Page images
PDF
EPUB

» Le passé m'est douloureux; je déplore des infortunes que j'aurois voulu prévenir; mais, au milieu de ce magnanime élan de la capitale et de toutes les cités françaises, à l'aspect de l'ordre renaissant avec une merveilleuse promptitude après une résistance pure de tout excès, un juste orgueil national émeut mon cœur, et j'entrevois avec confiance l'avenir de la patrie.

>> Oui, Messieurs, elle sera heureuse et libre cette France qui m'est si chère; elle montrera à l'Europe, qu'uniquement occupée de sa prospérité intérieure, elle chérit la paix aussi bien que les libertés, et ne veut que le bonheur et le repos de ses voisins.

» Le respect de tous les droits, le soin de tous les intérêts, le bonne foi dans le gouvernement, sont les meilleurs moyens de désarmer les partis et de ramener dans les esprits cette confiance dans les institutions, cette stabilité, seuls gages assurés du bonheur des peuples et de la force des Etats.

les

» Messieurs les pairs et Messieurs les députés, aussitôt que chambres seront constituées, je ferai porter à leur connoissance l'acte d'abdication de S. M. le roi Charles X; par ce même acte, S. A. R. Louis-Antoine de France, Dauphin, renonce également à ses droits. Cet acte a été remis entre mes mains hier 2 août, à 11 heures du soir. J'en ordonne ce matin le dépôt dans les archives de la chambre des pairs, et je le fais insérer dans la partie officielle du Moniteur. »

Plusieurs journaux font leurs réflexions sur ce discours : nous Oserons peut-être aussi présenter les nôtres.

La salle avoit été décorée avec les ornemens qui servoient à la salle ordinaire des séances royales au Louvre. Le trône étoit surmonté de drapeaux tricolores. La tribune des journalistes étoit destinée au corps diplomatique. On y a remarqué le ministre des Etats-Unis et cinq secrétaires de légation.

Cinquante pairs environ ont occupé le côté droit de la salle ; MM. de Chateaubriand, Decazes, de Glandèves s'y trouvoient.

Il y avoit environ deux cents députés, dont une quinzaine de l'ancien côté droit, entr'autres MM. de Conny, de Syreys, Berryer, Mestadier, de Vaulchier, de Boisbertrand, Jacquinot-Pampelune, de Meffrey, de Murat, Bizien, de Bélissen, Roger, etc.

M. de Martignac et les autres anciens ministres, ainsi que les députés qu'on appeloit de la défection, étoient ensemble. Aucun des pairs ni des députés ne portoit l'uniforme, ils étoient en habits

bleus ou noirs.

Le Gérant, Adrien Le Clere.

SAMEDI 7 AOUT 1830.

(N° 1668.)

SOUVENIRS ET VOEUX POUR L'AFRIque chrétienne (*)

Tous les regards sont maintenant tournés vers l'Afrique, et les amis de l'humanité comme ceux de la religion font des vœux pour l'entier affranchissement de cette contrée humiliée sous un joug barbare. La Providence a-t-elle des vues de miséricorde sur ses habitans? Ce pays, qui joua un si grand rôle autrefois dans les annales de l'histoire, est-il destiné à reprendre sa place parmi les nations civilisées? La religion va-t-elle y recouvrer son influence salutaire et y réveiller la culture des lettres et la pratique des vertus chrétiennes? N'est-il pas permis de l'espérer, quand nous nous rappelons les glorieux souve→ nirs qui se rattachent au nom de l'Afrique? Sans parler de Carthage, qui disputa à Rome même l'empire du monde, qui avoit conquis l'Espagne et envoyé ses armées jusque dans le cœur de l'Italie, à une époque plus rapprochée, le christianisme avoit procuré à l'Afrique un autre genre d'illustration. L'Evangile se répandit rapidement dans cette contrée, et on y voit se former en peu de temps de nombreuses églises. Le pays étoit alors trèspeuplé, et étoit couvert de villes, de bourgs, de villages et de châteaux, On y établit un grand nombre d'évêchés, qui reconnoissoient tous Carthage pour leur métropole. On trouve 470 évêques à la conférence tenue à Carthage en 411, et 458 dans la notice des évêques d'Afrique dressée

(*) Il est aisé de voir que cet article avoit été rédigé avant les évènemens de la fin de juillet; nous le laissons subsister comine un monument des espérances que fit naître, dans les premiers momens, une étonnante conquête, espérances partagées alors par beaucoup d'hommes religieux, et éloquemment exprimées par plusieurs évêques dans leurs mandemens.

Tome LXV. L'Ami de la Religion.

[ocr errors]

C

1

sous Hunérie. Les anciens monumens indiquent jusqu'à 600 sièges épiscopaux. Saint Cyprien, évêque de Carthage, est célèbre par ses écrits, par son zèle et par son martyre arrivé en 258. Les plus connus de ses successeurs furent saint Aurèle, mort en 423, et saint Eugène, qui soutint le courage des fidèles pendant la persécution des Vandales, et mourut exilé dans les Gaules en 505. On compte trentetrois conciles tenus à Carthage depuis l'an 200 de J.-C., ou à peu près, jusqu'en l'an 646. Parmi ces conciles, plusieurs furent très-nombreux, et rendirent des décrets importans sur la discipline.

