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Ce qui nous étonne surtout, c'est la malheureuse imprévoyance de ces dénonciateurs distingués qui, parce qu'ils sont étrangers aux opinions comme à la profession. des prêtres vertueux qu'ils exposent gratuitement aux plus grands périls, s'imaginent que ces perils ne pourront jamais les atteindre à leur tour. Une des suites les plus fâcheuses des grands évènemens de juillet, seroit la nécessité d'en soutenir les conséquences par le pouvoir toujours progressif des masses, et par les moyens funestes qui les font mouvoir. Leurs mouvemens retombent presque toujours sur leurs premiers auteurs. La vérité, sans doute, triomphe tôt ou tard, malgré les passions et les préjugés des hommes. Mais aussi ce triomphe n'arrive qu'après la ruine de ceux qui ont outragé la vérité et persécuté l'innocence. Sans rappeler les accusateurs du clergé à ces grandes leçons que pourroient leur donner les Lactance et les Spelman, qu'il nous suffise de les reporter vers des temps qu'ils ne peuvent avoir oubliés, et de leur demander s'ils s'ont bien résolus d'affronter la destinée de ces hommes de notre première révolution, qui, après avoir excité contre le clergé les fureurs populaires, ont été réduits à leur servir d'aliment eux-mêmes, et ont fini par en être aussi les victimes. C. E.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. Le dimanche 12 septembre, M. le cardinal Zurla, vicaire-général de S. S., baptisa dans l'église de Ste-Marie della Scala trois Israélites qui s'étoient présentés spontanément pour embrasser la religion chrétienne. Ils s'appeloient Hayman-Léopold Bikart, né à Wingen, duché de Bade, et âgé de 24 ans; Anselme Sangré, né à Carmagnole en Piémont, et âgé de 55 ans; et Jacques Danzeger, de Trieste, âgé de 24 ans. Ils furent assistés pour le baptême et pour la confirmation par des parrains qui leur donnèrent de nouveaux.

noms.

Le jeudi 16 septembre, M. le cardinal Weld prit possession de son titre presbytéral de St-Marcel. Son Em. étoit accompagnée de MM. Marini, Rivadeneyra et de Retz, auditeurs de Rote.

PARIS. On se demande quand les sièges qui sont vacans seront remplis. Cette vacance se prolonge beaucoup trop pour les besoins des diocèses. Voilà trois mois écoulés depuis le consistoire du 5 juillet, où le pape préconisa six prélats pour les sièges de Sens, de Toulouse, de Bayonne, de Meaux, de Rodez et de Saint-Dié. Les bulles sont depuis long-temps en France, où elles arrivèrent, à ce qu'il paroît, au milieu des troubles de juillet. Elles ont passé au conseil d'état, et l'on croyoit qu'elles auroient pu être envoyées aux évêques : toutefois, ils les attendent encore. Ce retard laisse les diocèses en souffrance, et jette même de l'inquiétude par rapport aux affaires de la religion en général. On craint qu'il ne tienne à un système dont nous voulons écarter l'idée. Il faut croire que la véritable cause est plutôt dans les troubles passés et dans les embarras d'un gouvernement nouveau, et encore peu assuré dans sa marche. Mais ce sont ces embarras mêmes qui devroient faire sentir la nécessité de calmer les esprits en envoyant dans les diocèses les évêques qu'on y réclame, et dont la présence contribueroit àu bon ordre et à la tranquillité.

Outre les cures de Saint-Médard et de Saint-Ambroise de Popincourt, vacantes par la mort des titulaires, deux autres paroisses de la capitale se trouvent privées de pasteurs. M. l'abbé Abeil, chanoine - archiprêtre de NotreDame, et M. l'abbé Desgenettes, curé des Missions étrangères, ont tous les deux donné leur démission, et ont quitté leurs paroisses. On ne peut que regretter cette détermination de la part de deux pasteurs aussi estimables et aussi zélés. M. Abeil étoit depuis près de trente ans occupé dans le ministère à Paris, et étoit membre du conseil de l'archevêché. M. Desgenettes avoit formé dans sa paroisse un établissement précieux que nous avons fait connoître. Leur retraite est un malheur pour les pauvres, dans un temps surtout où leur nombre augmente et où les ressources diminuent. Le départ de beaucoup de personnes aisées fait craindre pour cet hiver la privation des secours de la charité, et c'est peut-être ce qui a contribué à la résolution des deux curés. Ils ont craint de ne pouvoir continuer les distributions qu'ils faisoient, et

