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qui a bien voulu m'accorder l'appui dont j'avais tant besoin. En me donnant au ministère de la marine des facilités d'exécution et en m'en ouvrant au ministère des affaires étrangères, où j'ai été honoré d'un bienveillant accueil, M. le comte de ChasseloupLaubat m'a mis à même d'offrir mon travail moins incomplet au public. Ce m'est un devoir de consigner ici mes sentiments de reconnaissance.

Je dois aussi de publics remercîments au viceamiral Bouët-Willaumez et au contre-amiral de la Roncière le Noury, chef d'état-major du ministre, pour l'intérêt qu'ils m'ont témoigné prendre à ma publication et pour les conseils qu'ils m'ont donnés sur quelques points difficiles au sujet desquels j'ai consulté avec profit leur expérience et leur savoir.

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PRÉFACE

DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

Les personnes qui ne sont pas absolument étrangères à la marine connaissent à peu près la valeur de l'expression suivante Homme de mer.

Cette expression, consacrée, signifie que celui auquel on peut l'appliquer possède, au plus haut degré, l'entente de la partie spéciale du métier difficile de la mer; qu'il joint, à une théorie réfléchie et au niveau de l'état actuel des sciences exactes, une pratique éclairée, acquise par une longue navigation; qu'il est tout à la fois, lorsqu'il le faut, bon officier et bon matelot ; qu'il est doué, enfin, de ce tact particulier, nécessaire, dans les circonstances critiques, pour rendre habile à choisir sans hésitation le bon parti; tact inné, indéfinissable, qu'on a nommé le sixième sens du marin, et qui fait, pour ainsi dire, de lui un être à part.

Ces qualités diverses sont celles que l'officier doit posséder avant tout. Pour lui les autres ne sont, relativement, que secondaires. En un mot, il doit être d'abord homme de mer, dans la vraie acception du métier.

Mais sans cesser d'être homme de mer, on peut posséder des connaissances variées. A part les sciences exactes, l'arme de la marine se rattache à bien des sciences. Il en est une,

α.

surtout, à laquelle cette arme est intimement liée : c'est celle des principes qui doivent régir les rapports de peuple à peuple.

Éloigné de son pays, le marin n'en est jamais entièrement séparé; son vaisseau porte partout la patrie, il la met en contact immédiat avec l'étranger.

L'officier commandant un bâtiment de guerre est revêtu d'une sorte de caractère représentatif de la souveraineté de l'État auquel il appartient; il a pour mission permanente de soutenir au loin l'honneur du pavillon, emblème de cette souveraineté; ses actes sont souvent actes de relations internationales; souvent il est forcé d'agir par lui-même, en l'absence de tout organe accrédité de son gouvernement; quelquefois il est lui-même cet organe accrédité.

Aussi les hommes d'État à la tête du gouvernement de la patrie suivent-ils avec sollicitude le marin dans ses navigations lointaines, parce qu'ils savent que sa conduite peut influer puissamment sur les intérêts de ce gouvernement.

Le ministre des affaires étrangères reconnaissait naguère, à la tribune nationale, cette influence décisive résultant de certains actes du marin à l'étranger.

<< Pendant que nos marins, disait M. Guizot, portent la » patrie sur nos vaisseaux à quatre mille lieues, est-ce qu'il » ne reste pas ici la grande patrie? Est-ce qu'il n'y a pas des » intérêts généraux engagés dans leur conduite, dans leurs » actes? Est-ce qu'il n'y a pas ici trente-cinq millions de Fran»çais sur qui un seul acte de ce marin, qui vogue à quatre » mille lieues de son pays, peut exercer une influence déci» sive? Est-ce qu'il ne peut pas disposer un moment, par un » seul acte, de la destinée du pays, de la paix et de la guerre, » du bonheur et du malheur de ces trente-cinq millions » d'hommes (1)? »

S'il en est ainsi, combien grande est quelquefois la responsabilité qui pèse sur le marin éloigné de son pays! Que de

(1) Séance de la Chambre des Députés du 1er mars 1844.

