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nous citerons les paroles d'un pieux et sage prélat, M. l'évêque du Puy, dans son Mandement sur la prise d'Alger:

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Sans doute la religion applaudit aux exploits de nos guerriers, et elle contemple avec une vive joie, sur leurs fronts, ces lauriers qu'elle a demandés avec ferveur au suprême Dispensateur de la gloire. Mais, portant ses regards dans l'avenir, elle applaudit à des succès plus durables, fruits précieux de la victoire que nous célébrons. Il est glorieux d'avoir arboré sur les remparts d'une ville vaincue le drapeau sans tache qu'elle avoit outragé; mais il sera bien plus glorieux d'élever dans ces contrées inhospitalières l'étendard pacifique de la croix, et de réunir sous son ombre tutélaire des peuples courbés jusqu'alors sous le joug d'une loi de sang, et qui viendront chercher à ses pieds une nouvelle vie et effacer les traces de leur dégradation passée. Il est beau d'avoir combattu pour briser les chaînes de nos frères captifs, et affranchir les nations chrétiennes du tribut qu'elles paient à un pirate avide: mais combien il sera plus glorieux encore pour nos armes d'avoir гарpelé sur ces rives infidèles la vérité qui en est exilée depuis si long-temps, et qui n'y reviendra que pour délivrer ses habitans de la double servitude de l'ignorance et du vice! Aux accens de sa voix si persuasive, des hordes sauvages, oubliant leur férocité, se jeteront dans les bras de l'Eglise, qui les adoptera pour ses enfans, leur apprendra le doux précepte de la charité, et leur donnera, en échange de leur obéissance et de leur docilité, la véritable lumière de l'intelligence, l'amour de la justice et l'innocence du cœur. Ainsi nos bataillons auront à la fois vengé l'honneur de la France, et repris à l'erreur une de ses plus anciennes conquêtes sur l'Evangile; ainsi la croix répandra sur nos trophées un éclat qu'ils n'emprunteroient jamais aux plus brillans faits d'armes, et aux actions les plus héroïques de nos soldats. »

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. De nouveaux renseignemens nous sont parvenus sur les dévastations commises en plusieurs maisons de la capitale, dévastations que les journaux semblent craindre d'a

vouer. A l'archevêché, le jeudi 29, le pillage a été général; les meubles, la bibliothèque, le secrétariat, les effets personnels de M. l'archevêque, ceux de son grand-vicaire, l'argent qu'ils pouvoient avoir, tout a été ou détruit, ou jeté à la rivière, ou soustrait par la multitude. Un journal a dit que personne n'avoit rien emporté; ce qui est certain, c'est qu'on n'a rien laissé. Les papiers et les registres du secrétariat, l'argent de la caisse diocésaine, qui sert à secourir de vieux prêtres, les effets, linge et habits des ecclésiastiques demeurant à l'archevêché, ceux même des domestiques, tout a disparu. Tous les habitans de la maison ont été dépouillés entièrement de ce qu'ils possédɔient. Quel étoit leur crime? Ni M. l'archevêque, ni personne chez lui n'avoient pris part à rien qui pût être odieux. Les contes que l'on avoit répandus à cet égard étoient trop absurdes pour tromper qui que ce soit qui ait un peu de sens. A coup sûr, si les personnes de cette maison avoient pu jouer un rôle dans le mouvement, elles n'auroient pas été si tranquilles, elles auroient pris quelques précautions, elles auroient mis en sûreté leurs effets les plus précieux, tandis qu'elles ont tout perdu. Cette fureur de pillage

n'a pas plus d'excuse que de prétexte. De même, on ne sau

roit expliquer les motifs des dégâts qui ont eu lieu dans la maison des missionnaires, rue d'Enfer. Tout a été saccagé, meubles, livres, effets; on a même mis le feu aux fenêtres et aux portes, et la maison est comme si elle avoit été prise d'as saut et incendiée. Le supérieur, à qui on avoit conseillé de fuir, mais qui, fort de sa conscience et du bien qu'il a fait, croyoit n'avoir rien à craindre, a été couché en joue et ne s'est échappé qu'avec peine. Chacun des missionnaires a tout perdu, et les livres des particuliers, comme la bibliothèque commune, tout a été la proie des dévastateurs. Le pillage n'a pas été moins général à Montrouge, où, après avoir détruit tout ce qui étoit dans la maison, on a ravagé jusqu'au jardin. Comment ne pas déplorer ces tristes résultats de l'effervescence populaire? Quand on exalte les passions de la multitude, il n'est pas aisé ensuite de l'arrêter, et ceux mêmes qui l'ont mise en mouvement en sont quelquefois les victimes. Nous souhaitons que ceux qui ont provoqué la dernière révolution n'en fassent pas la triste expérience.

