Page images
PDF
EPUB

il n'y a pas de loi, il n'y a pas de délit. Cette maxime détruit toute espèce de moralité, toute distinction entre le bien et le mal. Jamais il n'y aurcit eu de société, si nos pères eussent pu la reconnoître. Les hommes n'ont pas de loix lorequ'ils s'assemblent pour la première fois; il leur est donc permis de voler, d'assassiner impunément? Et jamais le vol, l'assassinat, eussent ils pu former la base d'une association?

Si la loi n'eût pas prévu le cas de Louis XVI, la raison, l'équité, l'intérêt public l'eussent dé cidé ces trois grands principes n'ont jamais permis à un de s'élever au-dessus de tous, à un de livrer tous aux horreurs de la guerre, à un de se baigner dans le sang de tous; mais le sénat de France se croit au dessus de ce qu'il y a de p'us sacré dans la nature : son roi n'a qu'à dire; et si c'est du sang qu'il veut boire, le sang des patri tes coulera pour lui.

Arrêtéz, téméraires ! que faites-vous? Des loix. Pour qui? Pour le peuple. Si vous eussiez achevé Votre ouvrage; si toutes les loix étoient faites, on vous pardonneroit peut-être encore ce criminel délire; mais la régénération de la France n'est que commencée; les p emiers fondemens sont à peine posés; il reste à décréter une foule de loix, même constitutionnelles; et parce que vous n'aviez pas encore prononcé contre les rois nationicides, contre les conspirations royales, vous voulez qu'elles restent impunies? en attendant que votre sagessę prévoie tous les délits, vous voulez les autoriser tou ? vous voulez donc et l'anarchie et un brigandage général? Il suit de votre systême, qu'il étoit permis de conspirer, de machiner contre l'état, avant que vous n'eussiez décrété le code péna. Pourquoi donc aviez-vous d'avance institué la haute cour nationale? Les rois étoient des mattres, ils exerçoient toute la souveraineté; anjourd'hui vous vous occupez à tracer leurs devoirs ; dans l'intervalle, celui que vous adorez commet

un grand crime; et vous dites que ce n'est pas 13 crime, parce que vous ne l'aviez pas prévu. Allez, vils sénateurs! vous êtes aussi absurdes que méchans !

Oui, la fuite du traître est un crime; son mémoire est un crime; les ordres qu'il a donnés à Bouillé sont des crimes; ses défenses aux ministres, son injonction au garde des sceaux sont des crimes, des crimes constatés, avoués; Louis est coavaincu, il faut le punir: mais ici l'on objecte son inviolabilité: voyons ce que l'on entend par

ce mot.

Un des despotes les plus absolus, Pierre le Cruel, avoit commis un assassin .t secret. La femme de l'homicidé porte sa plainte; il résulte des informations que le roi est coupable du crime; les juges se rendent au palais du prince, et lui demandent ses ordres. Condamuez, dit-il : mais, sire, s'il étoit prouvé que votre inajesté.... N'importe, condamnez. Pierre sentoit qu'il ne pouvoit être au dessus de ses propres loix ; les juges esclaves le condamnèrent à être pendu en effigie.

Ici un roi plus cruel a voulu assassiner des mi!liers d'hommes , ravager son pays, déso'er la France; ce roi étoit moins absolu que ne l'étoit le monarque d'Espagne; il étoit roi d'un peuple libre, d'un peuple qui fait lui-même ses loix. Que deviendront les suites de son crime? L'inv olabilité le mettra-t-elle à l'abri de toutes recherches ? Oui, disent les sénateurs, amis de la liste civile, l'invio'abilité s'étend à tout. Un roi inviolable! fut-il un Néron, un Caligula, un Louis XIV, un Louis XVI, est inviolable et sacré! L'incendie, le viol, le meurtre, tout lui est permis; et les citoyens n'ont pas le droit de demander, et la ni tion n'a pas le doit de se faire justice!

D'autres sénateurs, avec eux tous les patriotes, disent au contraire que, dans l'inviolabilité du roi, on doit distinguer deux choses; les fonctions de sa place, et les faits qui lui sont personnels. Qua

sous la responsabilité des ministres il soit invinlable pour tout acte émané de lui et contresigné d'un agent responsable, soit; mais que de sa fenêtre il puisse fusiller le peuple qui passe sur le pont royal, c'est ce que l'on n'avoit point imaginé. Les députés à l'assemblée nationale aussi sont inviolables; mais ils ne le sont que comme représentans du peuple, et relativement à ces fonctions: or, le décret qui rerd les députés inviolables, celui qui rend le roi inviolable, n'ont établi aucune distinction entre ces deux genres d'inviolabilités; conséquemment, et aux termes des décrets, Louis XVI peut être mis en cause, et puni pour les faits relatifs à son évasion et à sa protestation.

