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Aux dépenses et aménagements faits par les religieux dans leurs fermes, il faut ajouter les sommes qu'ils employèrent à la décoration de leur église 1, leurs aumônes qui devaient s'élever à un chiffre considérable, comme dans les années où 10 000 pauvres venaient, le même jour, frapper à leur porte. Au XVIIIe siècle, ils rebâtirent splendidement leur monastère c'est celui que l'on admire encore aujourd'hui.

En 1685, le lot des religieux, ou mense conventuelle, s'élevait à environ 48 000 livres de revenu annuel, se décomposant comme il suit : les divers baux produisaient 36 196 livres; la pension sur le prieuré de Beaumont 1 500 livres ; celle sur le prieuré de Saint-Martin de la Garenne 350 livres; les revenus du petit couvent et ceux régis par les officiers claustraux

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plants nouveaux, il a laissé dépeupler d'arbres presque toutes ses fermes et même son enclos abbatial; enfin les bastimens estoient à sa mort en si mauvais estat, que sa succession a composé avec M. l'abbé (de la Rochefoucauld) à une somme de 40 000 livres. » Questions à décider entre M. Roger de la Rochefoucault, abbé commendataire, et les religieux du Bec, p. 11. Bibl. de l'Évêché d'Evreux.

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« Il est de notoriété publique que les religieux ont rendu l'église et l'abbaye une des plus belles du royaume, et qu'ils ont dépensé du leur quatre fois plus que le sieur abbé de Vic ne leur a donné. » Addition au Factum des religieux du Bec, p. 8. Bibl. de l'Évêché d'Evreux.

Les religieux payaient sur leur tiers lot 5 000 livres de taxes au clergé. (Mémoire pour les religieux du Bec..... contre messire Roger de la Rochefoucault, défendeur, p. 1.) Il faut ajouter la pension annuelle de 8 000 liv. faite à l'abbé.

3 On désignait sous le nom de biens du petit couvent: 1° ceux qui avaient été aumônés aux religieux depuis la commende et qui avaient toujours été distraits du partage au profit des religieux; 2° ceux qui appartenaient à l'abbaye avant la commende et dont les religieux jouissaient sous l'obligation d'acquitter les fondations. (Décisions des sieurs Le Merre et Chevalier, avocats au Parlement, 9 juillet 1712.)

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L'office du sacristain valait 1 700 liv. de revenu; ces revenus consistaient 1° en la terre et seigneurie du Plessis-Mahiet et les deux tiers de la dime de cette paroisse; 2° dans un petit droit de dime au Bec valant 15 à 18 liv. ; 3° dans une redevance de deux septiers de blé sur les dimes d'Epégard. L'office d'infirmier, réuni à la communauté en 1640, avait un revenu consistant en une maison, terres et fief au lieu dit Ecorche-Caillou, affermés 90 liv. Les revenus de l'office du prieur consistaient dans le droit de pêche dans la rivière de Rille, valant environ 15 liv. de revenu, et en une rente de 40 liv. sur le moulin de Saint-Martin du Parc. Enfin l'office de bailli-justice était payé par l'abbé 200 liv. par an, par un arrêt de 1637. (Questions à décider entre messire

s'élevaient à 8000 livres ; enfin il fallait ajouter le tiers du revenu du prieuré de Bonne-Nouvelle ou du Pré1.

On dira, conformément au proverbe bien connu, que les moines du Bec étaient fort riches. Rien n'est plus vrai ; mais on voudra bien admettre aussi qu'ils savaient faire un utile et noble usage de leur richesse.

Roger de la Rochefoucault et les religieux du Bec, p. 1, 3, 7 et 8). Au moment de la Révolution, les offices claustraux valaient la ferme, dime et seigneurie du Plessis-Mahiet, 4800 liv.: le fief d'EcorcheCaillou avec les rentes seigneuriales, 175 liv.; enfin une rente sur le petit séminaire d'Evreux à la charge du curé d'Epégard, 60 liv.

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↑ Factum pour messire Roger de la Rochefoucault, p. 8.

CHAPITRE XVIII

Les écoles d'humanités, de philosophie et de théologie dans la Congrégation de Saint-Maur. Le programme des études. L'école de théologie du Bec et ses professeurs. Les historiens de l'abbaye. Ecrivains divers. La journée d'un bénédictin de SaintMaur.

En se proposant principalement de ramener à la ferveur régulière les monastères bénédictins qui adoptaient sa réforme, la Congrégation de Saint-Maur avait, en même temps, voulu donner une impulsion féconde à l'étude de la théologie, des lettres sacrées, des langues et de l'histoire. ecclésiastique. Qui ne se souvient de la retentissante dispute qui s'éleva entre l'abbé de Rancé et Mabillon? L'austère réformateur de la Trappe ne comprenait pas qu'un moine s'occupât d'autre chose que de son salut personnel au moyen de la prière et du travail des mains. D. Mabillon qui personnifie si admirablement l'esprit de sa Congrégation, soutenait avec raison que l'étude, chrétiennement pratiquée, était utile non seulement au religieux pour nourrir son âme, mais encore à ses frères pour les édifier, aux fidèles demeurant dans le monde pour les fortifier, et même aux incrédules et aux impies pour les éclairer et les confondre1. L'expérience a confirmé le sentiment de Mabillon, et l'étude est toujours demeurée en honneur chez les bénédictins. Si, dans le nombre considérable des livres sortis de leur plume,

Sur la querelle entre Rancé et Mabillon, voir E. de Broglie, Mabillon et la Société de l'abbaye de Saint-Germain des Prés à la fin du XVIIe siècle, t. II, ch. vIII.

durant les deux derniers siècles, il en est quelques-uns d'une orthodoxie douteuse, l'immense majorité de leurs travaux a rendu et rend encore à l'Église les plus signalés services, car ils ont singulièrement facilité au clergé l'étude de l'exégèse et de la patristique, et aux laïques les recherches d'his toire et d'érudition.

