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D. Jacques Fortet continua de 1739 à 1747 l'Histoire de la Congrégation de Saint-Maur commencée par D. Martène 1.

Citons encore D. Daret, D. Guillaume Le Clerc, D. François Le Tellier, plus connus à la vérité pour leur jansénisme que pour leurs travaux littéraires 2. Rappelons aussi que l'abbaye eut l'honneur de donner à la Congrégation un supérieur général dans la personne de son prieur, D. Pierre-François Boudier, qui fut élu dans le chapitre tenu à Saint-Germain des Prés au mois de novembre 1766 3.

Enfin, pour terminer la série des écrivains, nous citerons D. Michel Hautement, né à Rouen le 18 mai 1715. « Ce religieux bénédictin, homme dont le rare mérite est connu de tout son ordre, composa, il y a plusieurs années en l'abbaye du Bec où il demeure encore, un office entier en l'honneur de saint Philbert, premier abbé de Jumièges. La poésie en est belle, le chant bien choisi, et celui des antiennes et des répons est un chant grave et mélodieux rendant aux paroles de l'Écriture leur énergie. >>>

Avant de clore ce chapitre, disons ce qu'était la journée d'un bénédictin de Saint-Maur. Au commencement du XVIIIe siècle, la communauté du Bec se composait de quarante religieux. Les principaux officiers étaient le prieur, le sousprieur, le sacristain, le dépositaire, le procureur et le cellérier. Chaque religieux avait sa cellule particulière où se trouvaient un lit, une table avec quelques livres, des chaises de paille ou recouvertes de cuir noir, et sur les murs quelques images pieuses. L'emploi du temps était réglé jusque

el crit., p. 135. L'auteur de l'office de saint Anselme que l'on chantait au Bec était peut-être D. Beaucousin.

D. Le Cerf de la Viéville, Bibl. hist. et crit.,

Voir plus loin, sur le Jansenisme au Bec.

p. 170.

3 Sur D. Boudier, voir Hist. litt. de la Cong. de Saint-Maur, p. 409. Un beau portrait de D. Boudier, qui avait été abbé régulier triennal de Saint-Martin de Séez, est conservé au Musée municipal de Brionne. * Nouvelle méthode pour apprendre le plain-chant, par M. Poisson, curé de Bocherville. Rouen, Labbey, 1789, p. 18.

C'est ce qu'établit un procès-verbal de l'année 1707.

Au Bec, lors de la reconstruction entreprise au XVIIe siècle, chaque cellule comprenait deux pièces, une chambre et un cabinet de travail.

dans les moindres détails. A deux heures du matin (les dimanches et fêtes à une heure trois quarts), les religieux se levaient et descendaient au chœur pour chanter matines1. En hiver, après cet office de la nuit, on s'approchait pendant quelques instants d'un grand feu, puis au signal du prieur chacun se retirait dans sa cellule. A cinq heures et demie, méditation au choeur à six heures, chant de prime et de tierce; la communauté se rendait ensuite à la salle capitulaire où on lisait le martyrologe et un chapitre de la règle de Saint-Benoit. A neuf heures on chantait sexte, la grand' messe et none. A onze heures, les religieux prenaient leur repas, durant lequel on lisait l'Ecriture-Sainte et quelque ouvrage ascétique; le dîner se composait d'une soupe, de deux plats maigres et de quelques fruits; on se servait de gobelets de verre ou d'étain. Les dimanches et jours de fêtes, le mardi et le jeudi pendant le carême, et les autres jours de l'année, sauf le vendredi et les jours de jeûne, une récréation d'une heure ou davantage était accordée aux religieux après le dîner. A trois heures et demie, on chantait vêpres; à cinq heures et demie, les moines allaient au réfectoire et entendaient une lecture pendant le souper, après lequel ils restaient en récréation jusqu'à sept heures. A sept heures, la communauté se rendait au choeur pour psalmodier complies, et après quelques instants de récollection, à sept heures trois quarts on allait se coucher. Chaque religieux était astreint dans la journée à une heure d'un travail manuel qui lui était indiqué le matin par le supérieur; le temps passé à la cellule était consacré à l'étude. Le dimanche à deux heures, les religieux assistaient à une conférence d'une demi-heure; mais la conférence n'avait pas lieu quand il y avait sermon à l'église. Le silence devait être rigoureusement gardé à l'église, au chœur, dans le dortoir, le réfectoire, le chauffoir et le chapitre. Chaque semaine, sauf dans l'Avent

Dans les monastères qui comprenaient au moins vingt-quatre religieux de choeur, on devait chanter l'office entier. (Constitutiones Congregationis S. Mauri, cap. ш, no 2.)

Dans les jours de jeûne, le dîner avait lieu à midi et la collation à six heures.

et le Carême, les religieux au sortir du diner allaient une fois en promenade jusqu'à l'heure de vêpres. Il leur était expressément défendu d'avoir des chiens, de jouer aux cartes et aux dés. Il y avait outre les religieux de choeur, des frères convers chargés de la cuisine, de l'infirmerie, du vestiaire, etc. Les pères et les frères lais prenaient en commun leurs repas au réfectoire le prieur présidait1. Les enfants de chœur étaient élevés et instruits aux frais de la maison 2, et plus tard, s'ils étaient intelligents, ils devenaient, par les soins des moines, organistes ou prêtres. Le poisson qui était la principale nourriture des religieux se conservait dans de vastes viviers. Les bénédictins de Saint-Maur observaient l'abstinence perpétuelle; quant aux infirmes qui avaient obtenu la permission de faire gras, ils devaient manger dans un réfectoire séparé, autrefois appelé la Miséricorde.

