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de leur prieur un certificat de bonne conduite. Dans le même chapitre, on lança l'excommunication contre les faiseurs et fauteurs de cabales, les rebelles et les calomniateurs de leurs frères. L'abbé Ymer condamna également l'ingérence des laïques auxquels certains moines ne craignaient pas d'avoir recours pour obtenir soit un changement de résidence, soit une promotion à un office ou à un prieuré, ou encore pour être indûment maintenus dans les fonctions d'officier ou de prieur 1.

Ymer de Saint-Ymer mourut le 15 novembre 1304, et fut inhumé dans la salle capitulaire, à la tête du vénérable Herluin. Sa laborieuse et féconde administration, qui dura vingt-trois ans, le place au rang des plus illustres prélats qui aient occupé le siège abbatial du Bec.

Chronique du Bec, p. 131. D. Thibault nous a conservé le texte des excommunications et des statuts portés par le chapitre général de 1304. Voir à l'Appendice n° 1.

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Chronique du Bec, p. 134. Le prieur Guillaume de Saint-Pair avait adressé une lettre aux abbés de Cormeilles, de Saint-Taurin d'Evreux, de Bernay et de Préaux pour les inviter aux funérailles d'Ymer de Saint-Ymer (Cartularium normannicum de l'abbé De la Rue, fo 86 et 86 vo. Extrait de la Bibl. Cottonienne, Domitianus, A. XI).

CHAPITRE II

Gilbert de Saint-Étienne, 19o abbé. L'officialité du Bec. Le grand archidiacre de Rouen et l'exemption de l'abbaye. Echange d'Ecouis. Dimes de la forêt du Neubourg. Transactions, droits de patronage et de dimes. Hommages faits à l'abbé du Bec par ses vassaux. La chapelle de Saint-Herluin. Chapitres généraux de 1313 et de 1323. Achèvement de l'église abbatiale. Mort de Gilbert de Saint-Etienne.

L'élection des abbés était entourée de formalités multiples qui avaient pour but d'en assurer la liberté et la régularité. Toutes les pièces de cette procédure compliquée, qui fut en usage lors de l'élection de Gilbert de Saint-Etienne, sont conservées dans un manuscrit du British Museum. Elles pourraient fournir la matière d'une intéressante étude sur le droit canonique au xive siècle; nous nous contenterons d'envisager le côté historique de la question.

Aussitôt après les funérailles d'Ymer de Saint-Ymer, le prieur Guillaume de Saint-Pair1 et la communauté désignérent deux de leurs confrères, Gilbert de Saint-Etienne et Jean de Saint-Georges, pour présenter à Philippe le Bel une lettre missive dans laquelle le roi était humblement supplié d'autoriser l'élection d'un nouvel abbé 2.

'Guillaume de Saint-Pair mourut en 1308, et fut enterré dans le chapitre. On lisait sur son tombeau : « Hic jacet frater Guillermus de Sto Paterno quondam sprior Becci. Anima ejus requiescat in pace. » Recueil de D. Jouvelin, Bibl. nat., lat. 13903. f° 106.

Bibl. Cotton. Domitianus, A. XI (f° 86 vo du Cartularium normannicum ex autographis tam in turri Londinensi quam in Musaeo Britannico asservatis collectum, Londini, anno 1792 et 1793, par l'abbé De la Rue). Pendant son séjour à Londres, en 1792 et 1793, l'abbé De la Rue

Philippe le Bel se trouvait alors à Jouarre. Il accueillit favorablement la supplique des religieux, et par lettres en date du 21 novembre 1304, il octroya la permission demandée. Il recommandait aux moines la concorde dans l'élection, et le choix d'un abbé capable de bien gérer les intérêts spirituels et temporels de leur communauté 1.

Au retour des délégués, 26 novembre, le prieur claustral s'empressa de mander aux prieurs de Beaumont-le-Roger, de Bréval, de Saint-Martin de la Garenne, de Meulan, de Conflans, de Pontoise, du Lay, de Bouconvilliers, du Pré, d'Envermeu, de Saint-Martin au Bosc, de Canchy, de Beausault, de Saint-Philbert, de Saint-Ymer et de Saint-Lambert de Nassandres, de se trouver à l'abbaye le jeudi 15 décembre pour procéder à l'élection d'un abbé 2. D'après la coutume, tous les prieurs des prieurés de l'ordre situés en France avaient droit de prendre part, avec la communauté, à l'élection des abbés du Bec. Et comme on était en Normandie, pays de sapience, et de chicane aussi, dans le dessein de prévenir les conflits et de résoudre les difficultés canoniques qui pourraient surgir au moment de l'élection, on écrivit, le 28 novembre, à l'évêque d'Avranches, Geoffroy Boucher, que sa baronnie de Saint-Philbert rendait le voisin et l'ami du monastère, en le priant de vouloir bien assister, comme conseil de la communauté, à l'élection du futur abbé 3. Pareille demande fut adressée à maitre Raoul d'Harcourt, archidiacre de Coutances, à Richard Le Neveu, archidiacre d'Auge en l'église de Lisieux, et à Vincent de Louviers, chanoine d'Evreux tous ces personnages étaient docteurs en décret'.

avait transcrit ou analysé un certain nombre des pièces relatives à l'élection de Gilbert de Saint-Etienne. Ces précieux documents m'ont été obligeamment communiqués par M. E. Châtel, ancien archiviste du Calvados, qui en est aujourd'hui possesseur. Sur ces copies d'après les chartes conservées aux Bibliothèques Harléienne et Cottonienne au British Museum, voir : Galeron, Notice sur les travaux littéraires de l'abbé De la Rue, Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, 1836, t. X. Bibl. Cotton. Domitianus, A. XI (fo 87).

