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souverain la moindre marque de confiance ou de satisfaction. Un vaste réseau, étendu sur la France, enveloppe tous les fonctionnaires publics; constitués en état permanent de prévention, ils semblent en quelque sorte retranchés de la Société civile; on n'épargne que ceux dont la fidélité chancelle; on ne loue que ceux dont la fidélité succombe; les autres sont notés par la faction pour être plus tard sans doute immolés aux vengeances populaires.

La presse périodique n'a pas mis moins d'ardeur à poursuivre de ses traits envenimés la religion et le prêtre. Elle veut, elle voudra toujours déraciner, dans le cœur des peuples, jusqu'au dernier germé des sentimens religieux. Sire, ne doutez pas qu'elle n'y parvienne, en attaquant les fondemens de la loi, en altérant les sources de la morale publique, et en prodiguant à pleines mains la dérision et le mépris aux ministres des autels.

Nulle force, il faut l'avouer, n'est capable de résister à un dissolvant aussi énergique que la presse. A toutes les époques où elle s'est dégagée de ses entraves, elle a fait irruption, invasion dans l'Etat. On ne peut qu'être singulièrement frappé de la similitude de ses effets depuis quinze ans, malgré la diversité des circonstances, et malgré le changement des hommes qui ont occupé la scène politique. Sa destinée est, en un mot, de recommencer la révolution, dont elle proclame hautement les principes. Placée et replacée à plusieurs intervalles sous le joug de la censure, elle n'a autant de fois ressaisi la liberté que pour reprendre son ouvrage interrompu. Afin de le continuer avec plus de succès, elle a trouvé un actif auxiliaire dans la presse départementale, qui, mettant aux prises les jalousies et les haines locales, semant l'effroi dans l'ame des hommes timides, harcelant l'autorité par d'interminables tracasseries, a exercé une influence presque décisive sur les élections.

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Ces derniers effets, Sire, sont passagers; mais des effets plus durables se font remarquer dans les mœurs et dans le caractère de la nation. Une polémique ardente, mensongère et passionnée, école de scandale et de licence, y produit des changemens grayes et des altérations profondes; elle donne une faussé direction aux esprits, les remplit de préventions et de préjugés, les détourne des études sérieuses, nuit aussi aux progrès des arts et des sciences, excite parmi nous une fermentation tou

jour's croissante, entretient jusque dans le sein des familles, de funestes dissensions et pourroit par degrés nous ramener à la barbarie.

Contre tant de maux enfantés par la presse périodique la loi et la justice sont également réduites à confesser leur impuis

sance.

Il seroit superflu de rechercher les causes qui en ont atténué la répression et en ont fait insensiblement une arme inutile dans la main du pouvoir. Il nous suffit d'interroger l'expérience et de constater l'état présent des choses.

Les mœurs judiciaires se prêtent difficilement à une répression efficace. Cette vérité d'observation avoit depuis longtemps frappé de bons esprits: elle a acquis nouvellement un caractère plus marqué d'évidence. Pour satisfaire aux besoins qui l'ont fait instituer; la répression auroit dû être prompte et forte: elle est restée lente, foible et à peu près nulle. Lorsqu'elle intervient, le dommage est commis; loin de le réparer la punition y ajoute le scandale du débat.

La poursuite juridique se lasse, la presse séditieuse ne se lasse jamais. L'une s'arrête, parce qu'il y a trop à sévir, l'autre multiplie ses forces en multipliant ses délits.

Dans des circonstances diverses, la poursuite a eu ses périodes d'activité ou de relâchement. Mais zèle ou tiédeur de la part du ministère public, qu'importe à la presse? Elle cherche dans le redoublement de ses excès la garantie de leur impunité.

L'insuffisance ou plutôt l'inutilité des précautions établies dans les lois en vigueur, est démontrée par les faits. Ce qui est également démontré par les faits, c'est que la sûreté publique est compromise par la licence de la presse. Il est temps, il est plus que temps d'en arrêter les ravages.

