une autonomie presque complète. Ils avaient leurs magistrats, pouvaient exercer librement leur culte et constituaient un État dans l'État, ni plus ni moins que certains établissements européens, créés de nos jours en Chine par exemple. Ces colonies grecques se multiplièrent sous Amasis, et ce roi permit même aux Hellènes de construire des temples.

On sait que les Phéniciens, ce peuple commerçant par excellence, Pheniciens. songèrent de bonne heure à assurer leurs communications par terre au moyen de traités avec les princes asiatiques et les chefs des tribus arabes. Le traité le plus connu, est celui que conclut Hiram, roi de Tyr (1001-967 avant J.-C.) avec le roi Salomon, afin d'assurer les relations avec Ophir. En outre il y avait, entre les villes phéniciennes et leurs colonies, des règles de droit immuables, que l'on peut regarder comme internationales, et, dès la plus haute antiquité, ces villes furent unies par une sorte de lien fédératif.

De nombreuses inscriptions trouvées dans les ruines de Baby- Perses. lone, prouvent que les rois de cette métropole avaient conclu à plusieurs reprises des traités d'alliance avec les peuples voisins; entre autres avec les rois d'Assyrie, leurs rivaux. En revanche, on ne saurait assigner le caractère international aux ambassades que ces rois recurent à plusieurs reprises. Ces ambassades n'étaient en réalité que des hommages rendus au vainqueur par le vaincu, mais les délégués étaient considérés comme inviolables et tout attentat

Israelites.

Grecs.

dirigé contre leur personne passait pour un outrage au souverain qui voulait bien les recevoir.

L'histoire ne mentionne guère de traités d'alliance conclus par les Perses. Par contre nous savons que souvent les Grecs prirent du service chez eux, et y jouèrent un rôle important. Ceci marque une tolérance à l'égard des étrangers que l'on ne retrouve nulle part ailleurs chez les nations de l'antiquité.

Les Juifs en revanche traitèrent constamment tout étranger en ennemi, par le fait même qu'il ne reconnaissait pas leur Dieu. Il ne saurait donc être question de traités d'alliance proprement dits entre les enfants d'Israël et les nations voisines, mais les tribus israélites étaient unies par une sorte de lien fédéral dont le but était avant tout de repousser les agressions des Syriens et des Arabes. Ce n'est qu'après la dispersion des Juifs que nous trouvons quelques tentatives de stipulations internationales, destinées à assurer tant bien que mal l'existence des communautés israélites répandues en Orient et sur les côtes de la Méditerranée *.

Dans les temps héroïques de la Grèce, la barbarie des mœurs était telle, suivant ce qu'on en sait par les poèmes d'Homère, que jamais on ne faisait grâce dans les batailles on ne se contentait pas de tuer un ennemi et de le dépouiller de ses armes; son cadavre était mutilé et abandonné en pâture aux oiseaux de proie.

A l'époque de la première guerre médique, les Grecs donnèrent la mort aux hérauts envoyés par Darius à Athènes et à Sparte pour y demander l'eau et la terre en signe de soumission. Dans la guerre du Péloponèse, nous voyons les Athéniens et les Spartiates rivaliser de cruauté. Même pendant que les hostilités étaient suspendues, les peuples de la Grèce ne pouvaient parvenir à jouir d'une situation paisible. La rivalité d'Athènes et de Sparte, qui dominc toute leur histoire, suscitait des désordres continuels et des luttes sans fin entre les divers états du Péloponèse.

Mais il ne faut pas oublier que les États helléniques se réunirent, à plusieurs reprises, en ligues ou confédérations, dont le but était la défense commune, soit contre les autres tribus grecques, soit contre l'étranger. Les Hellènes avaient donc, dans une certaine mesure, le sentiment des devoirs internationaux. Nous trouvons chez eux aussi les premiers germes de la politique de l'équilibre et de l'intervention, qui a prédominé si longtemps dans l'Europe mo

*

in-8.

Holtzendorff, Frantz von, Handbuch des Völkerrechts. Berlin, 1885,

derne. Les Grecs observaient en général l'obligation d'une déclaration de guerre préalable et ont souvent tenté de remettre leurs différends à la décision d'arbitres. L'inviolabilité des parlementaires et des ambassadeurs était chose reconnue. Nous avons, dans les temps plus modernes, plusieurs exemples de trèves conclues dans le but de permettre au vaincu d'inhumer ses morts, et parfois le vainqueur rendait les derniers honneurs aux victimes de la lutte. Les Grecs abhorraient la coutume orientale de mutiler ou de mettre à mort les prisonniers, et ils ont en général respecté le droit d'asile. Les prisonniers de guerre étaient réduits en esclavage, mais on admettait la rançon et l'échange des captifs. Toutefois le pillage était chose licite, mais on en consacrait la dime aux dieux.

Chez les Hellènes nous trouvons les premières traces de la neutralisation de certaines personnes et des édifices consacrés au culte.

Les traités de paix n'étaient jamais conclus que pour un certain nombre d'années.

Les Grecs admettaient le système des otages et celui des représailles.

Peuple éminemment colonisateur, les Hellènes surent apprécier de bonne heure combien il importe de trouver aide et protection à l'étranger. Aussi les voyons-nous réciproquement faire bon accueil aux ressortissants des peuples voisins qui venaient s'établir chez eux, tout en se réservant le droit de les expulser en cas de guerre. La forme la plus usitée du régime des étrangers était celle de la proxénie, c'est-à-dire, dans bien des cas, d'une sorte de représentation diplomatique ou du moins consulaire. Les gouvernements étrangers qui désiraient voir leurs ressortissants protégés en Grèce, choisissaient, parmi les citoyens de l'État dont on réclamait l'hospitalité, un personnage chargé spécialement de cette protection. Parfois aussi ce personnage était nommé par l'État qui admettait les étrangers.

Le système de la proxénie paraît du reste avoir été en vigueur en Égypte aussi.

Nous avons plusieurs exemples de traités d'établissements conclus entre les Républiques grecques et les pays étrangers.

L'empire de Macédoine nous fournit le premier exemple d'une confédération durable entre des États monarchiques et des Républiques, confédération d'où était absolument exclue toute différence entre les Grecs et les Barbares, et où les Illyriens et les Thraciens

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