Constitutiones Cong. S. Mauri, passim.

2 << Pueros qui sacerdotibus missas celebrantibus assistunt sacrista catholicae religionis principia edocebit; litteras quoque et infantilibus geniis aptatas scientiarum lectiones et praecepta tradet. Invigilabit ut ubique modesti, ubique compositi sint, et decenti semper habitu, licet simplici, vestiantur. » Constitutiones, etc., p. 227.

CHAPITRE XIX

Le bréviaire du Bec de 1550. Le culte d'Herluin. On essaie de le faire béatifier à Rome. Reconnaissance de son tombeau en 1707. Le Proprium locale du Bec de 1766.

Il n'existe, à notre connaissance, aucun bréviaire manuscrit du Bec; mais cette lacune est quelque peu comblée par le bréviaire en deux volumes que le grand-prieur D. Jacques Du Tot fit imprimer en 1550, composé et restitué «< ad antiquam ejusdem inclyti cenobii formam ». On peut donc croire que ce bréviaire n'est que la reproduction de ceux, plus anciens, que nous n'avons plus 2.

1 D. Jacques du Tot fut grand-prieur du Bec de 1529 à 1557. Sur ce personnage, voir plus haut, p. 145 de ce volume.

* Le bréviaire du Bec est conservé à la Bibl. nat. (Réserve des imprimés. B. 29996 et 29997). Le premier volume est complet, et en voici le titre dont les deux premiers mots sont en rouge. || « Pars Estiualis Breuiarii singulis annis in clarissi || mo cenobio Beccensi, Ordinis sancti Benedicti, || diocesis Rothomagensis, Legendi ad anti || quam ejusdem inclyti cenobii for || mam reuocati ac restituti. || Anno dni millesimo || quingentesimo quinquagesimo. || (Bois représentant l'arbre de Jessé). D. I. du tot. grant prieur du Becq Hellouin A faict ce faire. » Le titre de ce bréviaire et le comput qu'on trouve en tête sont en caractères romains; le calendrier et le bréviaire lui-même sont entièrement en gothique. Le second volume, qui contient le Pars hiemalis, est incomplet sans doute des dix premiers feuillets (titre, comput et calendrier). Il doit aussi manquer neuf feuillets à la fin. Le bréviaire du Bec est de format petit in-8° à deux colonnes. La reliure du premier volume est remarquable; elle est de cuir fauve à entrelacs renaissance peints en bleu, blanc et vert au centre du plat, un médaillon renfermait un écusson qui semble avoir été défiguré. Sur la couverture du second, en veau brun, se trouvent estampés en or les mots : D. LOVIS || PIPEREY D. Louis de Piperey fut prieur des anciens religieux du Bec de 1619 à 1630. Je possède un exemplaire de la partie d'hiver du bréviaire du

I. Le premier volume du bréviaire du Bec, Pars estivalis1, renferme un calendrier à peu près identique à celui du missel plénier du XIIe siècle, dont nous avons parlé ailleurs. Les saints normands et anglais figurent toujours à leur place; en tête des mois se retrouve le vers latin indiquant les jours égyptiaques; ainsi pour janvier : « Prima dies mensis et septima truncat ut ensis. » Les feuillets ne sont pas chiffrés, mais les cahiers ont des signatures alphabétiques.

Après le calendrier viennent les bénédictions pour les leçons de matines; « oratio de sancta Maria Egyptiaca >> ; les matines et l'office de la Sainte Vierge, « ad matutinas de nostra domina. » Suit le « Rosarium beate Marie virginis »; c'est une collection d'antiennes pieuses à la fin de chacune desquelles on récitait l'Ave Maria. Enfin une « oratio devotissima dicenda die sabbati ad honorem intemerate Dei genitricis virginis Marie. »><

Le départ du propre du Temps se fait à l'octave de la Pentecôte, c'est-à-dire au dimanche de la Sainte Trinité. L'office du Saint-Sacrement, depuis les premières vêpres «< in vigilia Eucharistie » jusqu'aux secondes vêpres, est conforme à celui que l'ordre romain a emprunté à saint Thomas d'Aquin; les matines ont douze leçons.

Suivent les leçons, hystorie, pour l'office férial des semaines après la Pentecôte, puis les homélies pour les vingt-cinq dimanches après la Pentecôte. Après le dernier dimanche, on lit ces mots : « Explicit tempus estivale. »>

La seconde partie de ce volume débute par l'office ou psaumes de prime et de matines; puis les psaumes graduels et autres que l'on récitait à certains jours de la semaine. Suivent encore les litanies des Saints avec les oraisons, l'of

Bec, avec le calendrier mais le titre manque. On lit au pied de la première page, en écriture du xvIIe siècle : Breviarii Beccensis Pars Hyemalis. Il avait été trouvé à Bernay par M. l'abbé Vochelet, aumônier aux Andelys, qui a bien voulu me l'offrir. M. Delisle pense que le bréviaire du Bec a été imprimé à Paris.

* Liturgiquement, le bréviaire commence par la partie d'hiver, au premier dimanche de l'Avent; mais nous analysons d'abord la partie d'été parce que ce volume est complet du titre, et qu'il renferme le calendrier qui manque à la partie d'hiver de l'exemplaire de la Ribl. nat.

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