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États généraux, monument voté par les Chambres, sur la proposition d'un homme de cœur et d'un bon citoyen, M. Édouard Charton.

« C'est dans cette salle des menus que les États généraux, se donnant un nouveau baptême, le 17 juin 1789, prirent le nom, aujourd'hui consacré, d'Assemblée nationale.

<< Les patriotes qui auront visité le monument commémoratif pourront ensuite faire un pèlerinage au Jeu de paume religieusement rétabli dans son état; ils y salueront la statue du président Bailly, environné du buste de ses collègues qui, le 20 juin, prêtèrent entre ses mains le serment solennel de ne pas se séparer sans avoir donné une constitution à la France! « La France «Kavait ainsi commandé dans ses cahiers. Que de nobles soua:venirs!»

Il y a trois ans, nos amis de Lille et de Nîmes fondaient des comités départementaux du centenaire, et déclaraient dans les statuts de leurs sociétés « qu'ils se proposaient de répandre par tous les moyens la connaissance des faits et des idées de la Révolution française. >>

Il y a quelques semaines enfin, au congrès de Tours, M. Léon Journault, député de Seine-et-Oise, disait, aux applaudissements de tout le congrès : « Quelques années seulement nous séparent du jour où nous aurons à célébrer le centième anniversaire de la Révolution de 1789. Déjà cet anniversaire excite de vives préoccupations. Or, il nous semble nécessaire que l'on s'en préoccupe ici, que la Ligue française de l'enseignement ait cet honneur d'être la première société nationale d'où sorte cette déclaration le centenaire de la Révolution sera célébré solennellement dans toute la France.

« Le vœu que nous allons proposer ne s'adresse pas aux pouvoirs publics. Ce n'est pas de ce côté que nos traditions et nos précédents nous portent. Nous nous adressons aux masses, nous préparons parmi elles le terrain aux grandes lois, aux grandes

réformes. Là encore, c'est à nous de préparer le terrain, d'éveiller le sentiment national, de l'associer étroitement à la fête nationale.

« C'est donc à la nation même, à la nation entière que s'adressera notre. vœu, à la nation qui fera de cette fête son œuvre propre, l'œuvre de sa reconnaissance et de son génie.

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En parlant ainsi, notre ami Journault exprimait éloquemment le désir de tous ceux qui aiment la France créée par la Révolution. Il faut, en effet, si nous ne voulons pas être des fils ingrats, que, lorsque l'année 1889 arrivera, le centenaire de la Révolution soit célébré, dans toutes les villes et dans les plus humbles communes, avec une reconnaissance éclairée, avec une intelligence attendrie. La France moderne est sortie de la Révolution : l'humanité régénérée en sortira, mais à la condition que nous ne restions pas indifférents devant l'œuvre de nos pères. Elle doit être étudiée dans son ensemble et dans ses détails, comme dans son inspiration puissante qui produisit l'élan de 1792, sauva la patrie, fonda la république. Une telle étude, j'allais dire un tel culte, à la fois national et humain, ne s'improvise pas il y faut une longue préparation, des travaux sérieusement faits, tout un enseignement par des lectures, des cours, des conférences.

:

Le pays sera avec ceux qui se dévoueront à cette œuvre, car la France sait bien que la Révolution est le grand événement de notre histoire nationale. Ce qui fait l'originalité, la puissance attractive, ce qui fera de plus en plus la grandeur du peuple que nous sommes, c'est la Révolution, ce sont les principes qu'elle a proclamés, les droits qu'elle a révélés ou fait revivre. Il faut à toute nation qui veut agir sur le monde, une tradition glorieuse, des origines héroïques, la noblesse des souvenirs. La Révolution est pour nous cette tradition. C'est elle, surtout, qui nous donne nos grands anniversaires, nos fêtes nationales; c'est elle qui parle le plus haut à la conscience de la démocratie.

Cette vérité est comprise aujourd'hui et acceptée par la plupart de nos concitoyens; elle ne tardera pas à devenir, si nous le voulons, l'évidence universelle. Il faut qu'elle pénètre dans nos écoles, avec les nouveaux livres d'enseignement, qu'elle soit annoncée aux adultes par des orateurs, des conférenciers qui s'attachent à mettre en relief les conquêtes politiques obtenues, au prix de tant de sacrifices, par nos pères de 1789! Quel beau résultat si, en mai 1889, il n'y avait pas en France un seul village où on n'eût entendu parler des bienfaits de la Révolution, des efforts et des luttes de ceux qui ont souffert et sont morts pour elle, des doctrines affirmées, des libertés revendiquées, des droits établis !

Mais ici revient la question que nous posions dès nos premières lignes comment atteindre ce but? Plusieurs moyens s'offrent à nous, nous en indiquerons quelques-uns.

