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évêque d'Avranches, de sacrer à sa place Guy du Merle, évêque de Lisieux. Ce fut encore à Geoffroy Boucher qu'il s'adressa pour la bénédiction de l'abbé du Bec. Le 18 décembre, il lui manda de faire l'enquête canonique sur l'élection et de s'assurer si les formes prescrites par le droit avaient été fidèlement gardées. Au cas que l'évêque d'Avranches ne pourrait poursuivre cette enquête, il commettait à sa place l'évêque d'Évreux, ou à son défaut quelque autre de la pro

vince 1.

Sur la réponse affirmative de Geoffroy Boucher, l'archevêque lui écrivit le 21 décembre pour le charger cette fois de confirmer et de bénir le nouvel abbé; il le priait en même temps de lui faire savoir s'il acceptait cette nouvelle mission 2.

L'évêque d'Avranches vint au Bec, confirma l'élection de Gilbert de Saint-Etienne et lui donna la bénédiction abbatiale. Gilbert prêta, entre les mains du prélat, le serment d'obéissance que les abbés du Bec devaient aux archevèques. Jadis, du temps de saint Anselme, de Guillaume de Montfort et de Boson, il y avait eu, à propos de cette profession d'obéissance, des luttes, des résistances prolongées. Mais les temps étaient changés ; et comme, au fond, la soumission des abbés à l'archevêque était surtout affaire de déférence et de respect, on s'inclinait aisément devant l'usage.

Le jeudi 24 décembre, Geoffroy Boucher, se trouvant à Pontoise avec le roi, écrivit à l'archevêque pour l'informer qu'il avait donné à Gilbert la bénédiction abbatiale 3. Ce même jour, Gilbert de Saint-Etienne recevait de Guillaume de Flavacour une lettre pour Philippe le Bel dans laquelle le. roi était prié de remettre au nouvel abbé, canoniquement élu, confirmé et béni, le temporel du monastère placé sous la protection royale *.

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Le lendemain, jour de Noël, Gilbert était reçu par le roi,

Bibl. Cotton. Domitianus, A. XI' (f 89).
Bibl. Cotton. Domitianus, A. XI (fo 89).

Bibl. Cotton. Domitianus, A. XI (fo 89 vo).

Bibl. Cotton. Domitianus, A. XI. (fo 89 vo).

lui jurait fidélité comme à son suzerain, et Philippe le Bel enjoignait aussitôt au bailli de Rouen de donner main-levée sur tout le temporel de l'abbaye en faveur de l'abbé nouvellement élu. Les lettres sont datées de Pontoise 1.

Restait une dernière et importante formalité à remplir. Avant d'exercer aucun acte de juridiction, l'abbé devait recevoir de l'archevêque la mission canonique de pasteur et la charge des âmes. Le 26 décembre, Guillaume de Flavacour écrivit de Pinterville au prieur et aux religieux pour leur annoncer qu'il remettait à Gilbert de Saint-Etienne l'administration spirituelle et temporelle de leur monastère, et qu'ils devaient désormais lui obéir fidèlement en toutes choses 2.

Ces nombreuses formalités étant accomplies, Gilbert put enfin prendre possession de son siège abbatial, et ce jour-là, il prêta le serment d'usage en présence de sa communauté 3.

Dès le commencement de son abbatiat, Gilbert de SaintEtienne eut à défendre les droits de son abbaye contre un puissant adversaire, le grand-archidiacre de Rouen; il s'agissait de l'exemption du Bec. On sait que, dès le x siècle, l'archevêque Guillaume Bonne-Ame avait accordé aux religieux certains privilèges déterminés, que les papes, Célestin III entre autres, avaient fort étendus. Le droit de procuration des archidiacres avait été soumis à des restrictions 5

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Bibl. Cotton. Domitianus, A. XI (fo 90).

Bibl. Cotton. Domitianus, A. XI (f° 89 vo), et Bibl. nat., lat. 12884, fo 434.

3

Cette formule de serment se trouve dans la Chronique du Bec, p. 127.

« Concedo ut ecclesia ipsa ejusque loci parochia cum residentibus parochianis suis perpetuo sit libera ab omni episcopali exactione, praeter ea quae abs episcopali officio administrari non possunt, ut est monachos vel clericos ordinare, ecclesias reconciliare, etc. Gallia christ., Instrumenta. XI, col. 17.

