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suite d'une discussion, on annule les élections de MM. Seguy, de Lentilhac et Bastoulh, pour cause de violation du secret des votes.

Ce jour même, la vérification des pouvoirs se termine à près d'nne heure du matin, sauf le Var et le Vaucluse. M. Hyde de Neuville vouloit qu'on ajournât seulement l'élection de MM. Seguy-Lentilhac et Bastoulh; il a soutenu qu'on violoit la loi en procédant ainsi. Le même député s'est opposé à l'admission immédiate de M. le baron Louis, qui ne faisoit pas de justifications suffisantes; enfin, malgré les réclamations de M. Hyde de Neuville, on a admis M. Persil, qui ne produisoit pas le certificat de contribution exigé par la loi.

La dernière discussion a eu lieu pour M. de Muret. Elle s'est terminée par le prononcé de l'ajournement.

Trois cent six députés ont été admis dans cette première journée.

Le 5, la chambre se réunit dès dix heures du matin.

L'élection de M. Auran de Pierrefeu, à Toulon, est attaquée, parce que le secret des votes n'auroit pas été observé. M. Viennet demande l'annullation. M. Al. de Ñoailles s'écrie avec chaleur qu'on doit se borner à l'ajournement, comme le propose le bureau.

L'admission provisoire des députés de la Gironde est prononcée sur les conclusions de M. Kératry.

Plusieurs membres veulent qu'on annulle de suite l'élection de MM. Mieulle et Magnan; mais ces deux députés obtiennent le renvoi au bureau pour donner des explications.

Malgré les réclamations de M. Al. de Noailles, qui soutient qu'on doit se borner à l'ajournement, la chambre annulle sans discussion l'élection de MM. Roger et Colonna d'Istria (Corse), suite d'une protestation relative au secret des votes.

par

Il en est de même pour MM. de Brou et de Cassaiguoles (Ar¿èche).

MM. de Corcelles et Labbey de Pompières demandent que la chambre nomme de suite et directement un président, sans élire et présenter cinq candidats. M. Demarçay appuie cette propo

sition.

MM. G. de La Rochefoucault et Ch. Dupin réitèrent la proposition faite l'année dernière par M. Pelet, de reconnoître les quatre candidats qui n'auroient pas obtenu la présidence pour vice-pré.

sidens.

M. Demarçay dit que c'est un faux-fuyant pour empêcher l'autre proposition. M. Ch. Dupin en appelle à la Charte. M. de Corcelles répond qu'elle n'existe plus. Une longue agitation a lieu. Enfin, on procède au scrutin pour les cinq candidats, et le

résultat donne :

Nombre des votans, 218; majorité absolue, 110. MM. C. Per

rier, 174; J. Laffite, 160; B. Delessert, 123; Dupin aîné, 130; Royer-Collard, 100; B. Constant, 85.

Un scrutin de ballotage entre ces deux derniers ayant donné à M. Royer-Collard 116 suffrages, et à M. B. Constant 96, celui-là est proclamé cinquième candidat.

M. B. Constant soutient que c'est à la chambre à choisir son président, et qu'il ne faut pas recourir à M. le lieutenant-général, mais on lui répond que le contraire a été décidé.

La séance est suspendue à six heures et reprise à huit.

M. Labbey de Pompières donne lecture d'une lettre de M. Guizot, annonçant que M. le duc d'Orléans recevra ce même soir, à neuf heures, le bureau provisoire chargé de lui présenter la liste des candidats à la présidence. M. le doyen est remplacé, pendant cette démarche, par M. Lameth.

A son retour, il annonce que M. le lieutenant général a dit qu'il auroit désiré que la chambre nommât elle-même directement son président; que cependant il se soumet à la lois mais qu'il espère que ce sera la dernière fois qu'on lui présentera une liste de candidats. (Applaudissemens à gauche).

On procède au scrutin pour la nomination des secrétaires.

Pendant ce temps, M. de La Pommeraye demande que l'on fasse un appel nominal pour reconnoître les députés qui s'absentent. Cette proposition est écartée après une longue et vive discussion; et quoiqu'il n'y ait que 202 votans, on décide que les suffrages seront valables. M. Bizien du Lézard s'écrie qu'il n'y a plus de règlement.

MM. Jacqueminot, Pavée de Vandoeuvre, Cunin-Gridaine et Jars, ayant obtenu 166, 149, 148 et 141 suffrages, sont proclamés

secrétaires.

On s'ajourne au lendemain matin pour l'élection des questeurs.

Formation des bureaux.

Présidens; MM. Labbey de Pompières, Roman, Devaux, Voisins de Gartempe, de Gueheneuc, Matthieu Dumas, Odier, Lefèvre, Al. de La Rochefoucault,

Secrétaires MM. Villemain, de Vatimesnil, Persil, Marchal, Dupin aîné, de Marmier, Benjamin Constant, de La Riboissière Lemercier.

Le Gérant, Adrien Le Clere.

MARDI 10 AOUT 1830.

(N° 1669.)

SUR LA SÉANCE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS DU 7 AOUT.