L'Afrique chrétienne. a produit plusieurs écrivains distingués; à leur tête, dans l'ordre des temps, est Tertullien, génie vigoureux et fécond, qu'un caractère un peu dur précipita dans l'erreur. La gloire de saint Cyprien est plus pure, et ce grand évêque, après avoir éclairé l'Eglise par ses écrits, scella sa foi de son sang. Minutius Felix, Arnobe, saint Optat de Milève, saint Fulgence, saint Victor de Vite, Facundus d'Hermiane, nous ont laissé des écrits plus ou moins importans. Mais la plus grande gloire de l'Afrique chrétienne est saint Augustin,

la fois grand évêque, savant théologien, habile controversiste, orateur éloquent, auteur ascétique plein d'ame et de piété ses nombreux écrits ont toujours joui d'une grande estime dans toute l'Eglise, et son nom a toujours fait autorité pour la doctrine. Il mourut lorsque l'Afrique étoit déjà envahie par les Vandales, et ses derniers regards virent la désolation de son pays.

C'est en 428 que l'Afrique tomba au pouvoir des Barbares. Genséric y passa à la tête des Vandales, et s'empara de ces riches provinces. Il mit tout à feu et à sang, pillant et détruisant les églises et les monastères, et persécutant les fidèles et surtout les pasteurs. Plusieurs recurent alors la couronne du martyre; d'autres furent tourmentés, exilés, dépouillés de leurs biens. L'histoire de cette persécution a été écrite vers 487 par Victor, évêque de Vite, réfugié à

Constantinople; il la finit par une prière touchante aux anges et aux saints : « Secourez-nous, dit-il, anges de Dieu; voyez toute l'Afrique appuyée autrefois sur les colonnes de tant d'églises, aujourd'hui veuve, humiliée et désolée. Intercédez pour nous, saints patriarches; priez pour nous, divins prophètes; grands apôtres, soyez nos protecteurs. Bienheureux Pierre, êtes-vous insensible à l'état de vos brebis? Et vous, docteur des Gentils, magnanime Paul, voyez ce que font les Ariens, et dans quel état d'abaissement et de souffrances sont plongés vos enfans. >>>

Cette belle prière du pieux évêque fut exaucée 50 ans après, quand le célèbre Bélisaire mit fin au royaume des Vandales et fit la conquête de l'Afrique en 534. Cette expédition eut, par sa rapidité, bien de la ressemblance avec celle qui vient d'illustrer nos drapeaux. Bélisaire, qui n'avoit que 16,000 hommes, débarqua au mois de septembre à cinq journées de Carthage, marcha vers cette 'ville et s'en empara. Gelimer, après de vains efforts, fut obligé de se rendre, et ses trésors, fruit de cent ans de dévastations et de pillage, tombèrent au pouvoir du vainqueur. En trois mois, Bélisaire acheva la conquête de toute l'Afrique, qui rentra sous la domination romaine 107 ans après en avoir été arrachée. La religion fut rétablie, les exilés furent rappelés, on rendit aux églises leurs biens; Justinien répara plusieurs villes, et fit bâtir des églises ; il en construisit cinq dans la seule ville de Leptis, une à Septa, aujourd'hui Ceuta, une à Carthage et un monastère dans la même ville. On y tint un concile pour le rétablissement de la discipline, affoiblie par cent ans de persécution; il s'y trouva 217 évêques. L'Église se rétablit peu à peu, et des peuplades de Maures encore païens embrassèrent même le christianisme.

Mais ce pays étoit destiné à de nouvelles révolutions. Dans le siècle suivant, les Sarrasins s'établirent en Afrique. L'empereur y envoya Jean Patrice, qui reprit Carthage en

695, mais les Musulmans revinrent en force l'année suivante et enlevèrent à jamais ces provinces aux Romains. L'histoire ne nomme plus que quelques évêques à de longs intervalles, et la religion s'éteignit insensiblement sous le sabre d'un peuple intolérant et barbare. Carthage fut rasée, et cette ville ne s'est point relevée de ses désastres.

L'Afrique étoit donc retombée dans cet état qui arrachoit des larmes à saint Victor de Vite; elle avoit perdu à la fois les lumières de la religion et celles de la civilisation. Le culte divin n'étoit plus connu dans ces villes ornées autrefois de tant d'églises : à peine si on avoit obtenu d'avoir à Alger et à Tunis un hospice et une chapelle pour les chrétiens. Des prêtres de la congrégation de St-Lazare y alloient donner des soins aux esclaves catholiques, mais il leur étoit interdit de rien tenter auprès des Musulmans. Deux prêtres de cette congrégation, MM. Levacher et Montmasson, périrent en 1683 et en 1688, lors des expéditions de Duquesne et du maréchal d'Estrées; ils furent mis à la bouche d'un canon. D'autres corps religieux se dévouoient au rachat des captifs, les Pères de la Merci, les Trinitaires, alloient fréquemment en Afrique pour tirer les chrétiens d'esclavage, et faisoient ensuite des quêtes en Europe pour recueillir de nouveaux dons de la charité et délivrer de nouveaux captifs. Voilà tout ce que pouvoit alors la religion pour l'Afrique. Mais la nouvelle conquête ne permettoit-elle pas d'espérer pour elle des jours plus heureux? La prière de saint Victor ne seroitelle point encore une fois exaucée? Les anges et les saints protecteurs de la contrée n'intercéderont-ils point en så faveur? Dieu ne prendra-t-il point pitié des descendans de ceux qui glorifièrent son nom il y a tant de siècles? Déjà on dit que de généreux ecclésiastiques se sont offerts pour aller prêcher dans cette terre arrosée autrefois du sang des martyrs. Le saint Siège s'empresseroit sans doute de favoriser et d'encourager cette honorable mission. Puissent ces espérances et ces vœux n'être point illusoires! Et à ce sujet,

« PreviousContinue »