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- Il paroît une foule de journaux qui, pour se faire connoître, s'affichent aussi sur tous les murs de la capitale. De ce nombre sont la Révolution, le Patriote, le Ruban tricolore, le Tocsin national, etc.

Le 26 juillet, le Nouveau journal de Paris et le Journal du Commerce s'étoient pourvus en référé contre leurs imprimeurs, qui refusoient leur ministère, d'après l'ordonnance du 25; et M. de Belleyme avait rendu une ordonnance qui contraignoit, sur le vu de la minute, ces imprimeurs à imprimer à l'instant ces journaux, attendu que les ordonnances du 25 n'avoient pas été promulguées dans les formes voulues par la loi.

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M. le général Despinois, commandant la division militaire de Nantes, a quiité cette ville avec 400 hommes du 10° léger; et ayant rejoint à Ancenis les cuirassiers du 9, qu'il avoit demandés à Fontenay, il a annoncé l'intention de se rendre dans la Vendée. M. Pierrot, professeur de rhétorique au collège de Louis-leGrand, est nommé proviseur de ce collège en remplacement de M. Laborri.

- Il s'est formé, à ce qu'il paroît, un rassemblement de Vendéens du côté de Segré. On a envoyé des troupes de Tours à leur

rencontre.

- M. Chignard, avocat, est rétabli dans ses fonctions de conseiller de la préfecture de la Seine et de la ville de Paris, qui lui avoient été retirées par suite des dernières élections.

A Toulouse, le drapeau tricolore n'a pas été arboré facilement. Le 3 de ce mois la gendarmerie et les troupes de la garnison ont poursuivi les attroupemens d'individus qui se formoient pour établir le nouvel ordre de choses. On a fait feu sur les troupes, et elles ont été assaillies de pierres et de tuiles lancées des fenêtres et des toits. C'est surtout vers le préfet et le général que se dirigeoient les coups. La garnison, ne pouvant avoir le dessus sans effusion de sang, est rentrée, et les autorités ont quitté la ville.

Les forçats et autres condamnés, détenus à la prison de Saint-Joseph à Lyon, ont tenté de s'évader, après avoir fait un trou à une muraille. Réunis dans la cour, ils se sont livrés à toutes sortes d'excès, et ont brisé tout ce qui est tombé sous leurs mains. Il a fallu que la garde nationale et les militaires intervinssent; et, toutes les sommations ayant été inutiles, on a été obligé de faire feu pour rétablir l'ordre : 2 détenus ont été tués, et 8 blessés.

Le Glaneur d'Eure-et-Loir étoit cité en police correctionnelle pour outrages envers Charles X et la famille royale : un jugement du 28 juillet l'a renvoyé de la plainte.

- A la nouvelle des évènemens de Paris, le gouvernement hadois a fait couper le pont de Kehl.

CHAMBRE DES PAIRS.

Le 10, MM. les ducs de Chartres et de Nemours viennent prendre place. L'ordre du jour indiquoit la prestation de serment au nouveau Roi.

Un des secrétaires a fait l'appel nominal, et chacun des membres présens a répondu de sa place, en levant la main, je le jure. M. le vicomte Dambray, seul, a dit que sa conscience et ses affections lui ordonnoient de s'abstenir, et que son vieux sermenut ne lui permettoit pas d'en prêter un nouveau. Il s'est aussitôt retiré

M. de Fitz-James a rendu hautement hommage aux vertus de Charles X, et a déclaré que la France ne le connoissoit pas bien; mais comme il pense que le salut de la France a pu déterminer, dans les circonstances graves où nous sommes, à prendre les dernières mesures, il croit devoir prêter le serment.

MM. d'Avaray, de Brezé, de Duras, de Glandèves, de la Tourdu-Pin-Montauban, de Mortemart, de Rougé et divers autres, lorsque leur tour est arrivé, ont déclaré qu'ils consentoient à prêter le serment, croyant que, dans l'état actuel des choses, c'étoit le seul moyen d'assurer la tranquillité de la France. On porte à 102 le nombre des pairs qui se sont soumis au

serment.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

Le 9, à deux heures, M. le duc d'Orléans, lieutenant-général du royaume, s'est rendu à cheval au palais Bourbon, accompagné de ses deux fils MM. les ducs de Chartres et de Nemours, et d'une escorte de garde nationale. Son épouse et ses enfans suivoient le cortège en calèche.

