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mon état d'a: éantitlement. Depuis lors, mes forces fe font rétablies parfaitement, & je jouis de la mei!leure fanté que je puiffe défiler; mais voilà une terrible épreuve.

On a appris que le navire Impérial le Prince de Kaunitz, forti du Cap St-Dominique avec une caigaifon pré ieufe & 25 pallagers, a fait naufrage le 21 Janvier dernier près des Açores; il ne s'est lauvé que très-peu de monde; il y avoit fur ce bâtiment quelques uns de nos Officiers qui revenoient en Europe. On évalue le nombre des perfonnes qui ont péri dans ce naufrage à 89, tant paff gers que de l'équipage. Un autre navire nommé l'Etoile de Flandres, a, dit-on, auffi coulé bas à 80 lieues de Pifle de Flore; & un fecond, qui eft li Grande Bretagne, a relâché à Peche fur l'ifle de Corvo à caufe d'une vcie d'eau.

On reçoit de tems en tems des détails de ce qui s'eft paflé aux ifles pendant l'abfence de notre flotte; la plupart font le plus grand honneur à nos jeunes matirs. Parmi ces relations nous n'oublierons point celle qui concerne la corvette le Dragon, commandée par le Chevalier Jofeph de PE ine, Enfeigne de vaiffeau, frère d'un autre Enfeigre du même nom, mort à Bofton des bleffures qu'il avoit reçues au combat fi glorieux de l'Amazone fur les côtes de la nouvelle Angleterre, & qui a emporté au tombeau les regrets de tout fon Corps.

» Ce jeune Officier ayant découvert, le 21 Janvier, un vaideas ennemi & un bricq qui cher choient à approcher le Dragon, ferra la terre pour les éviter. Le lendemain matin, la même vailleau fe trouva dans fes eaux, & il en vit 17 autres à pea de diftance, qui formoient une chaîne de la pointe Ifabelique à la pointe de la Grange, fur la côte de Montechrift, dans la partie Efpagnole de Saint-Domingue, à l'eft da Cap François. Il n'y avoit pas moyen de fe faaver; le Chevalier Jofeph de 1 Epine prit alor le feul parti qui lui reftoit, ce fut de gouverner far des refcifs qui bordent la côte, afin d ôter par là aux ennemis la poffibilité d'atteindre fi corvette. Il parvint à force de travail à fianchir un premier rang de ces refcifs; mais le feu de deux vaiffeaux de 74 & d'un de so l'arteigait encore, Il chenala alors catre des roches & il fra chit un fecond rang de refcifs; enfin à 10 heures di matin il mouilla en-dedans de toutes les roches, à moins d'une encablure de terre. Il s'y croyoit en sûreté, lorfqu'il vit deux vaiffeaux faiv e fon exemple & fa route pour fa chir les premiers refcifs, d'où lear feu porti: frle Dragon, & cependant il elayɔieng encore de s'appio her davantage malgré le danger extrême qu'ils couroient. Dans cette extrémité le Chevalier de 1 Epine fe détermina à printer fes canons de retraire contre les chaloupes qui coroient au Dragon; il fit mettre à terre fon équipage, & il mit le fe à fa corvette qui fauta quelques inf tans après. L'équipage arrivé à terre n'avcit cu le tems de prendre ni effats, ni provifions ; & à peine échappé au danger d'être pris, il fe vit en proie à celui de mourir de faim & de feif fur une côte inhabitée: la nuit approchoit, le Chevalier de 1Erine ramena fon équipage au bord de la mer & lui fit prendre un bain, forte de fecours dent M. Frankiin lui avoit appris l'efficacité pour se défaléier. Dans ces entrefaite: il parut une pizogne Efpagnole

qui donna un peu d'eau à l'équipage, & le Commandant fe rendit fur cette pirogue à Montechrift d'où il obtint du Gouverneur quelques vivres qu'il conduifit en toute diligence à fon équipage refté au bord de la mer. Le lendemain tout ce monde s'embarqua fur des canots qui le conduisirent au Cap, où le Chevalier Jofeph de l'Epine a été reçu comme il mériteit de l'être, pour avoir montré tant de courage, de présence d'efprit & de fang froid. Il na pas perdu dans ces trois terribles journées un feul homme, & n'a pas eu un feul bleffé, malgré le feu prodigieux qu'il a reçu. Une conduite aufh habile dans un jeune Officier, permet de lui préfager la carrière la plus brillante «.

Les lettres de Madrid nous apprennent que le Roi d'Efpagne a créé le Duc de Crillon Duc de Mahon; ce Général ne portera plus dorénavant que ce beau titre, & fon fils aîné en héritera

On nous mande de l'Abbaye du Relleq un fait bien extraordinaire dans fes circonftances, & qui mérite la curiofité du Public & l'attention des Phyficiens.