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tact, que de discernement ne lui faut-il pas pour régler sa conduite!

L'amour de la patrie et l'honneur national le guideront toujours dans cette conduite ce sont ces deux sentiments généreux qui, dans les cas où, sans instructions précises, il sera forcé d'agir par lui-même, lui feront prendre une résolution digne, et au besoin énergique. Des événements récents, comme ceux du passé, ont prouvé suffisamment que tels étaient les mobiles déterminants des actes de nos marins.

Mais à l'amour de la patrie, au sentiment de la dignité nationale, il est nécessaire de joindre la prudence et la circonspection. Tout ce qui touche aux relations internationales est grave. Ces relations sont soumises à des règles et à des principes généraux que l'officier de la marine militaire ne doit pas ignorer.

Celles de ces règles qui se rapportent directement à la navigation, qui forment ce qu'on appelle le droit international maritime, sout enseignées sans doute par la pratique. Il n'est aucun marin qui n'en connaisse les principales, puisqu'il est journellement obligé de les appliquer, et que, du reste, elles lui sont tracées par les règlements et les ordonnances de son pays. Mais, en toutes choses, la pratique a besoin d'être éclairée par la théorie.

Le droit international maritime n'est d'ailleurs qu'une branche du droit des gens, et les principes en sont assis sur les bases fondamentales de ce dernier.

Les ouvrages si nombreux qui composent la littérature du droit des gens en général s'offrent donc naturellement aux méditations de l'officier de marine. C'est là qu'il peut espérer de puiser des notions, complément distingué de son instruction, qui le mettent à même de faire face, avec plus de sécurité, aux difficultés internationales que le cours de sa carrière peut lui offrir.

Les personnes qui sont versées dans la connaissance de ces sortes de livres savent combien l'étude en est difficile et

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combien le choix de ce qu'il y a d'utile à en retirer demande de discernement. Les écrivains qui passent encore pour les maîtres de la science, et qui en ont été comme les fondateurs, Grotius, Puffendorf, avec leur traducteur et annotateur, Barbeyrac et ceux qui les ont suivis de près, quelque élevé que soit leur enseignement, le font acheter par de longues digressions, par une forme scolastique au goût de leur temps, fatigante, quelquefois ridicule aujourd'hui par des citations accumulées des livres saints et des auteurs profanes, avec les exemples incertains de l'histoire et souvent même des fables de l'antiquité. Pour les invoquer ou pour s'appuyer de leurs paroles à propos, il faut une réserve de bon goût. Les suivre dans cette voie, alourdir un manifeste ou une note diplomatique par de pareilles citations, en un mot, transporter dans la pratique des affaires cette allure singulière et doctorale d'une autre époque, ce serait s'exposer, au lieu de convaincre, à faire sourire. C'est là un genre d'érudition dont nul ne saurait conseiller l'usage', quoique nous l'ayons vu employer, en une occasion récente, par un officier de la marine anglaise, le commodore Toup-Nicholas, dans sa correspondance avec l'amiral Dupetit-Thouars, au sujet de l'île de Taïti.

Dans le cours du dix-huitième siècle, quelques auteurs ont dégagé la science du droit international des théories et des spéculations des philosophes et l'ont rapprochée davantage de la pratique. De nos jours, des publicistes et des diplomates éminents ont publié des traités sur cette matière si importante, qui est de leur domaine spécial. C'est dans ces traités plus élémentaires, plus succincts et partout empreints d'un caractère plus positif, qu'on peut rechercher, avec plus de facilité, une intelligence suffisante de la doctrine et des usages qui ont cours aujourd'hui.

Cependant, réduite à ces proportions plus simples, l'étude du droit international exige encore quelques notions préliminaires et réclame beaucoup de temps. Or le temps manque aux officiers de marine, presque toujours à la mer, occupés des pénibles devoirs du métier, qui sont de tous les instants.

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