« Ad haec, praesenti pagina duximus inhibendum ne quis archiepiscopus, archidiaconus, decanus sive etiam legatus apostolicae sedis procurationem aliquam seu aliquid ratione procurationis a vobis sive a domo vestra, extra ambitum vestrorum exigere vel extorquere nitatur. In prioratibus vero conventualibus quos habetis, eumdem modum, adhibita temperentia quam convenit, praecipimus observari. In minoribus autem quorum ad hoc non suppetunt facultates, id omnino

qui ne devaient pas plaire à ces dignitaires dont on a plus d'une fois stigmatisé la vie fastueuse et les instincts rapaces 1. L'archidiacre était le premier après l'évêque, et ses pouvoirs de juridiction sur les clercs et les affaires contentieuses étaient fort étendus. Cette autorité, difficilement limitée, placée entre les mains de prêtres de noble extraction, riches et influents, devait souvent glisser dans les abus 2.

Le conflit dont nous avons à parler, éclata au commencement du XIVe siècle; il avait probablement ses origines dans un excès de pouvoir dont les officiers de l'archevêque s'étaient rendus coupables une dizaine d'années auparavant.

En vertu d'une commission donnée par l'archevêque de Rouen, deux chanoines de Notre-Dame de la Ronde, Robert de Nucourt et Eudes de Arquenerio, alias de Grangeio, avaient lancé, on ne sait pour quel motif, contre les religieux du Bec une double sentence de suspense et d'excom

fieri prohibemus. » Bulle de Célestin III en 1196. Bibl. nat., lat. 12884, fa 255. Voir encore un passage de la bulle d'Alexandre III, du 29 octobre 1162, citée au t. I, p. 325, note 3 de cette Histoire.

'Petri Blesensis Bathoniensis in Anglia archidiaconi. Opera omnia, Paris 1667, in fo p. 587. On lit dans un sermon de Jacques de Vitry : « Qui malos archidiaconos vel decanos rurales constituunt similes sunt cuidam fatuo, qui cum caseum, quem in arca reconderat, a muribus corrosum respiceret, posuit in arca murilegum ut a muribus defenderet caseum. Murilegus autem non solum mures devoravit sed totum caseum comedit. Sic raptores et avari officiales, qui a malis sacerdotibus simplicem populum defendere deberent, tam sacerdotes quam laicos pecuniis spoliant et devorare non cessant. » Jacobi de Vitriaco, Sermones vulgares, Bibl. nat., lat. 17509, f 13 vo.

* Thomassin, Ancienne et nouvelle discipline de l'Eglise, t. I, 448 et VII, 36 et suiv,

3

« L'official de Lisieux, subdélégué par l'abbé de Saint-Taurin d'Evreux nommé par le pape Urbain IV conservateur des privilèges du Bec, cassa la sentence de suspense et d'excommunication donnée par Robert de Nudacuria et Odon de Grangeio, chanoines de Notre-Dame de la Ronde de Rouen, commissaires ou déléguez de G. archevêque de Rouen contre les religieux du Bec, pour crimes notoires, « ita notoria et manifesta quod nulla possent tergiversatione celari; et si verbo negari poterant re tamen et facto negari non poterant. » L'official cassa cette sentence comme contraire aux privilèges accordés par les papes qui deffendent d'excommunier ou suspendre les religieux du Bec. Cette sentence de l'official est de l'an 1295. Elle était apparemment à l'occasion de la juridiction ecclésiastique, Guillaume archevêque ayant intenté procez sur ce sujet. » Recueil de D. Jouvelin, Bibl. nat., lat, 13905, fo 89 v°.

munication, et après l'avoir promulguée publiquement, ils l'avaient signifiée à la communauté. C'était enfreindre ouvertement les privilèges accordés par les papes 1. L'official de Lisieux, subdélégué par Simon, abbé de Saint-Taurin, conservateur apostolique des privilèges de l'abbaye, ayant fait comparaître les deux parties et entendu leurs raisons, jugea et décida, qu'en vertu des bulles pontificales, aucun archevèque, évêque ou archidiacre ne pouvait décerner une sentence d'excommunication ou de suspense contre les religieux sans une commission spéciale du pape, et qu'en conséquence, celle des deux chanoines était caduque et de nul effet. La lettre de l'official de Lisieux est du 15 janvier 1295 2.

L'annulation de la sentence des chanoines de la Ronde ne fit qu'échauffer la bile des officiers de l'archevêque. En 1302, on voit Richard de Cormeilles, abbé de Saint-Taurin, muni d'une délégation du Saint-Siège, mander à l'official de Rouen, lequel à son tour avait lancé contre l'abbé et les religieux du Bec une sentence de suspense contre tout droit et toute justice, d'avoir à la révoquer par écrit, et d'afficher cette révocation in curia Becci où la suspense avait été signifiée 3.

