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libéral, répétoit toutes les facéties et les invectives des feuilles de ce parti contre le prêtre; et le peuple d'applaudir. Cette scène, qui a été un sujet de joie pour une multitude aveugle, a fait gémir tous les gens de bien. Sans vouloir justifier un homme que la justice humaine a poursuivi de ses rigueurs, ils déploroient la flétrissure d'un prêtre, et l'acharnement brutal avec lequel on avoit réuni toutes les circonstances qui pouvoient aggraver son châtiment.

NOUVELLES POLITIQUES.

1

PARIS. Un supplément extraordinaire au Moniteur, publié le mardi soir, contenoit ce qui suit :

» L'acte ci-après, portant la suscription: A mon cousin le duc d'Orléans, lieutenant-général du royaume, a été déposé, par l'ordre de M. le duc d'Orléans, aux archives de la chambre des pairs. Rambouillet, ce 2 août 1830.

» Mon cousin, je suis trop profondément peiné des maux qui affligent ou qui pourroient menacer mes peuples, pour n'avoir pas cherché un moyen de les prévenir. J'ai donc pris la résolution d'abdiquer la couronne en faveur de mon petit-fils, le duc de Bordeaux.

» Le Dauphin, qui partage mes sentimens, renonce aussi à ses droits en faveur de son neveu.

>> Vous aurez donc, par votre qualité de lieutenant-général du royaume, à faire proclamer l'avènement de Henri V à la couronne. Vous prendrez d'ailleurs toutes les mesures qui vous concernent pour régler les formes du gouvernement pendant la minorité du nouveau roi. Ici je me borne à faire connoître ces dispositions : c'est un moyen d'éviter encore bien des maux.

>> Vous communiquerez mes intentions au corps diplomatique, et vous me ferez connoître le plus tôt possible la proclamation par laquelle mon petit-fils sera reconnu roi sous le nom de

Henri V.

» Je charge le lieutenant-général vicomte de Foissac-Latour de vous remettre cette lettre. Il a ordre de s'entendre avec vous pour les arrangemens à prendre en faveur des personnes qui m'ont accompagné, ainsi que pour les arrangemens convenables pour ce qui me concerne et le reste de ma famille.

» Nous règlerons ensuite les autres mesures qui seront la conséquence du changement de règne.

» Je vous renouvelle, mon cousin, l'assurance des sentimeus avec lesquels je suis votre affectionné cousin.

» CHARLES.

>> LOUIS-ANTOINE. »

Le même supplément au Moniteur renfermoit la pièce suivante, qu'on dit avoir été transmise au duc d'Orléans :

« Le roi, voulant mettre fin aux troubles qui existent dans la capitale et dans une partie de la France; comptant d'ailleurs sur le sincère attachement de son cousin le duc d'Orléans, le nomme lieutenant-général du royaume.

» Le roi, ayant jugé convenable de retirer ses ordonnances du 25 juillet, approuve que les chambres se réunissent le 3 août, et il veut espérer qu'elles rétabliront la tranquillité en France.

>> Le roi attendra ici le retour de la personne chargée de porter à Paris cette déclaration.

>> Si l'on cherchoit à attenter à la vie du roi et de sa femille, ou à leur liberté, il se défendra jusqu'à la mort.

» Fait à Rambouillet, le 1er août 1830.

» CHARLES.»

Il nous est impossible de ne pas être profondément ému en lisant les réflexions d'un journal sur l'acte d'abdication, qu'il appelle un excès d'impudence. Il apostrophe le roi dans un style digne de 1793. Il y a dix jours, ce journal parloit encore de son dévouement à la monarchie constitutionnelle.

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Le mardi matin, sur le bruit répandu que les commissaires envoyés à Rambouillet étoient revenus sans avoir rempli leur mission, un grand rassemblement s'est formé aux Champs-Elysées, et est parti ensuite en armes, en prenant la route de Versailles. On dit que l'intention étoit d'aller jusqu'à Rambouillet. Le général Pajol est parti en même temps pour cette destination. Les uns disent qu'il étoit à la tête du mouvement, les autres qu'il avoit une mission particulière. On pouvoit craindre de nouveanx malheurs, mais le mercredi dans l'après-midi, on a affiché dans Paris une lettre des trois commissaires, MM. de Trévise, de Schonen et Odillon-Barrot, annonçant que le mardi 3, à 11 heures du soir, le roi et la famille royale étoient partis pour Cherbourg, où devoit se faire l'embarquement.