On dit contre la distinction de l'inviolabilité que les actes de la royauté sont bien plus importans que les actes privés du roi que ces aotes privés ne sont pas aussi redoutables; que l'inconvénient de poursuivre un roi pour des actes privés seroit aussi grand que l'inconvénient de le poursuivre pour des actes publics; que les avantages en seroient bien moindres; on conclut que la sireté publique, ayant fait décréter l'inviolabilité pour, les actes publics, ce sacrifice national doit, à plus forte raison, s'appliquer aux faits particuliers à l'individu.

[ocr errors]

Quoi! les actes privés du roi sont moins importans, moins dangereux que les actes de la royauté! Ce n'est donc rien pour vous que de voir égorger vos enfans, violer vos femmes et vos filles? Si Vous pouvez, si vous avez le droit de consentir à ce genre de déshonneur, au moins vous n'avez pas celui de remettre entre les mains d'un tigro les destinées d'une nation toute entière; consentez, si vous voulez, à votre infamie individuelle; mais ne songez pas qu'il soit en votre pouvoir de vendre la liberté et le sang des peuples: quiconque pense, sent assez que les actes privés d'un roi sont

1

1

mille fois plus dangereux à la nation que les actes de la royauté. En qualité de fonctionaire public, un roi ne peut que négliger l'exécution des décrets; individu, simple particulier, il peut por ter le fer et la flamme, et renverser la constitution à main armée.

D'ailleurs, on tolère l'inviolabilité, la non-responsabilité pour les actes publics, parce que ces actes sont toujours accompagnés de la signature d'un répondant, et qu'un agent responsable ne sera point assez insensé pour contresigner un projet de contre - révolution, ou des ordres attentatoires à la liberté; tandis que les actes privés ne sont que de la seule main du pouvoir exécutif, et qu'a défaut de ministre qui répon le pour lui, lui-même il doit répondre de ces faits. Enfin, l'on ne s'est déterminé à accorder l'inviolabilité à ce fonctionnaire, que sous la condition qu'il ne fera rien sans l'intervention d'un officier respon able à la loi; s'il agit seul, il se rend indigne du bénéfice de la loi, qui n'a été que relative et conditionnelle.

[ocr errors]
[ocr errors]

21

Si, dit on, le roi étoit responsable de ses actions privées, il dépendroit du corps législatif; et s s'il dépend du corps législatif, il n'y a plus de monarchie. C'est-à-dire qu'on veut le faire indépen dant et absolu! Oui, législateurs absurdes, oui, le roi doit dépendre des représentans de la na-. tion ne faut pas nous abuser, la puissance nationale est une, il lui faut un centre; c'est à ce centre d'autorité que tout est comptable dans l'empire; et si le roi ne lui est pas soumis, il est nécessaire que le corps législatif soit lui-même aux ordres du roi; il ne peut pas plus y avoir deux centres de la souveraineté nationale que deux centres de la divinité. Et vous l'avez vous-mêm‹s si bien senti cet argument irrésistible, que vous ne l'avez éludé que par une vaine supercherie. Si le roi commet d'insupportables excès, vous ne pou

[ocr errors]

vez,

vez, dites-vous, que le déclarer en état de dé mence, et lui décerner un régent; mais s'il n'étoit pas sous votre indépendance, s'il étoit inviolable en tout, vous ne pourriez pas plus le déclarer en démence que vous ne pourriez le juger; le destituer sous le titre de démence, ou par un jugement, c'est le destituer: il faut donc ou avouer qu'il n'est inviolable que dans ses fonctions de pouvoir exécutif, ou déclarer qu'on n'a pas le droit de s'en défaire, même sous le prétexte de démenco: irez vous jusques à ?

Les bases de l'inviolabilité indéfinie posées, Voici un argument des généreux défenseurs de Louis XVI: ou le roi est sorti de Paris comme rei, et il est inviolable, ou il est sorti comme simple citoyen; et qui doute qu'alors il a eu le droit de sortir?

Oui, Louis est sorti de la capitale, ou comme rei, ou comme simple individu; mais comme roi, il ne pouvoit en sortir, sans se rendre parjure; et s'il est sorti comme simple individu, il n'est plus roi: on défie la tourbe entière des royalistes de répondre à ce dilemme.

Quelques députés patriotes, pleins de respect et d'amour pour le peuple, ont fait valoir ces puissantes raisons: il leur paroissoit absurde que les comités proposassent la punition des complices, sans parler du principal auteur: On observoit sur tout que la proposition de laisser les choses in statu quo jusqu'après l'achèvement de la constitution étoit illusoire, et que celle de présenter alors la chartre à Louis XVI, préjugeoit la question de son innocence et de son inviolabilité indéfinie. L'impudent Barnave, le plus méprisable de tous les hommes, disons de tous les enfans, Barnave a terminé la discussion, par un discours dont le peuple devroit demander l'impression pour sa vengeance; et enfin il fut décrété en subssance, 1°. que tout roi qui se mettra à la tête N105.

D

« PreviousContinue »