Cette Abbaye eft fituée au pied de la longue & ftérile montagne d'Aire à 4 lieues de Morlaix. La partie de cette montagne qui avoifine l'Abbaye & lui appartient, fours it plufieurs carrieres d'ardeiles. Celle qui en donne de la meilleure qualité eft fituée dans la Paroifle de Commens. La tradition du pays porte qu'il eft très-dangereux de voyager à jeûn dans cette montagne, & que ce n'eft qu'à ce défaut de précaution qu'on doit attribuer la mort de ce x qu'on y rencontre journellement. 11 paffe encore pour conftant que cette montagne eft fujette à des coups de vent qui privent fouvent ceux qui s'y trouvent ou qui l'approchent, de l'ufage de quelque membre & même de la vie, Le 18 Mai, Nicolas

Potros, riche laboureur, raffembla parmi fes parens & les amis 15 voitures pour aller chercher à la Paroiffe de Commens l'ardoise qui lui étoit nécessaire pour couvrir un bâtiment qu'il conftruit. Cette carriere eft à environ 5 lieues de fa demeure; les voitures partirent le lendemain à 3 heures du matin conduites par 31 hommes qui avoient déjeûné auparavant. Ils eurent une pluie continuellé jusqu'à la montagne qu'ils furent obligés de parcourir pendant l'espace de 3 lieues à travers un brouillard épais, par un vent de nord très-froid. Ils furent rendus à la carriere à 8 heures du matin, mais fi tranfis de froid qu'il leur fat impoffible de goûter les provifions qu'il avoient apportées pour leur halte, Pour le réchauffer ils chargèrent leurs charrettes, & à 9 heu -res ils furent en état de s'en retourner. Le vent qu'ils avoient au dos en venant leur fut plus incommode au retour; à peine avoient ils fait une demi-lieue que deux des hommes qui conduifoient les dernières charrettes tomberent expirans, deux autres perdirent courage; Potros lui-même qui n'en pouvoit plus, détacha un de fes chevaux, le monta, & fe rendit avec beaucoup de peine au village qui eft près de l'Abbaye & à une lieue & demie du lieu où il avoit laiffé fes gens. Il ne put s'expliquer que lorfqu'il fut réchauffé, & aufli-tôt qu'il eut l'ufage de la parole, il demanda de la maniere la plus preffante & la plus touchante qu'on envoyât des charrettes à la montagne pour fecourir fes malheureux compagnons qu'il y avoit laiffés morts ou mourans. Il étoit alors une heure après-midi; tous les habitans du village firent atteler & partir leurs charrettes; un d'eux alla avertir le Prieur de l'Abbaye du Rellecą, dont l'hu manité fit monter fur-le-champ à cheval la plupart des domeftiques de la maifon qui allèrent à la montagne tandis qu'il fit lai même préparer des chambres, des lits & du feu par-tout; il envoya en mêmetems chercher le chirurgien de la maison; tout fe

trouva prêt à l'arrivée d'une charrette qui lui amena d'abord 3 hommes dont deux étoient fans connoiffance & fans mouvement, & le dernier regardé comme mort par ceux qui l'avoient conduit; les foins du Prieur les rendirent tous à la vie; le rétabliffement du dernier fur-tout parut aux affiftans une véritable réfurre&tion. Les fecours les plus efficaces, donnés à propos, ménagés avec intelligence produifirent cet effet : une feconde voiture parue enfuite avec trois autres infortunés dont l'un étoit déjà mort, & les deux autres fi mal que rien ne put les rappeller à la vie. Des 31 infortunés il y en a eu 8 qui font morts de faim & de froid, & 23 fauvés par les fecours du digne Prieur du Rellecq dont le nom mérite d'être confervé; c'eft D. Vergenet. Il a fait ouvrir Jes cadavres de ceux qui font morts; & il paroît que leur trifte fort n'a été caufé que par le froid & la faim qu'ils ont éprouvé. Tous ceux qui ont réchappé, demandoient à manger, auffi-tôt qu'ils avoient repris connoiffance, & dévotoient ce qu'on leur donnoir. A ces caufes de mort on peut joindre quelques vapeurs fulfureufes dont la montagne eft iemplie, qui ont pu les fuffoquer & occafionner la diffi. culté qu'ils éprouvoient à avaler. Les chevaux même avoient fouffert prefque également ; les domeftiques qui les ramenèrent dirent que la plupart tombcient fous leurs harnois, & qu'ils ne purent le mettie en marche qu'après avoir mangé leur avoine «.

On lit dans quelques papiers publics la lettre fuivante de M. de Villevaut, Intendant du Commerce, à M. de Flesselles, Intendant de Lyon.

» J'ai l'honneur de vous informer, Monfieur, que d'après le compte qui a été rendu au Roi de l'abondance des brais, réfines ou goudrons dans les différentes Provinces du Royaume, S. M. a permis l'exportation de ces matieres à l'étranger, à la

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