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s'en prendre qu'à des conseillers qui l'auront trompé. (Vive agitation).

M. A. de Noailles appuie ces paroles, après quelques mots de dénégation de M. Bernard.

M. Dupin aîné, rapporteur, fait observer que la rédaction adoptée par la commission est conçue dans le sens que demande M. Podenas, et le paragraphe passe par la majorité des deux ties de la gauche.

par

M. Persil propose par amendement de déclarer : La souveraineté appartient à la nation; elle est inalienable et imprescriptible. On s'en tient au deuxième paragraphe, qui est à peu près semblable.

On adopte la suppression de l'art. 6, qui déclare que la religion catholique est celle de l'Etat.

La commission proposoit de modifier ainsi l'art. 7 de la Charte : Les miuistres de la religion catholique, professée par la majorité des Français, et ceux des autres cultes chrétiens, recevront seuls des traitemens de l'Etat.

MM. Viennet, B. Constant et Marchall, demandent vivement la suppression de ces mots ajoutés.

MM. Ch. Dupin et Kératry pensent que cela jeteroit l'alarme dans les départemens de l'Ouest.

M. Berryer réclame vivement la parole; mais il ne peut se faire entendre.

A la suite d'une vive discussion, on vote sur différens sousamendemens. On maintient les mots : par la majorité des Français; on retranche le mot seuls, sur la proposition de M. Rambuteau, qui vouloit que le culte israélite fût aussi rétribué: enfin, on termine l'article par les mots : trésor public, au lieu de par l'Etat.

On retranche de l'art. 8 (portant: Les Français ont le droit de faire publier leurs opinions, en se conformant aux lois) cette phrase, qui doivent réprimer les abus de cette liberté.

Au milieu de vifs débats, on adopte cet amendement de M. Devaux sans que jamais la censure puisse être rétablie.

L'art. 14 portera que le roi fait des ordonnances et règlemens pour l'exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni se dispenser de leur exécution.

M. Sappey voudroit que les traités de paix et de guerre fussent soumis aux chambres avant d'être conclus: cette motion n'a pas de suite.

On adopte un sous-amendement de M. Jacqueminot, portant qu'aucune troupe étrangère ne sera admise au service de l'Etat sans une loi.

M. Berryer voudroit qu'on prît une disposition, d'après laquelle une proposition de loi rejetée, par l'un des trois pouvoirs, ne pût être reproduite dans la même session. Adopté.

On adopte l'art. 26, qui déclare nulle et illicite toute assemblée de la chambre des pairs, hors du temps de la session de la chambre des députés, sauf le cas où elle seroit réunie comme cour de justice, et alors elle ne peut exercer que des fonctions judiciaires.

L'article portant que les séances de la chambre des pairs seront publiques, passe également.

La commission propose de fixer à 30 ans l'âge d'éligibilité. M. Villemain demande que ce soit à 25 ans. M. Berryer représente que cela mettroit les lois civiles en contradiction avec les lois politiques; les premières ne croient pas qu'un homme à 25 ans puisse devenir sans guide et sans conseil chef de famille, comment alors le croiroit-on capable de diriger les affaires de l'État?

L'amendement de M. Villemain, appuyé seulement par M. Salverte et par l'extrême gauche, est rejeté. La chambre fixe l'éligibilité à 30 ans.

L'art. 39 est supprimé : on adopte cependant une disposition proposée par M. Berryer pour en tenir lieu.

La nomination du président de la chambre des députés par la chambre elle-même, et l'élection des présidens de colléges électoraux par les électeurs, sont admises.

Il en est de même pour les modifications portant que les colonies seront régies désormais par des lois particulières; que les rois jureront devant les chambres d'observer la nouvelle Charte, et que celle-ci sera confiée au patriotisme des gardes nationales et de tous les citoyens.

On arrive à l'article annullant les nominations de pairs, faites par Charles X, et voulant qu'une nouvelle loi revise l'art. 27, relatif aux créations de pairs.

M. de Lafayette, après avoir protesté de ses sentimens républicains et de son aversion pour l'aristocratie, demande que, comme aux Etats-Unis, la pairie ne soit point héréditaire.

M. Berryer combat vivement ce principe, et l'article d'annullation lui-même. Il montre que ce seroit entrer dans des réactions funestes, et faire une rétroaction qui pourroit se renouveler plus tard pour d'autres institutions.

MM. Petou, Sébastiani et Bernard, appuient fortement l'article, et rappellent avec chaleur les évènemens de la fin de juillet. La majorité fait adopter l'article. On a remarqué que messieurs Royer-Collard, Gautier et Lepelletier-d'Aulnay, se sont

levés contre.

MM. de Brigode et Mauguin demandent que les juges cessent leurs fonctions dans six mois, s'ils ne reçoivent d'ici là une institution nouvelle.

M. Dupin aîné convient qu'il y a eu des choix peu satisfaisans dans la magistrature; mais il représente le tort que feroit à la nouvelle cause une semblable réaction.

M. Villemain appuie ces considérations, et en appelle au principe de l'inamovibilité.

M. Mauguin soutient que ce principe est tombé avec le souverain qui l'a institué, et prétend que la réforme doit s'étendre par— tout. M. Madié de Montjau réplique.

L'amendement, ainsi que celui de M. Salverte pour annuller toutes les nominations de juges faites par Charles X, sont repoussés à une grande majorité.

Le troisième paragraphe de la proposition de M. Berard, énonçant les diverses lois nouvelles dont le principe est consacré, passe sans difficulté, ainsi qu'un amendement de M. Podenas, étendant l'intervention du jury à tous les délits politiques, un autre de M. de Corcelles, annullant tous les décrets impériaux, ordonnances royales et règlemens de police contraires à la présente Charte, et un autre de M. Dupin aîné sur l'adoption des couleurs tricolores.