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La cour de cassation à rendu, le 8 juillet, un arrêt qu'il être utile de faire connoître. Le 5 mars dernier, le maire

d'Eves-le-Moutiers (Indre-et-Loire) prit un arrêté pour enjoindre aux sieurs Delhommain, Lacault, Algret et autres, d'enlever dans trois jours une croix qu'ils avoient plantée sur un terrain attenant à la place publique. Les motifs allégués par le maire étoient que ce terrain dépendoit de la voie publique, et que, la croix étant en face d'un cabaret, on pouvoit craindre des profanations. Delhommain et les autres, n'ayant point obéi, furent cités devant le juge de paix de Ligueil. Delhommain déclara devant lui que c'étoit par ses ordres que la croix avoit été plantée, et que le terrain étoit à lui. Le juge de paix prétendit que la propriété du terrain ne pouvoit être d'aucune considération dans la cause; que, ce terrain n'étant pas clos de murs, on ne pouvoit y planter de croix sans l'autorisation du maire, qui devoit la défendre contre les profanateurs. En conséquence, il condamna les défendeurs à faire enlever la croix, et à payer chacun 3 fr. d'amende. C'étoit, sans doute, un singulier moyen de faire respecter les croix, que de les abattre. Il y eut appel devant le tribunal correctionnel de Loches, où Delhommain produisit son contrat d'acquisition du terrain. Le tribunal pensa que le juge de paix n'avoit pas dû prononcer au fond, sans avoir égard à la question de propriété. Il renvoya les parties devant les juges compétens, pour statuer sur cette question, sauf à revenir devant le tribunal pour statuer sur le fond. Le procureur du roi, à Loches, crut devoir se pourvoir en cassation contre ce jugement, se fondant sur ce que l'exception, admise par le tribunal, empêchoit l'exécution d'un réglement de police, qui devoit être observé jusqu'à réformation par l'autorité administrative. A l'audience de la cour de cassation, l'avocat Moreau a soutenu le jugement de Loches. Le maire, a-t-il dit, n'avoit point le droit de faire arracher des croix : assurément, celui qui plante une croix sur son terrain ne trouble point le bon ordre, ni la tranquillité publique. Ceux qui les troubleroient seroient ceux qui se livreroient aux outrages que le maire semble craindre, et ceux-là devroient être punis. La plupart des croix, dans les campagnes, sont plantées sur des places publiques; il se trouve souvent qu'il y ait, non loin de là, des cabarets, et les croix ne sont pas pour cela exposées aux profanations. Conformément aux conclusions de l'avocat-général, M. Fréteau de Pény, et après un délibéré d'une heure et demie dans la chambre du conseil, la cour a rejeté le pourvoi,

attendu que le tribunal n'a violé aucune loi en jugeant qu'il devoit être sursis sur la plainte du maire d'Eves, pour faire juger la question préjudicielle de propriété de Delhommain et

consorts,

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Le départ du roi et de la famille royale à Rambouillet a eu lieu le mardi 3 août, au soir. Ce prince avoit encore autour de lui plusieurs corps de la garde royale; mais on apprit que six mille hommes de la garde nationale parisienne se dirigeoient sur Rambouillet à ces six mille hommes se joignirent un grand nombre de volontaires et de jeunes gens venus de Rouen. Cette troupe partit le mardi des Champs-Elysées par les Omnibus, les petites voitures, et par tous les autres moyens de transpo.. qui se présentèrent. L'exaltation des esprits étoit extrême, et on pouvoit craindre une nouvelle lutte et une nouvelle effusion de sang. Le général Pajol commandoit la colonne parisienne : il étoit accompagné du colonel Jacqueminot et de M. Lafayette fils; mais le maréchal Maison, MM. de Schonen et Odillon-Barrot, étoient chargés de se transporter auprès du roi, et de l'inviter à quitter Rambouillet. Ils précédèrent la colonne de quelques heures. Le roi se rendit à leurs instances, congédia son infanterie, et se mit en route à dix heures du soir pour Dreux, escorté de ses gardes du corps, et accompa gné des trois commissaires. Le prince devoit, dit-on, congédier ses gardes à Dreux, et prendre la poste pour Cherbourg. Le Moniteur assure qu'on a eu pour la famille royale, à Dreux, tous les égards qui lui étoient dûs. Le général Boyer et M. Cadet-de-Vaux arrivèrent à Rambouillet une demi-heure après le départ. La tète de la colonne parisienne n'arriva que le mercredi, 4 août, à six heures du matin. Cette colonne est revenue à Paris par les voitures de la cour, rapportant les diamans de la couronne.

