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FRANCE. Veftris feul, eft du plus grand effet. Le Ballet qui termine l'Opera a fait en général plaifir & peut être en eût il fait encore davantage fi on lui eût donné un caractère plus vif & plus animé de joie populaire. L'entrée des Guerriers y répand un peu trop de férieux; mais cela eft bien réparé par l'air noble & d'un excellent genre que danfe le fieur Gardel le cadet, avec de beaux développemens, & avec un à plomb & un accord dans tous les mouvemens qui a été généralement applaudi. Mlie Guimard danfe encore dans ce Ballet, avec le fieur Nivelon, un pas de deux dont l'exécution ne laiffe rien à defirer.

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Le pas de Suiffes & de Suiffeffes a été exécuté avec beaucoup de gaieté & de légèreté par les Demoifelles Pelin, Gervais & CouJon, & les fieurs Laurent & Frederic. On a remarqué que l'air n'avoit pas un caractère affez décidé, & que l'Auteur qui, en général, a peut être prodigué le mouvement d'Allemande dans fes airs de Ballet, femble l'avoir évité dans celui auquel il devoit être plus particulièrement affecté.

Les différens combats, la fortie des Chevaliers de l'Arc pour favorifer la rentrée des François dans la Place, l'affaut fur la brèche & l'efcalade des murs, la dunble attaque des troupes du Duc de Guife &: de la gaini fon qui mer en déroute les Flamands, ont été dirigées avec beaucoup d'intelligence, & exécutées avec une fingulière précision. Ja

mais on n'avoit vû fur ce Théâtre des manœuvres i compliquées & une fi grande multitude de combats. Il n'y a pas moins de trois armées à la fois fur la Scène; la combinaison de ces differentes manœuvres fait honneur aux talens de M. Gardel.

Il nous refte à parler des décorations. Nous ne dirons rien de celle du premier Acte, qui étoit déjà connue; celle du fecond Acte, qui repréfente la Place de l'Hôtel deVille de Péronne, & qui a été faite d'après un plan levé fur les lieux mêmes, eft d'un bel effet. L'action fe paffant dans la nuit, le Machiniste y a fait paroître une lune dont la marche eft très-bien imitée; le moment fur tout où elle fe cache derrière un nuage eft d'un effet vrai & piquant; mais nous n'avons pas trouvé la même vérité dans le ton général de couleur que le Peintre a donné à la décoration, & qui nous a paru trop chaud & trop rougeâtre. Les objets éclairés par la lune ont, à ce qu'il nous femble, une lumière plus claire & plus blanche.

La décoration du troisième Acte, qui préfente les murs de Péronne fur un des côtés & la tour dans le fond, a paru fort bien entendue. L'effet de la mine qui fait fauter tout un côté de la tour, eft rendu d'une manière hardie & frappante. On ne peut refuser des éloges au talent de M. Boulay, Machinifte de l'Opéra, qui a dirigé cette partie du Spectacle.

L'Adminiftration, qui a bien fenti que les principaux effets de cet Opéra tenoient ef

fentiellement à l'accord des décorations & de la pantomime, n'a rien épargné pour donner au Spectacle toute la pompe, le mouvement & la variété qu'exigeoit le genre de l'Ouvrage.

COMÉDIE FRANÇOISE. LE Lundi 2 de ce mois, on a représenté, pour la première fois, Pyrame & Thisbe, Scène Lyrique, par M. la Rive.

Pyrame & Thisbé font convenus de fe rendre, avant le lever du foleil, fous un mûrier planté auprès du tombeau de Ninus. C'est là qu'ils fe propofent de s'enchaîner par des fermens facrés & par des nouds éternels. Pyrame attend Thisbé l'efpoir de fon prochain bonheur lui préfente la Nature fous le plus riant aspect. Il jouit délicieufement de tout ce qui l'entoure. Les premiers rayons de l'aurore, le premier éclat du foleil levant, la verdure, le chant des oifeaux, la fraîcheur du matin, tout le ravit & l'enchante; mais le fentiment de fon amour, le fouvenir de la tendreffe de Thisbé font les principales caufes du raviffement qu'il éprouve. Cependant Thisbé n'arrive point. Aura t'elle pu échapper à l'œil de fes parens? Son père n'aura-t'il pas voulu la contraindre à époufer Cliton? Ce jeune Babylonien, ami de Pyrame, & le confident de fon amour pour Thisbé, au

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roit-il trahi l'amitié? Tous les tourmens toutes les furcurs de la jaloufie dévorent le cœur du trop fenfible amant. Il foit dans l'intention de voler au devant de Thisbé. Dans un fentier étroit, il apperçoit un voile, s'en faifit; c'eft le voile de Thisbe: il eft enfanglanté. La terreur agite Pyrame, qui tombe fur un banc de gazon. Il ne doute point que fon amante ne foit devenue la victime d'un monftre des forêts. Il couvre de fes baifers, il baigne de fes pleurs le voile de la malheureufe Thisbé. Mais il vivoit pour elle, fans elle il n'eft plas de bonheur pour lui; il fe hâte de la rejoindre chez les morts, & fe perce de fon épée en prononçant fon nom. Nous abrégeons les détails de la Scène de Thisbé, parce qu'ils font conformes à ce qui nous a été tranfmis par les Poëtes & les Mythologues. Cette infortunée quitte la caverne où elle a trouvé une retraite contre la fureur d'un lion; voit fon amant; l'appelle; apprend la caufe de fa mort; reçoit fon dernier foupir, & fe frappe du même glaive qui a tranché les jours de Pyrame.

Nous ne ferons ici aucune obfervation fur ce nouveau genre admis à nos Théâtres depuis quelques années, fous le titre de Scène Lyrique ou Mélo-Drame. Nous avons configné nos principes fur ce genre lors du compte que nous avons rendu d'Ariane abandonnée, dans un des Nos, de ce Journal. Nous y perfiftons, non pas, comme on pourroit le croire, par opiniâtreté, mais parce

que nous les croyons fondés fur la raison & fur la vérité; parce que, fi nous nous fommes trompés, perfonne n'ayant eu la volonté de nous éclairer fur notre erreur, nous ne connoiffons point encore de motifs qui puiffent nous faire renoncer aux idées que nous avons établics relativement à ce genre.

Ces principes ne nous empêcheront point de donner à M. la Rive les éloges qui lui font dûs. La première Scène (car il y en a deux dans fon Mélo- Drame) a de la chaleur, de l'énergie, de l'enthousiasme, du mon vement & de la fenfibilité. Les divers fentimens qui occupent le cœur de Pyrame, qui l'agitent & qui le déchirent, font très heu reufement contraftés. La progreffion de chacun d'eux eft filée avec art, & annonce de la connoiffance du cœur humain. On ne peut reprocher à toute cette Scène que quelques détails inutiles, qu'il eft très-facile de faire difparoître, & dont la fuppreffion doit donner à toute cette partie du Mélo Drame une marche plus vive & plus animée.

La feconde Scène (celle de Thisbé) ne nous a pas fait, à beaucoup près, le même plaifir que la première; & nous croyons vo lontiers que c'eft la faute du fujet. 1°. Après les tourmens qu'éprouve Pyrame, après les regrets qu'il fait éclater à l'afpect du voile enfanglanté de fon amante, après la réfolution qu'il prend de ne lui pas furvivre; la douleur, les cris, la réfolution de Thisbé prennent un caractère froid, parce qu'ils ne

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