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Sainte-Barbe-en-Auge, de Notre-Dame du Parc, près d'Harcourt, de Friardel, près d'Orbec; puis les évêques de Pavie, de Lisieux et celui d'Avranches, que l'archevêque de Rouen, Eméric Guénaud, avait délégué pour consacrer l'église. La baronnie de Saint-Philbert faisait d'ailleurs, de l'évêque d'Avranches, le voisin, le commensal, et l'ami des religieux.

La vaste et superbe basilique toute resplendissante de la blancheur de ses murailles et de ses sculptures, parée de l'éclat de ses vitraux peints et de la lumière des cierges, était bien l'image de cette Jérusalem nouvelle, dont parle la liturgie, qui semble descendre du ciel, ornée comme une jeune fiancée qui va vers son époux. Au chœur, la voix grave des moines psalmodiait lentement l'office, tandis que les puissants accords des cloches, dominant tous les bruits du dehors, retentissaient au loin dans la vallée.

Ce fut Jean V de Hautfuney, évêque d'Avranches, qui fit la cérémonie de la dédicace de l'église sous l'invocation de Notre-Dame et de Tous les saints; il consacra ensuite l'autel majeur et celui de la sainte Vierge, dans la chapelle derrière le chœur. L'évêque de Lisieux, Guillaume IV de Clermont, consacra l'autel de saint Benoit dans la chapelle du prieur, et celui de saint Pierre et saint Paul dans celle du sacristain. Les autels de saint Jean-Baptiste dans la chapelle de Ferrières, de saint Maur et saint Martin dans la chapelle du sous-cellérier, de saint Etienne dans celle du chambrier furent consacrés par l'évêque de Pavie. Le lendemain, le même prélat fit la consécration de l'autel de sainte Madeleine et sainte Honorine dans la chapelle de l'aumônier, et des deux autels de la sacristie, l'un en l'honneur de saint Nicolas et saint Brandan, et l'autre en l'honneur de saint Jean l'Évangéliste et de saint Aignan 2.

Pendant plusieurs jours, l'abbaye fut en fète, et le menu

'La longueur totale de l'église était d'environ 130 mètres ; le chœur seul mesurait près de 42 mètres de longueur, sur 12 mètres de largeur. Voir notre notice intitulée : L'Eglise abbatiale du Bec d'après deux documents inédits du XVIIe siècle, p. 12, Evreux, 1894.

2 Chronique du Bec, p. 54 à 57.

peuple, qui devait affluer comme bien on pense, ne fut pas oublié. La fontaine de l'Ange (ainsi nommée parce qu'elle était surmontée d'une statue angélique), qui se trouvait dans le cloitre près de la porte de l'église, fit couler, durant trois jours, du vin au lieu d'eau. Cette largesse extraordinaire avait été faite, ajoute la Chronique, à la gloire de Dieu et pour perpétuer le souvenir d'une fête aussi mémorable 1.

Diverses fondations pieuses furent faites sous l'abbatiat de Jean des Granges. Dans le chapitre général du 23 juin 1340, le grainetier de l'abbaye, Guillaume de la Mare (alias Loeson) mu de dévotion envers Dieu et la Vierge Marie, obtint, de l'agrément de l'abbé et de la communauté, qu'à l'avenir les religieux recevraient chaque année, le jour de l'Assomption, une somme de 10 livres tournois à prendre sur les revenus de l'office du grainetier. C'était le sous-prieur qui devait être chargé de répartir également cette somme entre tous les religieux claustraux, à condition que chaque jour après complies ils chanteraient dévotement l'antienne Salve Regina, avec le verset et l'oraison, en l'honneur de Dieu, de Notre Dame et de tous les saints. Cette fondation est rappelée dans l'Ordo anniversariorum, coutumier liturgique qui paraît avoir été rédigé vers la fin du xvre siècle; la somme affectée à l'acquit de la fondation de Guillaume de la Mare était alors de 25 livres, et la distribution s'en faisait la veille de l'Assomption3.

Cette même année 1340, Jean, seigneur de Ferrières, donna pour les pitances des religieux une portion de dime qu'il possédait dans la paroisse de Grandcamp, à charge par eux de payer au prieur de Maupas 10 livres de rente sur cette dime. Son père, Pierre de Ferrières, avait fondé, en

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Ordo anniversariorum, tum obituum, tum processionum, etc., fo 34, Bibl. municip. d'Evreux. MS. L. 58.

Chronique du Bec, p. 58. La donation faite par Jean de Ferrières au prieuré de Maupas de 10 livres de rente foncière à prendre chaque année sur le trait de dîme sis à Grandcamp qu'il avait attribué aux religieux du Bec, est du 23 décembre 1342. La reconnaissance de cette

1309, la chapelle de saint Jean-Baptiste dans l'église du Bec que l'on venait de reconstruire, et lui avait assigné un revenu de 15 livres1. Dans une charte datée du ChâteauGaillard, au mois de septembre 1309, Philippe le Bel ratifia cette fondation 2.

Une fondation beaucoup plus importante fut faite en 1345 par Marie d'Espagne, fille de Ferdinand de la Cerda, qui avait épousé en premières noces Charles, comte d'Étampes, et en secondes, Charles de Valois, comte d'Alençon3. Elle donna à l'abbaye 500 livres tournois pour constituer une rente de 40 livres qui devait être distribuée aux religieux par le pitancier, à charge par eux de faire acquitter chaque jour une messe à son intention, dans la nouvelle chapelle de la Sainte Vierge, derrière le chœur. Ces 500 livres furent remises au prieur de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle ou du Pré, qui devait servir la rente en quatre termes égaux, à la saint Michel, à Noël, à Pâques et à la saint Jean-Baptiste*.

rente par les religieux est du 27 février 1343. Le prieuré de SaintNicolas de Maupas, relevant de l'abbaye de Lyre, avait été fondé en 1216 par Guillaume de Wistenval et sa femme Agnès, fille de Guillaume de Capelles. Maupas est aujourd'hui un hameau dépendant de Capelles-lesGrands, canton de Broglie (Eure).