Les premières notions qu'on a données sur le nombre des morts et des blessés, dans les mouvemens de la semaine dernière, étoient fort inexacts, et les rapports des chirurgiens et médecins des hôpitaux, envoyés le 4 à l'Académie de médecine, rectifient des évaluations exagérées. A l'Hôtel-Dieu, il est entré près de 500 blessés, sur lesquels il n'y avoit que 25 militaires: il en est mort 38 le premier jour, 12 le second, et 8 le troisième. A la Charité, il est entré environ 100 blessés, dont 40 sont morts: on espère sauver beaucoup des autres. On avoit dit qu'il existoit 600 blessés à l'hospice Baujon, il n'en a été porté que 80, sur lesquels il y a eu 8 ou 10 amputés, et 15 ou 16 morts. A l'hôpital du Gros

Caillou, on a reçu 200 blessés, et il y a eu grand nombre d'amputations; cependant il n'est mort personne et ce point, qui a étonné l'Académie, a été confirmé par MM. Larrey et Lodibert. Au Val-de-Grâce, on n'a reçu qu'environ 20 blessés. Ce ne seroit donc qu'environ goo blessés pour tous ces hôpitaux ; mais il faut y joindre ceux qui ont été portés chez eux où qui ont été reçus dans les ambulances. En tout il paroîtroit, d'après une enquête faite, que le nombre des morts et des blessés, dans les journées du 27 et du 28, est d'environ 16 ou 1700 : c'est beaucoup trop sans doute; mais cela est bien loin des estimations effrayantes qui avoient circulé dans le public.

Depuis huit à dix jours, les murs de la capitale sont constamment couverts d'extraits de journaux, d'ordres du jour et de proclamations des diverses autorités. On laisse afficher les extraits de journaux à côté des proclamations, ce qui fait un effet assez baroque; car les extraits de journaux sont quelquefois le contrepied des actes de l'autorité. Ces actes mêmes ne sont pas toujours d'accord entr'eux; on s'est hâté de nommer un jour des ministres dont la nomination a été démentie le lendemain. La commission municipale de Paris annonça qu'elle avoit nommé des commissaires provisoires pour les divers ministères; cette commission, qui n'étoit instituée que pour Paris, avoit-elle bien le droit de nommer des ministres pour toute la France? Y avoit-il urgence à faire ces choix à la veille de la réunion des chambres? Cette même commission n'avoit-elle pas beaucoup étendu ses attributions, quand elle commença ainsi une proclamation du 31 juillet: Charles X a cessé de régner sur la France? Appartenoit-il à une autorité tout-à fait locale, à une autorité passagère, à une autorité dont l'origine n'étoit pas bien connue, et dont la légalité pouvoit encore être l'objet de quelques doutes; lui appartenoit-il de décider une question aussi grave, et de la décider pour toute la France? Le bon ordre ne veut-il pas que chaque autorité reste dans ses attributions; et n'y auroit-il pas confusion et anarchie, si une simple commission municipale prétendoit régler les destinées du royaume? Au surplus, un semblable empiètement n'est sans doute plus à craindre aujourd'hui, et il s'explique apparemment par le désordre inséparable d'une grande révolution.

On dit qu'à la réunion de la cour royale, qui avoit été indiquée pour le lundi 2 août, un des conseillers demanda dans la chambre du conseil, et avant d'aller siéger, au nom de qui on alloit rendre la justice; et sur ce qu'il lui fut répondu qu'il n'é toit pas nécessaire de statuer là-dessus, que la justice étoit un be-soin, et qu'on dévoit la rendre indépendamment des circonstances, il représenta qu'ayant été institué par le roi, il ne croyoit

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