Les ducs de Chartres et de Nemours sont autorisés à prendre place à la chambre des pairs.

- M. de Pastoret, chancelier de France, ayant donné sa démission, M. le baron Pasquier a été nommé, le 5 août, président de la chambre des pairs.

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Une ordonnance du lieutenant-général porte que les arrêts et jugemens seront rendus en son nom.

— M. le maréchal Jourdan est nommé commissaire provisoire pour les affaires étrangères, et M. Bignon pour l'instruction publique. M. Tupinier est chargé par interim de l'administration de la marine.

- MM. Paulze d'Ivoy, Treilhard, d'Entraigues, de St.-Didier, Feutrier et Reynaud, sont nommés préfets du Rhône, de la SeineInférieure, d'Indre-et-Loire, de l'Aube, de la Sarthe et des HautesAlpes, en remplacemeut de MM. de Brosses, de Murat, de Juigné, de Brancas, du Bourblanc et de Roussy.

- M. Alexandre Joubert es nommé maire d'Angers; M. Cholet, sous-préfet à Ségré, M. Simonneau à Verdun, M. Paulin Gillon à Commercy, M. Gabriel à Sens. M. Barrier est nommé maire à Troyes, et M. Félix Gillon secrétaire général de la Meuse. -MM. Victor Lanjuinais, D'Aguesseau-Ségur et Moiroud sont nommés substituts à Paris, en remplacement de MM. Boudet, Menjaud et Levavasseur, qui sont révoqués. M. Viger est nommé procureur général à Nîmes, en remplacement de M. Guillet; et M. Mévolhon, procureur du roi à Niort, en remplacement de

M. Brunet.

- M. Bernard, de Rennes, avocat, est nommé procureur général près la cour royale de Paris, en remplacement de M. Jacquinot de Pampelune; M. Barthe, avocat, est nommé procureur du Roi près le tribunal de première instance, en remplacement de M. Billot; M. Mérilhou, avocat, est nommé secrétaire général au ministère de la justice.

- Le colonel Fabvier a été nommé gouverneur provisoire de l'hôtel royal des Invalides.

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Au moment où M. le duc d'Orléans alloit sortir de la chambre des députés, mardi dernier, on a arrêté deux individus porteurs d'un drapeau tricolore voilé d'un crêpe noir, et portant pour inscription: Souveraineté du peuple. Un de ces hommes, que l'on prétendoit armé d'un poignard, s'est sauvé; l'autre avoit sur lui un pistolet non chargé. D'autres individus crioient, dit-on : Vive la république! la liberté ou la mort!

Un arrêté de la préfecture porte que le service de l'octroi se fera comme par le passé.

L'ouverture des examens pour l'admission à l'école polytechnique aura lieu le 5 à l'Hôtel-de-Ville.

Le château de Vincennes s'est rendu le 2 à cinq heures,

arboré le drapeau tricolore.

et a

On dit que M. de Peyronnet et de Chantelauze ont été arrê➡ tés à Tours, et amenés dans la prison de cette ville.

- Les troubles ont commencé à Lyon le 29 juillet et ont duré jusqu'au 2 août. Comme à Paris, ils ont été produits par des rassemblemens d'ouvriers, par des cris et par la formation improvisée d'une garde nationale. Les établissemens publics ont été fer

més. Les troupes n'ont pu rétablir l'ordre; M. de Brosses, préfet du Rhône, et M. de Verna, premier adjoint du maire, avoient publié des proclamations et essayé toutes les mesures pour rétablir le calme. C'est maintenant la garde nationale qui dirige tout et qui fait la police.

Les premiers évènemens de Paris ayant été connus à Bordeaux le 30 au soir, une partie de la population s'est soulevée : l'hôtel de la préfecture a été envahi, et M. de Curzay, préfet, est tombé entre les mains des insurgés, qui l'ont, dit-on, fort maltraité. Le château de M. de Peyronnet, voisin de Bordeaux, a été incendié; la colonne du 12 mars a été détruite, ensuite on a organisé une garde nationale spéciale.