Bibl. nat., lat. 12884, f 439 v. Cette chapelle recevait les sépultures des membres de la famille de Ferrières; on y voyait entre autres la superbe dalle tumulaire de Jeanne de Tilly, femme de Jean IV de Ferrières, morte le 27 février 1495 (v. st.). Cette pierre tombale se trouve aujourd'hui dans l'église de Boisney (Eure).

Archives nationales, JJ., 45, no 12 fo 7 vo. Cette charte se trouve reproduite dans la Chronique du Bec, édit. Porée, p. 55 (note 2).

Marie d'Espagne, dame de Lunel, fille de Ferdinand de la Cerda, seigneur de Lara, épousa en premières noces Charles, comte d'Etampes, fils de Louis de France, comite d'Evreux. Charles d'Etampes mourut le 5 septembre 1336. Marie d'Espagne épousa, au mois de décembre suivant, Charles de Valois, comte d'Alençon, second fils de Charles de France, et petit-fils, comme son premier mari, de Philippe le Hardi. Charles de Valois fut tué à Crécy, le 26 août 1346. Marie d'Espagne ne mourut que le 19 novembre 1379.

Chronique du Bec, p. 58. - « Singulis diebus in altari Virginis matris, sacrificium offertur pro anima venerabilis quondam matronae Mariae Hyspaniensis et suorum, de officio defunctorum cum collectis Quaesumus Domine in singulari, Miserere et Fidelium. » Ordo anniversariorum, etc. Bibl. municip. d'Evreux, MS. L. 58, fo 41. Le Nécrologe du Bec rappelait sa mémoire en ces termes : « III Non. Decemb.

Ce fut encore du temps de l'abbé Jean des Granges que l'on commença à célébrer la messe quotidienne pour la communauté dans la chapelle de la Vierge. On allumait vingt-quatre cierges sur l'autel; l'abbé en fournissait quatre, et les autres officiers chacun deux. Cette messe était annoncée au son de l'une des grandes cloches1.

Deux donations faites l'une en 1307, l'autre en 1345, méritent d'être mentionnées. Nicolas du Chesne, curé de Saint-Silvain de Glos, près de Lisieux, donna à l'abbaye, par testament, plusieurs volumes de Décrétales et un Décret de Gratien avec leurs Apparats. Jean de Boissay, curé de SaintGeorges-du-Theil, qui avait été élevé dans l'abbaye et en avait reçu son bénéfice, voulut qu'après sa mort sa bibliothèque fût donnée aux religieux. S'il se trouvait forcé, pour cause de maladie ou par autre nécessité, de vendre ses livres, ses exécuteurs testamentaires devaient payer une somme de 200 livres aux religieux. Ce Jean de Boissay, ajoute la Chronique, était docteur en médecine, et avait même professé cette science avec distinction 2.

L'abbé Jean des Granges mourut le 19 février 1351, et fut enterré près de Gilbert de Saint-Etienne, dans la chapelle de la Sainte Vierge derrière le choeur. On lisait sur son tombeau :

Concilia Nato genitrix hunc alma beato;
Ponatur coelis hic qui fuit orbe fidelis 3.

Domina Maria de Yspania, de Alenconio et Stampis comitissa, benefactrix pia et amatrix hujus cœnobii, soror nostra. » Bibl. nat., lat. 13903, fo 76.

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CHAPITRE IV

Confirmations royales. Donations faites à l'abbaye pendant les xi et xive siècles. Les sépultures des seigneurs du Neubourg dans le chapitre du Bec.

Pendant le XIIIe et le xive siècle, les abbés ne manquèrent pas de demander aux rois de France, devenus ducs de Normandie, la protection générale et spéciale de leurs biens, droits et privilèges que les rois d'Angleterre leur avaient jadis accordée au même titre.

Le 1er juin 1204, Philippe-Auguste maintient le Bec en jouissance des droits et libertés qu'il possédait au temps de Henri II d'Angleterre. Le 1er juillet de la même année, il écrit à tous ses baillis et prévôts pour les informer qu'il prend l'abbaye sous sa garde spéciale, et leur ordonne de tenir la main à ce qu'aucune injustice, injure ou violence ne soit faite aux religieux dans leurs personnes ou dans leurs biens; ou, si la chose arrivait, de leur faire rendre justice aussitôt qu'ils en auraient été requis1.

Lorsque Richard de Saint-Léger eut été élu abbé du Bec, son premier soin fut de faire renouveler par le roi la confirmation des privilèges de son abbaye. Au mois de mars 1212, Philippe-Auguste se trouvant devant Pont-de-l'Arche, manda à ses baillis de Normandie de maintenir l'abbé et les moines du Bec dans les droits dont ils avaient joui précédemment2.

Bibl. nat., lat. 12884, fo 274 vo et 275; L. Delisle, Catalogue des actes de Philippe-Auguste, p. 188 et 191, nos 827 et 839.

Bibl. nat., lat. 12884, f° 289; L. Delisle, Catalogue des actes de Philippe-Auguste, p. 312, no 1375.

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