Entendez, Sire, ce cri prolongé d'indignation et d'effroi qui part de tous les points de votre royaume. Les hommes paisibles, les gens de bien, les amis de l'ordre, élèvent vers Votre Majeté des mains suppliantes. Tous lui demandent de les préserver du retour des calamités dont leurs pères ou euxmêmes eurent tant à gémir. Ces alarmes sont trop réelles pour n'être pas écoutées; ces vœux sont trop légitimes pour n'être pas accueillis.

Il n'est qu'un seul moyen d'y satisfaire; c'est de rentrer dans la Charte. Si les termes de l'article 8 sont ambigus, son esprit est manifeste. Il est certain que la Charte n'a pas con

cédé la liberté des journaux et des écrits périodiques. Le droit de publier ses opinions personnelles n'implique sûrement pas le droit de publier, par voie d'entreprise, les opinions d'autrui. L'un est l'usage d'une faculté la loi a pu laisser libre ou soumettre à des restrictions, l'autre est une spéculation d'industrie, qui, comme les autres et plus que les. autres, suppose la surveillance de l'autorité publique.

que

Les intentions de la Charte, à ce sujet, sont exactement expliquées dans la loi du 21 octobre 1814, qui en est en quelque sorte l'appendice: on peut d'autant moins en douter, que cette loi fut présentée aux chambres le 5 juillet, c'est-à-dire un mois après la promulgation de la Charte. En 1819, à l'époque même où un système contraire prévalut dans les chambres, il y fut hautement proclamé que la presse périodique n'étoit point régie par la disposition de l'article 8. Ĉette vérité est d'ailleurs attestée par les lois mêmes, qui ont imposé aux journaux la condition d'un cautionnement.

Maintenant, Sire, il ne reste plus qu'à se demander comment doit s'opérer ce retour à la Charte et à la loi du 21 octobre 1814. La gravité des conjonctures présentes a résolu cette question.

Il ne faut pas s'abuser. Nous ne sommes plus dans les conditions ordinaires du gouvernement représentatif. Les principes sur lesquels il a été établi n'ont pu demeurer intacts au milieu des vicissitudes politiques. Une démocratie turbulente qui a pénétré jusque dans nos lois, tend à se substituer au pouvoir légitime. Elle dispose de la majorité des élections par le moyen de ses journaux et le concours d'affiliations nombreuses. Elle a paralysé, autant qu'il dépendoit d'elle, l'exercice régulier de la plus essentielle prérogative de la couronne, celle de dissoudre la chambre élective. Par cela même, la constitution de l'Etat est ébranlée : Votre Majesté seule conserve la force de la rasseoir et de la raffermir sur ses bases..

Le droit, comme le devoir, d'en assurer le maintien, est l'attribut inséparable de la souveraineté. Nul gouvernement sur la terre ne resteroit debout, s'il n'avoit le droit de pourvoir à sa sûreté. Ce pouvoir est préexistant aux lois, parce qu'il est dans la nature des choses. Ce sont-là, Sire, des maximes qui ont pour elles et la sanction du temps, et l'aveu de tous les publicistes de l'Europe.

Mais ces maximes ont une autre sanction plus positive en

core, celle de la Charte elle-même. L'article 14 a investi Votre Majesté d'un pouvoir suffisant, non sans doute pour changer nos institutions, mais pour les consolider et les rendre plus immuables.

D'impérieuses nécessités ne permettent plus de différer l'exercice de ce pouvoir suprême. Le moment est venu de recourir à des mesures qui rentrent dans l'esprit de la Charte, mais qui sont en dehors de l'ordre légal, dont toutes les ressources ont été inutilement épuisées.

Ces mesures, Sire, vos ministres, qui doivent en assurer le succès, n'hésitent pas à vous les proposer, convaincus qu'ils sont que force restera à justice.

Nous sommes avec le plus profond respect, Sire, de V. M., les très-humbles et très-fidèles sujets.