Bibl. Cotton. Domitianus, A. XI (fo 87 vo). 3 Bibl. Cotton. Domitianus, A. XI (fo 87 vo). Bibl. Cotton. Domitianus, A. XI (fo 88).

Cependant, le jour fixé pour l'élection approchait. De tous côtés on voyait arriver à cheval, revêtus de leur coule blanche et encapuchonnés de fourrures d'agneau (car on était en décembre), les prieurs de l'ordre, fidèles à répondre à la convocation qui leur avait été adressée.

Le jeudi 15 décembre, jour de l'élection, les prieurs présents et la communauté assistèrent à une messe solennelle du Saint-Esprit qui fut célébrée par le prieur du Bec; puis, au son de la cloche, ils se réunirent dans la salle capitulaire. Trois modes d'élection étaient alors en usage dans les ordres religieux l'inspiration ou acclamation, le scrutin, et le compromis qui remettait à un nombre plus ou moins restreint de religieux les pouvoirs électifs du chapitre général. De l'avis commun, il fut décidé que ce serait par ce dernier mode que l'on procéderait. En conséquence, Guillaume de Saint-Pair, prieur du Bec, agissant tant en son nom qu'en celui de ses frères, désigna douze des religieux présents pour élire l'abbé. C'étaient : Gautier, prieur d'Envermeu ; Michel, du Lay; Barthélemy, de Beausault; Pierre, de SaintPhilbert; Arnoul, de Meulan; Guillaume, de Bonne-Nouvelle; Robert, de Saint-Ymer; Guillaume, de Saint-Martin au Bosc; André de Morenville, messier de l'abbaye; Gilbert de Saint-Étienne, grangier; Jean Simenel, justicier, et Thomas de Ros.

Ces douze électeurs avaient pouvoir d'élire l'abbé à condition que ce fut un religieux de l'Ordre du Bec, et que, s'il était choisi parmi les délégués, il obtint onze suffrages; au cas où il serait pris en dehors d'eux, il devait réunir les douze voix. Ces conditions acceptées, les douze religieux sortirent du chapitre et se retirèrent dans l'église, lieu ordinaire de l'élection. Après quelques pourparlers, onze voix se portèrent sur Gilbert de Saint-Étienne, grangier de l'abbaye, homme docte et prudent, recommandable par la pureté de ses mœurs et sa piété, et fort expert dans l'administration des affaires temporelles.

Ce fut Robert, prieur de Saint-Ymer, qui fut chargé de proclamer l'élection en chapitre. Des acclamations de joie accueillirent ses paroles. Alors Guillaume de Saint-Pair,

prieur de l'abbaye, s'approchant du nouvel élu, le pria humblement de donner son assentiment à l'élection qui venait d'avoir lieu. Gilbert de Saint-Étienne, encore tout troublé, hésitait et gardait le silence; pourtant, dans la crainte de résister à la volonté de Dieu, il finit par accepter la dignité qu'il n'avait point recherchée.

La communauté se rendit alors processionnellement à l'église en chantant le Te Deum; le nouvel élu fut conduit jusqu'au maître-autel qu'il baisa comme pour en prendre possession, et son élection fut, selon l'usage, notifiée à haute voix au clergé et au peuple assemblé dans l'église.

Le même jour, le prieur et les religieux adressèrent à l'archevêque de Rouen, Guillaume de Flavacour, le procèsverbal détaillé de l'élection, en le priant d'accorder à l'élu la confirmation et la bénédiction abbatiale 1. La lettre était scellée du grand sceau de cire verte sur lequel était représentée la Sainte Vierge tenant l'Enfant-Jésus et environnée d'étoiles. Elle fut remise à l'archevêque par Robert, prieur de Saint-Ymer, et Jean Simenel, justicier de l'abbaye. Ces deux religieux étaient munis de pleins pouvoirs pour traiter avec l'archevêque, jusqu'à hypothéquer les biens du monastère en garantie de leur soumission à ses volontés. Dans une autre lettre du 17 décembre, la communauté invitait l'archevêque à procéder, dans l'église du Bec, à l'appel des religieux et à la proclamation canonique de l'élection, afin de s'assurer qu'elle avait été libre et régulière 3.

Guillaume de Flavacour, déjà fort âgé, se trouvait alors dans son manoir de Pinterville, près de Louviers. Trente années d'épiscopat commençaient à peser sur ses épaules; aussi aimait-il de temps à autre à venir se reposer dans la solitude, loin des bruits du monde. Déjà, l'année précédente, il avait chargé l'un de ses suffragants, Geoffroy Boucher,

Tous les détails qui précédent sont tirés de la lettre adressée à l'archevêque par le prieur et les religieux, le 15 décembre; le texte intégral s'en trouve dans le ms. lat. 12884 f 432 à 434 vo, de la Bibliothèque nationale.

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