Nous donnons plus bas le tableau de cette séance, mais ce tableau rapide ne rendroit que foiblement les impressions que fait naitre tout ce qui s'est passé en peu d'heures dans la nouvelle chambre. Une Charte décrétée, des articles supprimés, d'autres ajoutés, les dispositions les plus importantes remplacées par des dispositions contraires, un tróne déclaré vacant, une nouvelle dynastie créée, la chambre des pairs décimée; voilà ce qu'on a improvisé dans une matinée. Nous respectons les autorités établies, nous ne sommes point de ceux qui organisent des insurrections pour défendre une Charte qu'ils renversent quelques jours après; mais nous nous alarmons d'une précipitation qui tranche imprudemment les questions les plus graves de l'ordre social. Comment la chambre a-t-elle cru pouvoir prendre en si peu de temps tant de déterminations importantes? Est-il bien constant qu'elle eût mission à cet effet, que les électeurs l'eussent chargée de prononcer la vacance du trône, et qu'elle fût autorisée à proclamer un autre roi? Un si grand changement étoit-il bien de la compétence d'une chambre incomplète, et qui ne comptoit que 252 membres sur 430? Comment concilier la déchéance avec l'article 13 de la Charte, qui déclare la personne du roi inviolable et sacrée ? Comment annulle-t-on d'un trait de plume les nominations de pairs faites depuis six ans, tandis qu'elles ont été aussi constitutionnelles que les précédentes? Comment des décisions de cette nature sont-elles portées par un seul des trois pouvoirs, sans consulter la chambre des pairs, et comme si elle n'avoit pas d'avis à émettre sur ces questions?

Ces doutes et une foule d'autres qui se présentent à Tome LXV. L'Ami de la Religion.

D

l'esprit ne permettent pas de voir avec indifférence tout ce qui s'est passé samedi. Cette journée vaut seule une révolution. L'attitude qu'y a prise la chambre nous annonce qu'elle n'en restera pas là. La déclaration qu'elle a portée aura des suites graves. Nous souhaitons qu'elle ne donne pas lieu à des inquiétudes pour les consciences, et qu'elle ne place pas des hommes droits et loyaux dans des circonstances difficiles. Pour nous, nous nous hâtons de faire notre profession de foi; nous adhérons à la généreuse réclamation de M. de Conny, nous donnons son discours comme l'expression des sentimens et des vœux d'une classe encore nombreuse. Nous applaudissons à ce qu'il y a de noble et de courageux dans les déclarations de MM. Hyde de Neuville, de Lézardière et de Martignac. Loin de nous l'idée de faire une opposition hostile, de troubler le nouvel ordre de choses et de chercher à agiter les esprits. Nous plaindrons le prince qui pouvoit gouverner avec un titre légitime, mais nous nous abstiendrons de lui donner les épithètes dures que les feuilles libérales prodiguoient naguère à don Miguel pour une entreprise à peu près semblable. Nous respecterons le nom d'un Bourbon, nous raconterons ce qu'il fera selon le nouveau titre qui lui est déféré, mais ce sera sans discuter ses droits et sans préjuger la question. Du reste, nous promettons hardiment de n'être pas plus flatteur que frondeur, et nous dirons franchement notre avis sur les actes de cette autorité nouvelle, comme nous l'avons dit sur ceux de la monarchie légitime. Mais il est temps de citer le discours de M. de Conny :

« Dans les circonstances terribles où nous sommes placés, la liberté des délibérations est une loi plus sacrée encore ; je l'invoquai toujours, et lorsque de nos bancs déserts s'élèvent à peine quelques voix, vous ne refuserez pas de nous entendre. Je me présente à la tribune, pressé par le cri de ma conscience, le silence seroit une lâcheté; n'attendez pas de moi de longs discours; les devoirs que nous devons remplir sont tracés avec une trop vive clarté.

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L'ordre soaial est ébranlé jusqu'en ses fondemens; ces mouvemens tumultueux qui suspendent tout-à-coup l'action des pouvoirs légitimes, institués pour établir l'ordre dans la société, sont des époques de calamités qui exercent sur la destinée des nations la plus faneste influence; long-temps pressentis à l'avance par l'observateur attentif, ils deviennent aux yeux de tous dans ces jours de douleur et d'effroi, l'expression matérielle de cette anarchie morale qui existoit au cœur de la société.

» L'inexorable histoire, s'élevant au-dessus des passions contemporaines, imprime à ces jours lamentables le caractère qu'ils doivent avoir. Et le cri de la conscience humaine s'élève pour consacrer cette vérité éternelle : La force ne constitue aucun droit.

» En ces temps de trouble, on invoque la liberté; mais l'expression de la pensée a cessé d'être libre; la liberté est baillonnée par ces cris sanglans qui portent l'effroi de toutes parts; il y a alors oppression, et j'ajouterai même la pire de toutes, car elle s'exerce au nom de la liberté ; elle est empreinte d'un caractère d'hypocrisie et de fureur.

» Vous ne vous laisserez point subjuguer par les cris qui retentissent autour de nous; les hommes d'état restent calmes au milieu des périls, et lorsque des voix confuses appellent au trône le fils de Napoléon, invoquent la république ou proclament le duc d'Orléans, inébranlables dans vos devoirs, vous vous rappellerez vos sermens, et vous reconnoîtrez les droits sacrés de l'enfant royal qu'après tant de malheurs la Providence a donné à la France.

» Les cris de la conscience parlent plus haut que ces voix tumultueuses qui retentissent autour de nous; pensez au jugement de l'avenir; il seroit terrible : vous ne voudrez point qu'un jour l'histoire puisse dire de nous : Ils furent infidèles à leurs sermens.

»

L'Europe nous regarde; trop long-temps nous lui donnâmes le spectacle de la plus étrange mobilité; trop longtemps nous changeâmes de partis aussi souvent que la victoire changeoit de drapeau; ramenés par le malheur à la vérité, restons calmes au milieu de tant de passions soulevées, et couvrons de nos respects et de nos larmes de grandes et royales infortunes.

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Dynastie sacrée, recevez nos hommages! auguste fille des

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