de se trouver ainsi en butte aux exigences d'une classe qui, depuis les derniers évènemens surtout, est plus difficile à satisfaire et plus hardie. On dit que plusieurs curés ont reçu des lettres anonymes assez menaçantes; quelques-uns se sont absentés dans le premier moment. Deux curés de la campagne, et à la porte de Paris, n'ont même pu rentrer encore dans leur paroisse. M. le curé de Passy a été l'objet d'une espèce d'émeute, et a été obligé de se retirer au plus vite. M. le curé de Gentilly a été aussi prévenu à temps, et on lui a conseillé de ne pas se montrer encore. Les esprits, échauffés par la lecture des journaux, rendent la position des pasteurs de plus en plus difficile, et ils ont besoin de toute leur prudence pour se soutenir au milieu de circonstances si graves, et d'une si fâcheuse disposition à accueillir contre le clergé les bruits et les imputations les plus absurdes.

On dit que le préfet des Hautes-Pyrénées a adressé aux maires de son département une circulaire relativement au Domine, salvum fac regem. Il a appris, dit-il, que dans plusieurs églises les curés s'abstenoient de chanter le Domine, salvum fac regem Philippum, et il veut qu'on lui fasse savoir, avant le 1er octobre, époque à laquelle il délivre les mandats de paiement pour le clergé, si le desservant chante cette prière. Il invite les maires à ne rien prescrire au curé, et à lui donner seulement connoissance de sa lettre. Je suis trèspersuadé que M. le préfet est très-content de l'idée ingénieuse qu'il a eue de subordonner le paiement des curés au chant du Domine. Mais ne pourroit-on pas lui demander de quel droit il impose aux prêtres une condition que la loi n'autorise pas? Dans quel article de la Charte ou du Code est-il dit que les prêtres doivent absolument chanter cette prière? L'addition Philippum surtout est tout-à-fait insolite; sous le dernier régime on ne chantoit point ordinairement Ludovicum ou Carolum. Dans le verset du psaume il n'est point parlé de noms propres; pourquoi ajouter au texte du psalmiste? Un journal qui a loué la circulaire avoue que la liberté doit étre complète pour tout le monde, pour le prétre comme pour le citoyen. Laissons, dit-il, le clergé émettre ses vœux, répandre ses doctrines, publier ses prédications. Vous croyez qu'il va prêcher la liberté absolue; point du tout. Après avoir dit, laissons le clergé émettre ses vœux, il conclut qu'il faut le forcer à émettre tel ou tel voeu, et ne le

pas payer, s'il refuse. Le desservant, dit-il, doit soumission au gouvernement; s'il se constitue en opposition flagrante, on a l'incontestable droit de lui retirer un traitement qui ne sert qu'à solder la trahison. Ce raisonnement est un sophisme; on peut être soumis au gouvernement, et ne pas chanter une prière qu'il vous a plu d'arranger à votre manière. On n'est pas en opposition flagrante parce qu'on s'abstient d'ajouter à un psaume ce qui n'y est pas; on n'est pas traitre parce qu'on tient au texte de l'Ecriture et à l'usage. Le roi Philippe peut bien n'être pas plus exigeant que Louis XVIII et Charles X, qui n'obligeoient pas les curés à allonger le verset du psaume. N'est-il pas singulier d'ailleurs que cette exaction de la prière et du Philippum parte de gens qui se soucient peu des prières de l'Eglise, quí s'en moquent même, et qui gémissent de l'importance qu'on y attache?