Dans le chapitre général qui fut tenu à Marmoutier au mois de septembre 1651, on décida l'établissement d'écoles de théologie et de philosophie dans les diverses provinces de l'ordre. Pour la Normandie, l'école de théologie fut instituée au Bec et le professeur désigné fut D. Agathange Collot Des écoles de philosophie furent érigées dans les monastères de Saint-Martin de Séez et de la Trinité de Fécamp. Trois écoles d'humanités et de rhétorique étaient, en même temps, fondées à Saint-Jean d'Angély, à Tiron et à Notre-Dame de Pontlevoy. Pour ne pas multiplier outre mesure les occupations des religieux chargés des cours, il fut décidé qu'à l'avenir les prieurs ne pourraient exercer les fonctions de professeur. On prescrivait aux étudiants qui avaient achevé leurs cours de philosophie et de théologie d'aller dans un autre monastère de leur province, vaquer uniquement pendant une année aux exercices de la piété et de la vie monastique *.

Les constitutions de la Congrégation de Saint-Maur, rédi

Il est bon d'observer que le nombre de ces écoles se multiplia rapidement; dès la seconde moitié du xvir siècle, il y avait des écoles de théologie et de philosophie dans la plupart des grands monastères; on peut citer entre autres: Saint-Germain des Prés, Saint-Denis, Corbie, Saint-Faron de Meaux, Saint-Benoît-sur-Loire, Bourgueil, Saint. Evroult, Saint-Etienne de Caen, Saint-Wandrille, Jumièges, le MontSaint-Michel.

Dans un plan de l'abbaye du Bec dressé au XVI siècle et conservé aux Archives nationales, la classe, le chauffoir et la salle pour se promener sont indiqués au sud du chapitre, sur l'un des côtés du cloître. Voir aussi la vue du Monasticon gallicanum, édit. Palmé, pl. 114.

Il existait une école d'humanités au prieuré de Bonne-Nouvelle de Rouen, où l'on institua une chaire spéciale de langues grecque et hébraïque. M. le chanoine Sauvage a raconté avec beaucoup de charme l'histoire de l'Ecole de Bonne-Nouvelle, Rouen, 1872.

D. Martène, Annales de la Congr. de Saint-Maur, Bibl. nat., lat. 12791, fo 272-273.

gées en 1627 et retouchées dans le chapitre général du 5 juin 1769, contiennent le règlement détaillé des études auxquelles étaient astreints les futurs religieux; on craignait que la légèreté de leur âge ne leur permit pas de faire des progrès suffisants dans les collèges publics. Dès la première année de la probation, les candidats devaient se livrer à l'étude des langues française, latine et même grecque et hébraïque, de la chronologie, de l'histoire et de la géographie. Ils étaient, en outre, astreints au travail des mains, aux lectures de piété, à l'interprétation du Nouveau Testament. et de la règle de l'ordre, à l'étude des rubriques du bréviaire, du chant et des cérémonies liturgiques. Les étudiants n'étaient pas dispensés des exercices de la communauté, sauf à de rares exceptions. Ils avaient deux classes par jour d'une heure et demie chacune, le matin à sept heures et demie, le soir à une heure trois quarts; ils se réunissaient dans une salle commune pour préparer leurs leçons 3.

Le professeur de rhétorique, après un rapide examen des préceptes, devait en faire l'application dans l'étude de quelque Père de l'Église dont la latinité semblait plus recommandable, comme Lactance, saint Cyprien, saint Jérôme, ou de fragments de l'Écriture, tels que les cantiques de Moïse et les Prophètes. On pouvait aussi analyser quelques auteurs profanes «< Cicero in suis Officiis et Orationibus; in Georgicis Virgilius, et Arte poetica Horatius: fas erit pariter orato

1 Regula S. P. Benedicti et Constitutiones Congregationis sancti Mauri, Paris, 1770. Le chapitre général de 1766, préoccupé de faire refleurir les études dans la Congrégation, avait établi à Saint-Germain des Prés un bureau de littérature chargé de préparer un nouveau plan d'études. Le supérieur-général D. Boudier écrivit, le 17 janvier 1768, une lettre-circulaire dans laquelle il annonçait la composition et le fonctionnement du bureau de littérature, et l'esprit large qui devait présider à l'exécution de ce nouveau plan d'études qui allait être adopté par la Congrégation. Voir : A. Dantier, Rapport sur la correspondance inédite des Bénédictins de Saint-Maur. Paris, 1857, p. 127-130. Le règlement scolaire donné en 1769 ne fit que compléter et développer celui qui était en usage dans les écoles établies au XVIe siècle.

Constitutiones, etc., cap. xIII. De prima candidatorum probatione,

p. 145.

3 Constitutiones, etc., cap. xvI. De studiis juniorum, sive ante sive post emissam professionem, p. 162.

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