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(Suivoient les signatures des sept derniers ministres.)

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. Le doyen des docteurs de Sorbonne est mort à Paris le 15 juillet, dans un âge très-avancé ; c'est M. Jean-BaptisteRobert Barbier d'Ingréville, de la maison et société de Sorbonne, ancien conseiller-clerc au parlement de Paris. Il fit sa licence avec distinction, fut reçu docteur en 1768, et continua de demeurer en Sorbonne. La même année, il entra au parlement comme conseiller-clerc de la première section des requêtes depuis, il passa à la grand'chambre. Il échappa pendant la révolution à la proscription de sa compagnie. Parvenu à un âge avancé et infirme, il ne connoissoit guère d'autre distraction que les livres. Il s'étoit formé une bibliothèque nombreuse et choisie; son heureuse mémoire en étoit déjà une très-richement fournie. L'abbé d'Ingréville n'avoit jamais exercé le ministère; mais il étoit fermement attaché à la religion, et disoit la messe quand sa santé le lui permettoit. Il est mort à l'âge de 89 ans, et avoit été obligé depuis dixhuit mois de se condamner à ne pas sortir de chez lui.

Depuis long-temps, le défaut d'une chapelle convenable se faisoit sentir dans la maison centrale de correction de Poissy. Faute d'un local assez spacieux pour contenir 7 à 800

détenus, on étoit obligé jusqu'ici de dresser un autel au milieu du réfectoire, pour y célébrer les saints mystères. Une nouvelle chapelle vient d'être construite et disposée de manière à contenir commodément tous les détenus de la maison. M. l'abbé Duhamel, curé de la ville de Poissy, et aumônier de l'établissement, en a fait la bénédiction solennelle, le dimanche 18 juillet, sous l'invocation de Saint-Vincent de Paul. Il a adressé aux détenus, à l'occasion de cette cérémonie, une pieuse exhortation qu'ils ont écoutée avec la plus grande attention. Il a la satisfaction de voir que ses allocutions, toujours paternelles, ne sont pas inutiles pour un certain nombre. On a remarqué particulièrement ce jour-là le recueillement avec lequel ils ont entendu la messe, dont ils étoient privés depuis plusieurs dimanches. MM. les administrateurs de l'établissement, les employés de la maison, et un détachement de la compagnie de sous-officiers sédentaires à Poissy, assistoient à cette cérémonie.

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La douceur et la délicatesse des mœurs font chaque jour d'admirables progrès parmi le peuple, grâce à l'éducation que la révolution lui avoit donnée, et que la presse libérale a continuée avec tant de zèle. On en a eu un insigne exemple le 14 juillet dernier, à Châlons-sur-Saône, lors de l'exécution d'un arrêt de la cour d'assises contre un desservant. Les journaux avoient retenti des détails de cette affaire, qui étoit trop affligeante pour que nous en entretinssions nos lecteurs : ils avoient raconté longuement les débats du procès; car rien n'est à négliger pour eux quand il s'agit des fautes d'un prêtre, et on publie ses écarts à son de trompe, en se réjouissant de pouvoir accoler son nom à ceux de Mingrat, de Contrefatto, et des autres que la voix publique accusoit de crimes plus ou moins odieux. Jean Soldat, condamné à dix ans de réclusion, fut exposé au carcan, le 14 du mois passé, sur la place publique de Châlons. Il faut le dire; ce spectacle a été un jour de fête pour une populace aveugle et imbécille, qui ne pouvoit assez se rassasier de la honte et de l'humiliation d'un prêtre. Il se trouvoit, comme pour rendre la chose plus piquante, à côté du prêtre exposé, un malfaiteur qui l'a accablé, pendant tout le temps, d'injures et de railleries. Les grossièretés de ce voleur étoient un nouveau supplice pour son compagnon d'infortune, et un amusement pour la foule qui les environnoit. Ce misérable, qui sembloit là l'instrument et l'écho du parti

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