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Il restoit à jeter des soupçons sur le clergé à l'occasion des incendies qui ont désolé la Normandie; c'est un soin que vient de prendre un jeune avocat, M. Germain. Il a fait insérer dans la Gazette des Tribunaux un article où, après s'être plaint qu'on n'ait pas fait une enquête sur ces incendies, il ajoute :

« Ainsi, soit prudence mal entendue, soit complaisance, soit lâches ménagemens, je n'ai pas vu qu'on ait parlé du clergé, qui a joué cependant un rôle important à l'occasion de ces désastres; et tout le monde pourra certifier que plus d'un mois avant qu'aueun incendie n'ait éclaté, tous les curés de campagne avoient prédit en chaire ces évènemens, en les mettant sur le compte des libéraux... Le silence opiniâtre et fanatique des accusés, leur obstination à refuser des explications, témoignent assez que le clergé étoit instruit de tout ce qui devoit se passer, et de son influence sur ces accusés; ceci est de vérité dans le pays. »

Il y a deux choses principales dans ce passage; un fait et un raisonnement. Le fait est celui-ci : Tous les curés ont prédit les incendies en chaire. Le raisonnement est que le silence opiniâtre des accusés prouve que le curé savoit tout. Or le fait et le raisonnement sont dignes l'un de l'autre, et montrent dans M. Germain un observateur bien sûr et un profond logicien. Il faut qu'il ait fait lui-même une enquête pour pouvoir sertifier que tous les

curés ont prédit les incendies, et les ont prédits en chaire. Il faut qu'il ait interrogé tous les habitans de Normandie, pour pouvoir annoncer avec tant d'assurance que tout le monde pouvoit certifier ce qu'il avance. Nous oserions lui certifier que tout le monde ne lui certifiera pas ce fait. Nous oserions lui certifier que tous les curés n'ont pas prédit les incendies. Quant à la conclusion que M. Germain tire du silence des accusés, elle est réellement par trop ridicule. Parce que des accusés s'obstinent à ne rien dire s'ensuit-il que le clergé soit pour quelque chose dans cette affaire? En vérité, une si puissante manière de raisonner étonne dans un homme qui devroit connoître un peu mieux les règles de la logique.

(

Le nouveau gouvernement a eu bien tort de vouloir en finir tout-à-fait avec les Jésuites. Il ne sait pas ce qu'il a perdu depuis qu'ils ne sont plus là pour être offerts en sacrifice. C'est lui maintenant, et ses fonctionnaires publics, qui sont obligés de nous fournir la quantité de Jésuites à laquelle nous étions habitués pour notre dépense: il nous en faut à tout prix. Le Constitutionnel et le Courrier français ont donc retrouvé dans l'administration de M. de Broglie et de M. Guizot au-delà de ce qu'ils avoient perdu avec Montrouge et Saint-Acheul. Ce qu'ils appellent les Jésuites doctrinaires pullule et afflue partout; la magistrature en est remplie. Les bancs de la chambre des députés même où siégent M. Agier, M. Royer-Collard et M. Dupin, en sont aussi garnis. Vous ne sauriez mettre le pied dans les bureaux du ministère sans y rencontrer des Jésuites: il n'est pas jusqu'à M. le baron Louis qui n'ait aussi ses Jésuites. Et n'allez pas vous figurer que cette contagion funeste soit concentrée dans la haute région de l'administration publique : non, elle est reproduite partout; partout le jésuitisme de M. de Broglie, de M. Guizot et de M. Dupin arrête la marche du siècle. C'est leur jesuitisme qui est cause de toutes les séditions et de toutes les émeutes dont vous entendez parler; c'est leur jésuitisme qui empêche les gardes nationales de s'organiser, les drapeaux tricolores de s'arborer, le commerce d'aller, le crédit public de remonter, le peuple de rentrer dans l'ordre, et l'âge d'or de commencer.

Charles X, qui prend le nom de comte de Ponthieu, va quitter le château de Lullworth pour résider à celui de Wardour, qu'il a loué au comte d'Arondel, pour 25,000 fr. par an. Le général Kintzinger, qui l'accompagnoit, s'est rendu à Vienne, et l'on dit que son voyage a pour but de demander à l'empereur d'Autriche que la famille royale puisse aller résider dans ses Etats.

par

· Le Moniteur dément la nouvelle donnée ·le Constitutionnel, que l'ambassadeur des Pays-Bas auroit eu une audience au Palais-Royal, pour exposer l'intention d'une des puissances si

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