La salle des séances de la chambre des députés avoit été disposée comme le 3, jour de l'ouverture de la session. En avant du trône étoient trois pliaus pour le prince et ses deux fils; à droite étoit un bureau, sur lequel étoient une couronne, un sceptre, un glaive et une main de justice; et à gauche, un autre bureau sur lequel se trouvoit un riche écritoire et la minute du procèsverbal de la séance sur parchemin.

Les pairs de France, au nombre de go, occupoient les bancs de la droite; et les députés, au nombre d'environ 250, ceux de la gauche. MM. de Conny et de Syrieys, et ceux de leurs collègues qui siègent à l'extrême droite, n'étoient point présens.

Le prince a pris place sur le pliant devant le trône, a salué l'assemblée, en disant Messieurs, asseyez-vous, et a invité M. le président de la chambre des députés à lire la déclaration du 7. M. Casimir Perrier a fait cette lecture. En la terminant, il oublioit le premier prénom de M. le duc d'Orléans, qui l'a repris en l'invitant à dire Louis-Philippe d'Orléans.

Le prince a demandé ensuite à M. le chancelier l'acte d'adhésión de la chambre des pairs, et M. Pasquier le lui a apporté. Il s'est levé et a dit :

<< MM. les pairs et MM. les députés,

>> J'ai lu avec une grande attention la déclaration de la chambre des députés et l'acte d'adhésion de la chambre des pairs; j'en ai pesé et médité toutes les expressions : j'accepte sans restriction ni réserve les clauses et engagemens que renferme cette déclaration, et le titre de Roi des Français qu'elle me confère, et je suis prêt à en jurer l'observation. »

M. le duc d'Orléans s'étant découvert, s'est levé ainsi que toute l'assemblée, et, la main élevée, a prononcé ce serment, dont M. Dupont (de l'Eure), faisant les fonctions de garde-des-sceaux, lui avoit remis la formule :

« En présence de Dieu, je jure d'observer fidèlement la Charte constitutionnelle, avec les modifications exprimées dans la déclaration; de ne gouverner que par les lois et selon les lois; de faire rendre bonne et exacte justice à chacun selon son droit, et d'agir en toutes choses dans la seule vue de l'intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français. >>

Après le discours, quelques voix ont crié : Vive Philippe VII! d'autres : Vive Philippe Ier! Ce dernier cri a prévalu. On ne veut pas sans doute que le nouveau roi paroisse le successeur de princes entachés de féodalité. Par un cérémonial inusité jusqu'ici, ce sont quatre maréchaux de France, MM. Macdonald, de Reggio, de Trévise et Molitor, qui ont remis au prince la couronne, le sceptre, le glaive et la main de justice. Il s'est approché du bureau placé à gauche, et a signé la déclaration des chambres, du 7. Il est ensuite monté sur le trône, et a prononcé le discours sui

vant :

« MM. les pairs et MM. les députés,

>> Je viens de consommer un grand acte; je sens profondément toute l'étendue des devoirs qu'il m'impose ; j'ai la conscience que je les remplirai c'est avec pleine conviction que j'ai accepté le pacte d'alliance qui m'est proposé. J'aurois vivement désiré ne jamais occuper le trône auquel le vœu national vient de m'appeler; mais la France attaquée dans ses libertés voyoit l'ordre public en péril. La violation de la Charte avoit tout ébranlé; il falloit rétablir l'action des lois, et c'étoit aux chambres qu'il appartenoit

d'y pourvoir. Vous l'avez fait, Messieurs; les sages modifications que nous venons de faire à la Charte garantissent la sécurité de l'avenir; et la France, je l'espère, sera heureuse au dedans, respectée au dehors, et la paix de l'Europe de plus en plus affermie.»