Les entreprises de l'official étaient tellement abusives que l'archevêque Guillaume de Flavacour donna lui-même une lettre datée de Déville, le 24 mars 1303, dans laquelle il reconnaît, après enquête faite par son sous-official Pierre de Chartres, que le prieur claustral du Bec avait eu de tout

<< Statuentes ut nullus archiepiscopus, episcopus, archidiaconus, decanus seu ulla ecclesiastica superior inferiorve persona, nec etiam legatus sedis apostolicae, nisi speciale mandatum habuerit, vos, monasterium vestrum, sive speciales ecelesias, vel alias possessiones vestras, vel earum custodes sive administratores, suspensionis, interdicti, sive excommunicationis sententiae subjicere praesumat; et si praesumptum fuerit, viribus careat et penitus evanescat ». Bulle de Celestin III, de 1196. Citée dans Opera Lanfranci, édit. d'Achéry, p. 242, et Bibl. nat., lat. 12884, fo 255.

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Bibl. nat., lat. 12884, f° 423 vo.

3 Bibl. nat., lat. 12884, fo 430 vo.

« Petrus de Carnoto, subofficialis » de Rouen, fit une enquête touchant la juridiction du Bec appartenant au prieur au nom de l'abbé et du couvent. Cette enquête est de trente témoins qui tous attestent pour les droits et juridiction sur la paroisse du Bec. L'official de Rouen

temps et avait toujours juridiction sur les hommes de l'abbaye et sur ceux du bourg1.

Mais si l'abbaye avait obtenu gain de cause relativement à son droit d'officialité, il n'en était pas de même du droit de visite. Le 27 octobre 1303, le grand-archidiacre de Rouen, Guillaume de Flavacour, un parent de l'archevêque, écrivit à l'abbé Ymer pour lui annoncer qu'il ferait le lendemain la visite canonique; il lui mandait en même temps d'apposer son sceau sur la lettre en signe d'acquiescement 2. Ymer reconnut la juridiction du prieur du Bec, « die sabbati post octavas Epiphaniae. » — Le prieur du Bec écrivit à l'official de Rouen pour le prier d'envoyer par devers luy prieur la cause de quelques personnes de la juridiction du Bec assignez devant l'official de Rouen. La lettre du prieur est de l'an 1280, die lunae post Exaltationem sanctae Crucis, L'official répondit au prieur, et lui mande qu'il luy renvoye les justiciables: la lettre de l'official est de la même année, die martis post Exaltationem S. Crucis. En 1291, plusieurs personnes citées devant l'official de Rouen furent aussi renvoyées par-devant leur juge, le prieur du Bec. » Recueil de D. Jourelin, Bibl. nat., lat. 13905, fo 90.

Guillermus, permissione divina Rothomagensis archiepiscopus, dilecto et fideli officiali nostro Rothomagensi, salutem in Domino. Cum per inquestas factas de mandato nostro per dilectum et fidelem magistrum Petrum de Carnoto, subofficialem nostrum Rothomagensem, sufficienter nobis constet ad priorem claustralem monasterii de Becco Helloyni, ordinis S. Benedicti, Rothomagensis diaecesis, in homines dicti Becci seu villae jurisdictionem ecclesiasticam pertinere, et hactenus spectasse; mandamus tibi quatinus ipsum priorem et suos successores nomine dicti monasterii dieta juridictione uti et gaudere libere permittas, eosdem super dictam jurisdictionem nullatenus inquietans. In cujus rei testimonium sigillum nostrum praesentibus est appensum. Datum apud (Deivillam) die martis post Dominicam qua cantatur Isti sunt dies, anno Domini MCCCo secundo. » Le prieur du Bec s'étant adressé aux vicaires généraux de Bernard de Farges, archevêque de Rouen, « tunc in remotis agentis », et s'étant plaint que l'official de Rouen entreprenait sur des droits, exerçant la juridiction sur des sujets de la paroisse du Bec, les grands vicaires ordonnèrent à l'official de laisser jouir le prieur des droits qui luy avaient été confirmés par l'archevèque Guillaume de Flavacour en 1802 (v. st.). L'ordonnance des grands vicaires est de l'an 1310, die jovis post festum Omnium sanctorum. Les grands vicaires de Gilles de Montaigu, alors archevêque de Rouen, confirmèrent les sentences de Guillaume de l'an 1302 et celle des grands vicaires de Bernard, alors archevêque de Narbonne, en 1310. Cette confirmation est de l'an 1311, « die jovis post festum Conceptionis B. Mariae Virginis. » Recueil de D. Jouvelin, Bibl. nat., lat. 13905, fo 37 v°.

« Guillelmus de Flavacuria, Rothomagensis archidiaconus, religioso viro abbati de Becco Helluyni salutem in Domino. Hac instanti die

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