Enfin, le dernier paragraphe, qui confère la royauté à M. le duc d'Orléans, sous l'acceptation de ces nouvelles dispositions, est également adopté. Le côté droit, et une partie du centre droit, avoient déclaré qu'ils ne pouvoient voter sur une semblable question.

On procède au scrutin. Il y a 252 votans. Une majorité de 219 contre 33 consacre l'adoption de l'ensemble de la motion de M. Berard.

MM. Labbey de Pompières et Etienne avoient demandé que tous les députés votans dans une circonstance aussi solennelle missent leur nom à côté de leur vote; mais cette proposition n'a pas été admise.

A cinq heures, la séance est levée et ajournée au lundi 9.

Les 219 députés votans partent ensemble par quatre, escortés par la garde nationale, pour porter à M. le duc d'Orléans le résultat de cette fameuse séance. M. Laffite a lu à S. A. la déclaration de la chambre des députés. Le prince, entouré de sa famille, a répondu qu'il en étoit tout ému; qu'il regardoit cette décision comme l'expression de la volonté nationale et des principes qu'il a professés toute sa vie.

Le lundi 9, il y a eu séance des deux chambres pour la prestation du serment du prince. M. le duc d'Orléans s'y est rendu, accompagné de sa famille. Il s'est assis sur un pliant, à côté du trône, a prononcé un discours, a prêté le serment, s'est assis sur le trône et a prononcé un autre discours. Nous reviendrons sur

cette séance.

Le Gérant, Adrien Le Clere.

JEUDI 12 AOUT 1830.

(N° 1670.)

DE LA NOUVELLE CHARTE.

Nous n'avons pu indiquer que fort imparfaitement, dans notre dernier numéro, les divers changemens faits dans la séance de samedi à la Charte de Louis XVIII; cependant il peut être utile pour beaucoup de nos lecteurs de connoître le texte de la Charte nouvelle. Ils souhaiteront pouvoir la comparer avec la Charte telle qu'elle fut publiée en 1814. Nous insérâmes celle-ci dans le tome Ier de ce journal, no 14. Il est douteux que la nouvelle dure autant que l'autre, et la promptitude avec laquelle elle a été rédigée et adoptée peut faire penser qu'elle sub-ra de nouvelles modifications. Toutefois, puisqu'elle est destinée à nous régir en ce moment, chacun a intérêt à savoir ce qu'elle contient. On y verra combien le pouvoir monarchique a été restreint, et combien l'élément populaire a pris d'extension.

Le préambule de la Charte est supprimé. Louis XVIII y disoit qu'il octroyoit la Charte, et que c'étoit au souverain seul à établir en ce genre quelque chose de durable. On à cru que ce langage blessoit la dignité nationale, en paroissant accorder ce qui appartient essentiellement aux Français. La nouvelle Charte porte le titre de Charte constitutionnelle des Français; elle est ainsi conçue:

Droit public des Français.

Art. 1. Les Français sont égaux devant la loi, quels que soient d'ailleurs leurs titres et leurs rangs.

2. Ils contribuent indistinctement, dans la proportion de leurs fortunes, aux charges de l'Etat.

3. Ils sont tous également admissibles aux emplois civils et militaires.

4. Leur liberté individuelle est également garantie, personne ne pouvant être poursaivi ni arrêté que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit.

5. Chacun professe sa religion avec une égale liberté et obtient pour son culte la même protection.

Tome LXV. L'Ami de la Religion.

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6. Les ministres de la religion catholique, apostolique et roinaine, professée par la majorité des Français, et ceux des autres cultes chrétiens, reçoivent des traitemens du trésor public.

7. Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois.

La censure ne pourra jamais être rétablie.

8. Toutes les propriétés sont inviolables, sans aucune exception de celles qu'on appelle nationales, la loi ne mettant aucune différence entr'elles.

9. L'Etat peut exiger le sacrifice d'une propriété pour cause d'intérêt public légalement constaté, mais avec une indemnité préalable.

10. Toutes recherches des opinions et votes émis jusqu'à la restauration sont interdites. Le même oubli est commandé aux tribunaux et aux citoyens.

11. La conscription est abolie. Le mode de recrutement de l'armée de terre et de mer est déterminé par une loi.

Formes du gouvernement du Roi.

12. La personne du Roi est inviolable et sacrée. Ses ministres sont responsables. Au Roi seul appartient la puissance exécutive.

13. Le Roi est le chef suprême de l'Etat ; il commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait des traités de paix, d'alliance et de commerce, nomme à tous les emplois d'administration publique, et fait les règlemens et ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution.

Toutefois aucune troupe étrangère ne pourra être admise au service de l'Etat qu'en vertu d'une loi.

14. La puissance législative s'exerce collectivement par le Roi, la chambre des pairs et la chambre des députés.

15. La proposition des lois appartient au Roi, à la chambre des pairs et à la chambre des députés.

Néanmoins toute loi d'impôt doit être d'abord votée par la chambre des députés.

16. Toute loi doit être discutée et votée librement par rité de chacune des deux chambres.

la majo→

17. Si une proposition de loi a été rejetée par l'un des trois pouvoirs, elle ne pourra être représentée dans la même session. 18. Le Roi seul sanctionne et promulgue les lois.

19. La liste civile est fixée pour toute la durée du règne, par première législature assemblée depuis l'avènement du Roi.

De la chambre des pairs.

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20. La chambre des pairs est une portion essentielle de la puissance législative.

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