M. Dupont (de l'Eure) a dit que le Roi invitoit les pairs et les députés à se réunir dans leurs chambres pour y prêter le serment, et continuer leurs travaux. Le procès-verbal a été signé par le prince et par les présidens et secrétaires des deux chambres, quoi le prince s'est retiré, et le cortège est retourné au PalaisRoyal dans le même ordre.

après

Le 10, M. Laffitte, premier vice-président, occupe le fauteuil. Les bancs de la droite sont entièrement déserts.

Deux propositions sont renvoyées aux bureaux; l'une pour faire des changemens au réglement de la chambre, et l'autre pour examiner les plans de reconstruction de la salle.

M. Gallot, rapporteur, propose d'annuller définitivement l'élection de MM. de Mieulle et Magnan, malgré les explications qu'ils ont données, parce que le secret des votes avoit été violé. M. Thomas appuie ces conclusions. Elles sont adoptées.

Un congé est accordé à M. de Lascours.

MM. Pelet, Albert et Oberlin, dont la nomination avoit été approuvée, sont proclamés députés.

On lit des lettres par lesquelles MM. de Casteja et Boullon, députés de la Somme, et de Cordoue (de l'Isère), donnent leur dé mission, en déclarant qu'ils croient que leur mandat n'existe plus, d'après la mesure prise le 7.

M. Delessert demande la parole pour une proposition de loi. M. Duvergier de Hauranne représente que le réglement n'étant pas encore modifié, il faut s'y conformer, en renvoyant cette proposition dans les bureaux. Cette observation est accueillie, malgré les efforts de MM. Etienne et Demarçay.

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Il en est de même pour deux autres propositions: l'une de M. Thouvenel, tendant à déclarer que les Parisiens et la commission municipale ont bien mérité de la patrie; l'autre de M. Mercier, pour contraindre tous les fonctionnaires de l'ordre administratif et judiciaire à prêter serment de fidélité au nouveau roi.

On ajourne la nomination des questeurs jusqu'à l'adoption d'un nouveau réglement.

Commission des pétitions: MM. Sapey, de Vatimesnil, RoyerCollard, Madier de Montjau,***, Duvergier de Hauranne, BertinDevaux, Petou et Bourdeau.

Le Gérant, Adrien Le Clere.

SAMEDI 14 AOUT 1830.

(N° 1671.)

SUR LES CAUSES ET QUELQUES CIRCONSTANCES DE LA DERNIÈRE RÉVOLUTION.

Après la révolution du 10 août 1792, un cri général s'éleva contre la cour, qui avoit, dit-on, fait verser le sang français. On reprochoit à Louis XVI d'avoir provoqué cette journée, d'avoir conspiré contre la nation, d'avoir armé les royalistes, d'avoir excité la guerre civile. Son défenseur, M. Desèze, discuta ce reproche dans son plaidoyer devant la Convention. Il montra que le Roi n'avoit fait que se défendre. Il rappela les aveux de ceux qui s'étoient vantés d'avoir préparé cette journée. « Qui ignore, dit-il, que, long-temps avant le 10 août, on méditoit cette révolution, qu'on vouloit une insurrection, que cette insurrection avoit ses agens, ses chefs et ses moteurs? Dans cette salle même, on s'est disputé la gloire du 10 août. » Et en effet, des journalistes et des orateurs ont bien souvent depuis réclamé l'honneur de cette journée, comme étant leur ouvrage et le résultat d'un plan combiné d'avance, et qu'ils travailloient de longue main à réaliser.

Ne pourra-t-il pas en être de même un jour de la dernière révolution? Ne se trouvera-t-il pas des hommes plus francs ou plus indiscrets que les autres, qui se vanteront de l'avoir préparée par une suite d'actes et d'écrits dirigés depuis long-temps vers ce but? N'est-ce pas à cela que tendoit cette opposition si ardente et conduite depuis plusieurs années, avec tant de persévérance? N'affoiblissoit-on pas chaque jour l'autorité royale? Ne l'avilissoit-on pas par des écrits, par des bruits, par des caricatures, par tous les moyens que pouvoit imaginer la haine? On s'élevoit contre tous ses actes, contre tous ses choix; sous le régime le plus doux, disons mieux, le plus foible, on

Tome LXV. L'Ami de la Religion.

F

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