La cour royale de Toulouse, statuant sur l'appel des sieurs Dupin, gérant, Hénault, imprimeur de la France meridionale, et Bert, auteur d'un article outrageant pour M. Cavalić, avocat général, a, le 24 juillet, déchargé l'imprimeur des condamnations prononcées contre lui, maintenu contre le gérant la peine de 6 mois de prison et 6,000 francs d'amende, fait remise de ses 15 jours de prison au sieur Bert, condamné d'ailleurs à 200 fr. d'amende.

-La ville de Poligny, et plus de trente communes environnantes, ont été dévastées par la grêle, le 2 juillet, entre quatre et cinq heures du soir. Un orage épouvantable, venant de l'est et du nord-ouest, a éclaté sur la ville; des grêlons d'une grosseur énorme, des glaçons même, ont ravagé toutes les récoltes; les céréales sont pour ainsi dire hachées, et ne sont pas même propres à faire du fourrage; les vignes, qui déjà avoient beaucoup souffert de l'hiver et de l'intempérie de la saison, sont abandonnées par le cultivateur, que ce fléau va réduire à la plus profonde misère pour plusieurs années; les prés, que l'on commençoit seulement à récolter, sont également dans un état déplorable. Les habitations elles-mêmes ont été plus ou moins endommagées; toutes les vitres exposées au couchant et au nord ont été brisées; la seule ville de Poligny en compte au moins douze mille. Il est des villages où les toitures devront être entièrement renouvelées. On compte aussi par milliers les arbres déracinés ou abattus par cet affreux ouragan. Un tel désastre réclame les plus prompts secours, et on ose les espérer de l'humanité et de la générosité de toutes les ames compatissantes.

Ouverture de la session des chambres.

Le 3, à une heure, M. le duc d'Orléans, lieutenant général du royaume, s'est rendu à cheval au palais de la chambre des députés, pour y ouvrir la session des chambres. Le canon des In

valides a annoncé son départ et son arrivée. Après avoir été reçu par une députation de pairs, ayant à sa tête M. de Semonville, grand référendaire, et par la députation de l'autre chambre, précédée de M. Labbey de Pompières, doyen des députés présens, M. le duc d'Orléans a pris place sur l'estrade à droite du trône, et M. le duc de Nemours, son second fils, qui l'accompagnoit, à la gauche du trône. Les princesses d'Orléans étoient dans une tribune. Le prince a salué l'assemblée, a dit : MM. les pairs et MM. les députés, asseyez-vous, et a prononcé le discours suivant:

<< Messieurs les pairs et Messieurs les députés.

» Paris, trouble dans son repos par une déplorable violation de la Charte et des lois, les défendoit avec un courage héroïque.

» Au milieu de cette lutte sanglante, aucune des garanties de l'ordre social ne subsistoit plus : les personnes, les propriétés, les droits, tout ce qui est précieux et cher à des hommes et à des citoyens couroient les plus graves dangers.

» Dans cette absence de tout pouvoir public, le vœu de mes concitoyens s'est tourné vers moi; ils m'ont jugé digne de concourir avec eux au salut de la patrie; ils m'ont invité à exercer les fonctions de lieutenant-général du royaume.

>> Leur cause m'a paru juste, le péril immense, la nécessité impérieuse, mon devoir sacré. Je suis accouru au milieu de ce vaillant peuple, suivi de ma famille, et portant ces couleurs qui, pour la seconde fois, ont marqué parmi nous le triomphe de la liberté.

>> Je suis accouru, fermement résolu à me dévoucr à tout ce que les circonstances exigeroient de moi, dans la situation où elles m'ont placé, pour rétablir l'empire des lois, sauver la liberté menacée, et rendre impossible le retour de si grands maux, en assurant à jamais le pouvoir de cette Charte dont le nom, invoqué pendant le combat, l'étoit encore après la victoire.

» Dans l'accomplissement de cette noble tâche, c'est aux chambres qu'il appartient de me guider.

>> Tous les droits doivent être solidement garantis; toutes les institutions nécessaires à leur plein et libre exercice doivent recevoir les développemens dont elles ont besoin.

» Attaché de cœur et de conviction aux principes d'un gouvernement libre, j'en accepte d'avance toutes les conséquences. Je crois devoir appeler dès aujourd'hui votre attention sur l'organisation des gardes nationales, l'application du jury aux délits de la presse, la formation des administrations départementales et municipales, et, avant tout, sur cet article 14 de la Charte, qu'on a si odieusement interprêté.

>> C'est dans ces sentimens, Messieurs, que je viens ouvrir cette

session.

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