Il serait bon, d'abord, d'établir dans tous les départements des comités du centenaire de la Révolution française. Ces sociétés, à durée limitée, prendraient fin en 1889. Elles créeraient des sous-comités et s'administreraient elles-mêmes dans le sentiment d'une pleine indépendance et d'une complète autonomie. Les statuts du comité lillois, publiés dans le premier numéro de notre revue, pourraient servir de modèle ou de canevas aux sociétés à venir.

Elles se rattacheraient (si elles le jugeaient utile) à un comité parisien de conférences d'enseignement démocratique et national de la Révolution française. Des hommes de bonne volonté, des orateurs de renom, des éducateurs dévoués seraient chargés d'apporter le concours de leur parole et de leur savoir aux villes, aux villages qui désirent faire progresser les idées de la Révolution, populariser ses principes, rendre plus solides, plus efficaces et plus féconds ses enseignements. Ce travail des conférences et des cours n'est pas aussi difficile à accomplir et aussi dispendieux qu'il peut le paraître tout d'abord. Sans doute,

pour les grandes réunions, pour les solennités des villes, on ne pourra pas s'adresser aux premiers venus, il faudra faire appel aux personnalités éminentes, aux maîtres, aux hommes de talent. Ils n'ont jamais manqué en France, ils ne feront pas défaut à l'œuvre de la Révolution. L'université, le monde des lettres et de la politique nous en offriront un grand nombre. Pour les leçons familières, l'enseignement hebdomadaire ou quotidien, la volonté honnête, le travail sérieux suffiront. On aura, d'ailleurs, dans bien des cas, la ressource de la lecture. Quelles belles soirées on pourrait passer au village, quelles fières et patriotiques émotions on pourrait procurer en lisant, par exemple, quelques-unes des pages splendides de Michelet!

Aux conférences il serait facile d'adjoindre une bibliothèque de la Révolution, composée de biographies populaires, de volumes courts et subtantiels, à bon marché, destinés aux paysans et aux ouvriers. Notre ami Henri Martin appelait de tous ses vœux la création d'une telle bibliothèque. Il nous écrivait en 1882: « Il faut dérober aux archives départementales les secrets qu'elles contiennent et arriver en 1889 avec l'histoire des sociétés locales, des citoyens méritants et peu connus qui ont tant fait pour la patrie républicaine ! >>

Une imagerie populaire, des musées urbains et ruraux de la Révolution rappelant et conservant le souvenir des cahiers du tiers État, de la grande Fédération, des enrôlements volontaires, de tous les épisodes intéressants de ces temps glorieux, seraient également désirables. Dans ces musées patriotiques on rassemblerait les portraits, les bustes, les médailles, les faïences, les autographes, des fac-similés tout au moins, les insignes, les œuvres politiques ou lettrées qui se rapporteraient aux localités où les musées seraient établis. Ce serait là, en quelque sorte, une vivante et permanente leçon d'histoire, de civisme, de patriotisme, de reconnaissance nationale en même temps qu'une cause d'inspiration pour les artistes contemporains. On y trouverait

aussi l'occasion de reprendre, en les modifiant, en les transformant, s'il le fallait, ces fêtes nationales, locales que la Révolution, dans sa prévoyance universelle, avait instituées. Déjà quelque chose dans ce sens a été tenté, avec la plus louable persévérance et dans le plus noble esprit, par notre ami M. de Sabatier-Plantier, l'organisateur des fêtes d'enfants.

Serait-ce-tout? Nullement; nous n'avons que la prétention d'effleurer un sujet aussi vaste qui pourrait être repris et développé dans un journal servant d'organe à l'idée du centenaire. Rappelons encore, cependant, un projet mis en avant, dans ce recueil, et qui s'adresse plus spécialement au gouvernement et aux municipalités. Au mois de décembre 1881, nous avions l'honneur d'écrire à M. le ministre de l'instruction publique :

<«< Il me semble qu'il serait digne d'un gouvernement républicain d'empêcher la dispersion et la perte des écrits et surtout des lettres des grands hommes de la Constituante et de la Convention. La publication de leurs correspondances serait un honneur pour ceux qui en prendraient l'initiative. Pourquoi ne ferait-on pas pour les fondateurs de la liberté nationale, pour les créateurs de la France moderne, ce qu'on a fait pour la correspondance de Napoléon Jer? »

Obéissant à une pensée semblable, notre ami Ferdinand Buisson, l'éminent directeur de l'enseignement primaire, avait fait nommer une commission chargée de préparer la publication des documents relatifs à l'histoire de l'instruction publique pendant la période de 1789 à 1808. C'est remplir un devoir de piété filiale, disait M. Buisson, que de publier, dans leur ensemble, les travaux des hommes de la Révolution sur l'instruction publique. Et il ajoutait excellemment : « Il ne faut pas que nous arrivions au centenaire de 1789, sans avoir donné à la mémoire de nos pères cette marque de respect. >>

Avec quelles ressources, objectera-t-on, accomplirez-vous des travaux aussi importants, aussi divers? Où prendrez-vous

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